Accident mortel au port autonome : le tribunal se dessaisit de l'affaire

La décision du tribunal est tombée en fin de journée.
Trois entreprises et deux gérants devaient être jugés ce mardi, quatre ans après la mort accidentelle d'un soudeur, tombé d'une nacelle, au port autonome. Mais le tribunal correctionnel de Nouméa a finalement choisi de ne pas juger cette affaire.

Il aura fallu plus de trois heures aux avocats, au ministère public et à la présidente du tribunal correctionnel pour trouver une solution aux différentes nullités soulevées par les parties de cette affaire, très complexe au niveau juridique. Le tribunal a fini par trancher : il se dessaisit du dossier. 

Des nullités « in limine litis » (c'est-à-dire au commencement du procès) ou des invalidités concernant la procédure ont été pointées par les avocats de la défense. 

"La citation directe vise des délais qui ne sont pas ceux de l’accident, signale maître Siggrid Klein, qui défend les intérêts de la MSC (monteur soudeur chaudronnier), l'une des deux sociétés visées dans cet accident du travail survenu en janvier 2019, au port autonome, à Nouméa. A savoir qu’elle parle d’homicide involontaire entre 2018 et 2020. Ce n'est techniquement pas possible. Elle parle aussi d’un accident qui aurait eu lieu en janvier 2020, alors que c’est 2019. "

Des articles non applicables à cette affaire

Pour l'avocate de la MSC, "ce sont des causes de nullité importantes". "D’autant que la partie civile ne démontre pas qu’elle a un intérêt à agir, puisqu’elle demande des indemnisations pour des enfants qui n’ont pas de lien avec la victime."

Même constat de maître Calmet, l'avocat de la SARL Reviso, visée également dans cette affaire, qui estime que "la procédure telle qu’elle a été diligentée ne respecte pas les règles élémentaires du code de procédure pénale". Les articles mettant en cause les prévenus "ne sont pas des articles applicables en cas de l'espèce", signale le conseil, qui se dit "satisfait de la décision du tribunal". 

Retour sur les faits

Initialement, plusieurs prévenus devaient être entendus à la barre du tribunal correctionnel : deux gérants pour travail clandestin et trois sociétés pour homicide involontaire. 

L'affaire remonte au 15 janvier 2019. Ce jour-là, au port autonome, la société MSC réalise des travaux sur un remorqueur de l'entreprise Reviso. Deux soudeurs sont positionnés sur une nacelle métallique pour fixer des anneaux à l'avant du navire, quand un autre remorqueur de la même entreprise se met à créer des remous, en quittant le quai. 

Balloté par ces mouvements, l'un des deux soudeurs, âgé de 28 ans, saute alors de la nacelle. Son corps sera retrouvé dans l'eau par les plongeurs de la gendarmerie maritime, peu de temps après.

Un drame pour la famille de la victime, représentée par Me Patrice Tehio : "ils souhaitent que (s)a mémoire soit honorée comme il se doit par un procès qui soit équitable, honnête et bien tenu".

Des manquements à la sécurité

A l’époque des faits, l'enquête avait pointé des manquements aux règles de sécurité, notamment le mauvais état du camion-plateau et de la nacelle, utilisés pour ces travaux. L'expert de la Direction du travail et de l'emploi avait aussi pointé le manque d'analyse et de coordination, de la part de l'entreprise Reviso. 

Les enquêteurs ont également mis en exergue le fait que la déclaration préalable à l'embauche concernant la victime n'avait été effectuée que bien après l'accident. La victime travaillait pour l'entreprise MSC depuis le 22 décembre 2018, soit 25 jours avant le drame. 

De lourdes peines encourues

Pour un délit de travail illégal, la peine encourue peut aller jusqu’à 3 ans de prison et 5 millions de francs d’amende, voire jusqu’à 26 millions de francs d’amende, s'il s’agit d’une entreprise. Pour homicide involontaire, la peine peut aller jusqu’à 5 ans de prison et 9 millions de francs d'amende. 

La décision prise ce mardi par le tribunal permet d’envisager une nouvelle instruction du dossier. Le tribunal peut être ressaisi avec de nouvelles convocations ou abandonner les poursuites. 

Le reportage de Natacha Lassauce-Cognard et Christian Favennec : 

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