La Norvège et la Russie partagent une frontière terrestre de 196 kilomètres dans le cercle polaire arctique. Malgré la longueur, il n'y a qu'un seul point de passage considéré comme le poste-frontière le plus septentrional d'Europe : Boris Gleb. Pour le moment tout est calme et la météo presque clémente : 2° en journée.
Kirkenes
La ville la plus proche, côté norvégien est Kirkenes. En face, la cité minière de Nikel avec sa grande usine aujourd’hui éteinte se trouve côté russe.
Nikel
Nikel, la bien nommée, est une cité de quelques milliers d’habitants. L’usine métallurgique qui domine encore l’horizon fut construite après la seconde guerre mondiale. Le complexe industriel et minier touchait la frontière russo-norvégienne.
INCO, Rothschild, la Société Le Nikel
Il y a longtemps, dans les années 1920-1930, cette terre riche en nickel, avait appartenu au canadien INCO avec une participation française de la famille Rothschild à travers la Société Le Nickel. Ensuite, finlandais, allemands et soviétiques se disputèrent les ressources avant de s'affronter dans une lutte à mort pendant la seconde guerre mondiale.
L'usine ferme en 2021
Un peu moins d'un siècle plus tard, profitant de l'effondrement de l'Union Soviétique, une vague d’activisme environnemental a déferlé sur la région. Les écologistes de Kirkenes ont finalement obtenu la fermeture de l’usine de ferronickel, l’une des plus polluantes de la planète.
En octobre 2021, les fumées noires, portées par les vents sur Kirkenes, ont disparu. La neige a retrouvé la teinte blanche qu’elle avait perdue depuis des décennies. "Les émissions dans la région ont diminué et la qualité de l'air s'est améliorée. Mais le sol reste très pollué" pondère Atle Staalesen, journaliste pour The Barents Observer.
Nornickel choisit la Finlande
Le vestige de l’époque soviétique a éteint ses feux, ses cheminées géantes, qui ne disposaient d’aucun filtre, ont arrêté d’émettre du dioxyde de soufre. Le russe Nornickel, propriétaire s’est tourné vers un mode de production plus respectueux de l’environnement, en Finlande. "Il y a eu une opposition massive à la pollution venue de Russie de la part des populations norvégiennes voisines", précise M.Staalesen.
Guerre en Ukraine, fin des projets
Un projet de dépollution de la ville de Nikel était encore récemment envisagé par la Norvège et la Russie, avec le soutien de l’UE. Mais "Nikel", la cité de l’extrême, devra sans doute y renoncer. "Je doute que la réhabilitation de Nikel soit une priorité désormais. La guerre en Ukraine et le déclin économique probable de la Russie ne vont pas faciliter les choses", poursuit le journaliste de The Barents Observer, interrogé par La 1ère.
"tourisme de l'essence"
La petite cité ouvrière du nickel, a perdu les rares visiteurs norvégiens qui venaient découvrir ce vestige de la période communiste. L’heure n’est plus à la coopération mais à la méfiance. Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, les véhicules se pressaient pourtant de part et d’autre de la frontière. Ils allaient faire le plein d’essence et de Vodka à Nikel.
Désormais, les résidents de Kirkenes ne vont plus en Russie. Et pourtant, la zone spéciale sans visa, de part et d'autre de la frontière, réservée aux citoyens de Kirkenes et de Nikel n'a pas encore été supprimée. "Le poste frontière (Boris Gleb ndlr) n’est pas formellement fermé mais il n’y a pratiquement plus de voyageurs et donc plus de « tourisme de l'essence » à Nikel".
Tensions
La guerre en Ukraine a sans doute porté un coup fatal à la période d’ouverture commencée dans les années 1990. "En effet, la guerre en Ukraine met à rude épreuve les relations transfrontalières locales. De nombreux habitants sont choqués par le soutien des Russes à la guerre. Pourtant, on ne voit pas de drapeaux ukrainiens ou de banderoles de protestation autour du consulat russe de Kirkenes », conclut Atle Staalesen.
Le "Stalingrad" du Nord
Mourmansk, le seul grand port de la région en eaux libres l’hiver est à 90 km. On atteint le "Stalingrad du Nord", ainsi dénommé car il ne ne fut jamais conquis par l'armée allemande, après trois heures d’une mauvaise route qui serpente entre des vallées spongieuses, des mines de nickel abandonnées, des lacs entourés de forêts et des ravins étroits. Un autre monde: si loin, si proche.
@Alain_Jeannin (twitter)