Calédoniens ailleurs : Valérie Morignat, le ciel pour limite

Calédoniens ailleurs : Valérie Morignat, le ciel pour limite
Nombre de nos compatriotes font le choix de quitter la Nouvelle-Calédonie. Études, recherche d’emploi, envie d’ailleurs, les raisons sont multiples. Mais qui sont ces Calédoniens qui tentent l’aventure hors du Caillou ? Cette semaine, Valérie Morignat, installée à San Francisco. 
 
« J’aurais pu mieux faire. » Voilà la réponse que donne Valérie quand on l’interroge sur le regard qu’elle porte sur son parcours. Et pourtant en vingt-cinq ans de vie estudiantine puis professionnelle, la Calédonienne a étudié à Paris, enseigné en tant que Maître de Conférences à Montpellier, photographié le monde entier, été cheffe d’entreprise en Nouvelle-Calédonie avant de fonder une startup aux États-Unis. Tout cela grâce à une énergie sans faille et une positivité à toute épreuve. Constat est fait que Valérie n’a fait qu’une bouchée des limites qu’elle a pu rencontrer. Et ce, de la plus brillante des manières. 
 
Petite fille, Valérie a toujours cru en ses rêves, soutenue par sa famille

L’envie d’aller plus loin, la Calédonienne l’a très jeune, au retour d’un séjour à Paris. Elle fera ses études dans la capitale. Un choix audacieux pour une fillette de cinq ans. « Même si on venait d’une petite île, il fallait voir au-delà des limites, d’autant plus quand on est petite fille. » Créative et poussée par ses parents à avoir de l’ambition, Valérie développe un vif intérêt pour l’art, la littérature et la philosophie mais aussi pour les nouvelles technologies. Elle décide, après son bac obtenu en 1991, de passer une licence de lettres et arts plastiques à la Sorbonne, se spécialisant en photographie. Si elle tente de s’initier dès son arrivée à Paris à l’infographie, elle y met un terme rapidement. « A l’époque les cours de création numérique n’étaient pas encore pertinents. » La perspective de passer le CAPES d’arts plastiques l’effleure rapidement. Son entrée en Maîtrise est une révélation pour elle. « J’ai senti que la recherche était faite pour moi. Ça a nourri mon appétit pour le savoir, la connaissance. » Valérie enchaîne brillamment avec un DEA puis un Doctorat tout en devenant allocataire-moniteur (enseignante ndlr) à la Sorbonne. « J’ai toujours voulu transmettre. Le savoir, ça doit être partagé. » S’ensuivent des années folles pour la chercheuse. 
 
Universitaire, cheffe d'entreprise, photographe, la Calédonienne a de multiples casquettes

Avide d’apprendre et décidée à mêler sciences et arts, à créer des liens entre monde moderne et monde ancien, Valérie travaille sur l’impact de la technologie sur les processus créatifs, enseigne dans plusieurs universités parisiennes et dans des écoles de commerce et de design et est reçue à l’agrégation externe d’arts plastiques. Docteur en Arts et Sciences de l’Art et agrégée, Valérie obtient en 2003 un poste de Maître de Conférences en Cinéma et arts numériques. Son désir d’innover fait mouche. En dix ans, elle développe notamment l’enseignement des arts numériques au sein de l’université de Montpellier III. Mais le mal du pays a raison d’elle. Voilà plusieurs années que la Nouméenne souhaitait revenir sur le Caillou en tant qu’universitaire. A défaut de trouver un poste adéquat, Valérie, spécialisée dans la photographie d’art subaquatique et multi-récompensée, a profité de ses séjours pour organiser le New Caledonia Photo Festival. Après vingt ans d’absence, elle décide de prendre une disponibilité pour revenir sur le territoire en janvier 2011. Imaginative, entreprenante voire visionnaire, elle crée rapidement son entreprise spécialisée dans le conseil en stratégie digitale et économie numériqueTransmedia Consulting. Elle conduit alors plusieurs missions stratégiques pour les provinces, le gouvernement et les entreprises locales.
 
En 2019, Valérie a lancé sa startup Intelligent Story à San Francisco

Après quatre ans en Nouvelle-Calédonie, Valérie éprouve le sentiment qu’elle fait face à de nouvelles limites. Un constat s’impose à elle. « Je devais explorer d’autres horizons. J’ai eu l’intuition qu’il fallait que je parte à San Francisco. » Une idée qu’elle met à exécution. En février 2015, l’acharnée Valérie obtient sa green card. Une date particulière pour elle. « Je l’ai obtenue le jour de l’anniversaire de ma grand-mère kanak et ni-vanuataise. Elle avait toujours cru en moi. » Recrutée comme directrice du design d’expérience dans une agence de communication spécialisée dans la santé, Valérie gravit les échelons pour devenir directrice de l’innovation interactive. Trois ans plus tard, l’envie d’aller plus loin la pousse à quitter son poste pour intégrer une startup comme Chief Innovation Officer
 
A San Francisco, Valérie a rencontré l'amour

La Calédonienne décide en parallèle de se lancer dans l’Intelligence Artificielle (IA). Après toutes ses expériences professionnelles diverses, cette entreprise est un peu la somme de « toutes ses connaissances en matière d’histoire, de philosophie, de design et de nouvelles technologies. »  En travailleuse méthodique, Valérie intègre un programme du MIT et obtient plusieurs certifications en IA, stratégie des affaires et Machine Learning. En février 2019, sa startup Intelligent Story voit le jour à San Francisco. Un an plus tard, l’entreprise prend doucement mais sûrement son envol. « Je suis très contente car je ne me suis pas trompée sur mon positionnement, sur l’analyse du marché. » Mariée à Kimberly depuis cinq ans, Valérie pense déjà aux futurs défis qu’elle va relever. « Je vais développer mon entreprise à l’international et finir mon livre sur l’IA qui mêle philosophie et entreprenariat. » « J’aimerais distiller tout cela en Nouvelle-Calédonie pour partager mon expérience et encourager les personnes à ne pas se limiter. » 

par ambre@lefeivre.com