Australie : la communauté aborigène d'Aurukun rongée par la violence

La cour de l'école d'Aurukun.
Vingt-cinq enseignants et employés de l'école d'Aurukun, dans le nord du Queensland, ont été évacués la semaine dernière, après l'agression du directeur de l'établissement par plusieurs élèves. L'un d'entre eux était apparemment armé d'une hache.
Cette agression n'est pas un fait isolé. Les violences sont répandues dans cette localité d'Aurukun, situé dans l'extrême-nord du Queensland, dans la péninsule du cap York. Dans un rapport publié en début d'année sur les violences sexuelles, Aurukun présentait un taux d'agression sexuelle 6,6 plus élevé que le reste du Queensland, et 85% des victimes avaient moins de 17 ans.
 
Les aînés aborigènes veulent que ça cesse. Du changement et de l'action, c'est ce qu'a demandé une femme de la communauté lors d'une réunion publique, qui s'est tenue en fin de semaine dernière :
 
« On a besoin d'être instruits. On doit protéger nos professeurs, pour qu'ils nous aident à éduquer nos enfants pour leurs vies futures. Allez, il faut taper du poing sur la table et être ferme. Ne laissez pas les enfants être forts et prendre le dessus sur vous. En tant que parents, on doit avoir le dessus et montrer à nos enfants le droit chemin. »
 
Rétablir respect et discipline au sein des foyers, c'est le conseil qui revient souvent dans la bouche des aînés. Mais le problème est profond et complexe. Noel Pearson, représentant aborigène de la péninsule du cap York, dit être celui qui a demandé aux autorités du Queensland de mettre le personnel de l'école à l'abri tant que sa sécurité n'est pas assurée. Pour lui, plusieurs facteurs entrent en jeu, à commencer par l'absentéisme scolaire :
 
« C'est un héritage. Vous trouverez ça dans n'importe quelle communauté isolée. Ces enfants n'ont pas réussi à aller au collège, ils ont quitté l'école en primaire, ils trainent dans la rue le soir. À Aurukun, il y en a vraiment beaucoup dans ce cas. »
 
Noel Pearson pointe aussi du doigt la consommation d'alcool et de drogue :
 
« L'alcool a commencé à couler à flots en 1985, quand un restaurant a ouvert. Cinq ans plus tard, il y a eu un reportage célèbre d'ABC, qui faisait le point sur l'ouverture de ce commerce. Les jeunes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, c'est la deuxième génération, ce sont les enfants d'enfants abîmés par la vie. »

Dans cette localité de 1 200 habitants, l'alcool est pourtant interdit. Mais la loi « n'est pas appliquée rigoureusement », souligne Noel Pearson. Le représentant aborigène estime que la police ne fait pas son travail. Les officiers laisseraient ainsi les jeunes se battre dans la rue, partant du principe que ça leur permettrait de régler leurs problèmes entre eux. Des aînés aborigènes auraient écrit aux responsables locaux de la police pour s'en plaindre.

 
Le chef adjoint de la police du Queensland, Paul Taylor, nie tolérer ces combats de rue, mais il explique qu'il est parfois difficile pour ses agents d'intervenir :
 
« Il est vrai que parfois, la police arrive alors qu'un combat est en cours et parce qu'il y a beaucoup de monde et qu'il faut éviter que la foule ne se retourne contre les policiers, ils essaient en général de négocier un règlement à l'amiable entre les différents camps. À Aurukun, comme vous le savez, ça peut être complexe : il y a cinq clans différents qui y vivent et il y a de vieilles rancœurs entre les familles. Les gens se disputent parfois pour des broutilles. »
 
L'établissement scolaire de la localité restera fermé jusqu'à nouvel ordre. Six jeunes ont été inculpés pour l'attaque du directeur de l'école.