Avenir de la Nouvelle-Calédonie : ce que les trois sénateurs retiennent de leur mission

Philippe Bas, François-Noël Buffet et Jean-Pierre Sueur ont évoqué leur semaine de mission avec la presse, au haut-commissariat.
Retour à Paris, pour les trois sénateurs membres de la commission des lois, venus en Nouvelle-Calédonie le temps d’une semaine tournée vers l’avenir institutionnel. Et c’est un bilan plutôt positif qu’ont dressé mardi soir François-Noël Buffet, Philippe Bas et Jean-Pierre Sueur. Avec trois mots-clefs : écoute, confiance et dialogue.

Une démarche d’écoute, des échanges à la fois nombreux et de qualité, des enjeux considérables mais un regard positif : c’est ce qui ressort du bilan évoqué au soir du mardi 28 juin par la mission d’information qu’a diligentée le Sénat après la troisième consultation référendaire. Une conférence de presse tenue au haut-commissariat peu avant de reprendre l’avion.

Une semaine de rencontres

La commission des lois du Sénat a dépêché cette mission en Calédonie du 22 au 29 juin. Son président, François-Noël Buffet, la résume en chiffres : "Nous nous sommes rendus dans les trois provinces, c’était une condition fondamentale de notre déplacement. Nous avons tenu ici 36 auditions, ça représente plus d’une cinquantaine d’heures de discussions et d’écoute, principalement d’écoute. Nous avons participé à trois cérémonies mémorielles." L’un des premiers actes des sénateurs, souligne l’élu LR du Rhône, a ainsi été de se rendre, le vendredi 24 juin, à Ouvéa, où ils se sont recueillis à la fois à la gendarmerie et au mémorial des 19. Autre moment fort, le dimanche 26, l’inauguration à Nouméa de la place de la Paix et de la statue personnifiant la poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.

Le dimanche 26 juin 2022, à Nouméa, le sénateur Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, immortalise la statue de Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.

Une immersion

Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, décrit "une vision qui ne s’est pas limitée à la politique mais qui, grâce à nos rencontres, nous a permis d’avoir une immersion profonde, bien que limitée dans le temps, dans la Nouvelle-Calédonie. Aussi bien sa jeunesse que le monde économique, social, les associations, la culture, la culture kanak en particulier". Sans oublier les interlocuteurs spirituels. "Nos premières impressions, sur le fond, sont multiples", a-t-il développé. "Bien sûr, il y a l’aspect politique. Les Calédoniens se sont déjà exprimés à plusieurs reprises sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Mais à les entendre, dans leur diversité, on voit bien que cet avenir reste à écrire. Et pour l’écrire, ils auront certainement à s’exprimer de nouveau, je le souhaite, dès que possible, sur de nombreux enjeux, profondément imbriqués les uns aux autres." 

Et le rapporteur de citer le cadre institutionnel, les relations avec l’Hexagone mais aussi les conditions du développement, économique, culturel et social. "Même si nous avons, nous, à approfondir ces questions, pour pouvoir aider à l’émergence de solutions, ce sera d’abord aux Calédoniens de s’entendre, tant sur les questions à traiter, ensemble, que sur les solutions et les modalités de leur mise en œuvre."

Il n’y a pas une solution unilatérale qui soit également durable. Et qui puisse assurer à la Nouvelle-Calédonie un avenir de stabilité et de développement.

Philippe Bas, sénateur LR de la Manche

L’importance d’une relation de confiance

Parmi les objectifs affichés de cette mission, constater de visu la situation sur place, et travailler une relation de confiance avec les acteurs calédoniens. "Finalement, nous avons peu parlé, pour laisser la place à l’écoute de nos interlocuteurs, à des questions, à des échanges. C’était un objectif que nous nous étions fixé", insiste François-Noël Buffet. L’idée, avoir une image la plus fidèle possible de la Calédonie et de ses défis. "Pour nous, l’enjeu était, est toujours, dans un climat de tensions, d’inquiétude pour certains, de reconstruire un lien de confiance entre les différents acteurs et à l’égard du Sénat en particulier. Il faut avoir en tête ", signale-t-il, "que lorsque le gouvernement déposera un projet de loi, ce texte viendra en premier devant le Sénat, et en premier, devant la commission des lois. C’est-à-dire devant nous. Il était absolument essentiel qu’on travaille sur cette confiance. "

On a compris qu’ici, il fallait tisser et retisser le dialogue.

François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, dans un parallèle avec les Canuts lyonnais

Le rôle de l’Etat

Pour Philippe Bas, "l’histoire calédonienne va se poursuivre. La nouvelle étape va s’ouvrir. Un accord devra être recherché et plus encore, trouvé. L’appui de l’Etat sera essentiel et cet appui ne sera efficace que si l’Etat est impartial", ajoute le parlementaire Les Républicains. "Nous pensons que le gouvernement devra s’y impliquer en prenant toutes les initiatives nécessaires pour rétablir la confiance. Parce que la confiance, c’est le mot-clé. " Et à tous les niveaux de la société, ajoute Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret : "C’est la confiance aussi entre toutes les parties calédoniennes pour rechercher un accord. La confiance entre les institutions et la société civile. Entre le politique et l’économique… "

La question de la confiance est vraiment fondamentale.

Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste, écologiste et républicain du Loiret   

Derrière les points de blocage, les points communs

Après cette semaine d’échanges, il fait un constat : "Il y a des moments où on se dit qu’il y a des blocages. Il y a aussi des moments, nombreux, où l’on se dit : tous les responsables se connaissent tellement, il y a plus de points en commun que ne peuvent le laisser penser un certain nombre de discours très antagonistes. "

Et le sénateur du Loiret livre son sentiment : "On ne peut pas dire comment les choses vont se faire concrètement. Mais le moyen d’avancer, c’est certainement de dire, premièrement, il y a une part d’autonomie nécessaire. Deuxièmement, il y a un partenariat avec la France qui est nécessaire et dont nous a dit qu’il était, dans de nombreux domaines, positif. Quels que soient les choix qui seront faits sur l’autre versant, celui de l’autonomie, nous pensons que le partenariat est présent dans les cœurs et les esprits. Et qu’il n’y a pas contradiction dans le fait de continuer à travailler avec la France et la reconnaissance de la spécificité de ce territoire."

Des discours pas si tranchés

Jean-Pierre Sueur relativise à nouveau : " Il y a des paroles qui consistent à dire : 'Il y a eu trois référendums, point, c’est terminé, alignez-vous là-dessus.' Il y a des paroles qui consistent à dire : 'Souveraineté, indépendance, terminé.' Et puis quand on écoute bien, il y a beaucoup de paroles moins abruptes, moins absolues. Nous pensons qu’il y a toujours matière à négociation, à discussion." 

Des volontés partagées

"Nous avons la certitude absolue que l’ensemble des habitants veulent vivre dans la concorde civile, dans la stabilité", résume François-Noël Buffet. "Qu’ils veulent par ailleurs être respectés dans toutes leurs composantes et dans la dignité de chaque personne. Ils ont tous unanimement la volonté de faire fructifier la richesse de la Nouvelle-Calédonie, avec l’idée que ce développement serve à l’amélioration des conditions de vie de chacune et de chacun. Ils nous ont rappelé qu’ils attendaient tous des politiques publiques qu’elle soient efficaces et qu’elles assurent l’égalité des chances. Ils sont tous attachés à leur culture respective et au système de valeurs qui contribue à donner du sens à la vie de chacune et chacun." Avec ce focus : "La jeunesse calédonienne que nous avons rencontrée s’inscrit de moins en moins dans les clivages, dans les préjugés, et pratique de façon naturelle le vivre-ensemble."

La Fédé ressent "une sorte de déception" à la suite du discours du ministre des Outre-mer et regrette ne pas pouvoir prendre part au dîner avec les représentants économiques de ce soir.

Un travail loin d’être terminé

Cette mission, les entretiens parisiens qui l’ont précédée et ceux qui vont se poursuivre en juillet nourriront un rapport. Il doit être rendu par la commission des lois du Sénat après l’été hexagonal. "Nous attendons qu’il dise des choses très concrètes", assure Jean-Pierre Sueur, sans dévoiler lesquelles. "Il ne s’agit pas que de faire un simple constat, mais de proposer des lignes d’avancée. "

Le référendum de projet à l’horizon

Est-il réaliste de viser un référendum de projet en juin 2023, comme posé par Sébastien Lecornu ? "Il est certain que pour tenir un tel calendrier, il faut que le dialogue se noue rapidement, s’intensifie sur l’ensemble des sujets que nous avons identifiés", observe Philippe Bas.

Interrogée à ce sujet, la mission est par ailleurs revenue sur les propos de François-Noël Buffet dénoncés début juin par les soutiens calédoniens de la majorité présidentielle. Lors d’une audition, le président de la commission des lois a considéré que le fameux référendum de projet résultait d’une simple déclaration du ministre. "J’ai simplement répondu à une question de droit en disant ce qui est un fait", explique-t-il : "Le fait est que le référendum de projet de juin 2023 a été annoncé par l’ancien ministre de l’Outre-mer. A l’heure où nous parlons, personne ne l’a remis en cause. C’est une précision que j’ai apportée mais elle est de caractère juridique."

Et un clin d’œil à l’Histoire

Ajoutons ce message subliminal du sénateur Sueur. " J’ai eu une grande amitié pour Michel Rocard et quand je vois l’œuvre qui a été menée avec les Accords de Matignon et cette statue qui a été inaugurée, je pense que c’était inouï, à l’époque. " Et de faire un parallèle avec le résultat des dernières législatives : "Je me permets de signaler qu’alors, Michel Rocard ne disposait pas de majorité absolue à l’Assemblé nationale. On peut faire de grandes choses à condition que la volonté politique soit là, dans toutes les configurations."