Candidature au perchoir, "accord de stabilité", relations avec l'Etat, projet d'avenir... ce qu'on peut retenir de l'entretien de Roch Wamytan, président du Congrès

Roch Wamytan sur le plateau du JT le dimanche 28 août.
Samedi, l’Union calédonienne tenait un comité directeur extraordinaire au Mont-Dore. Mardi prochain, le Congrès renouvelle ses instances, notamment son président. Le tout sur fond d’accord des groupes indépendantistes avec l’Eveil océanien. C’est dans ce contexte que Roch Wamytan, actuel occupant du "perchoir", était dimanche l’invité politique du journal télévisé.

La présidence du Congrès semble jouée. Selon toute vraisemblance, avec les voix assurées de l'Eveil océanien, un indépendantiste sera à nouveau élu, mardi 30 août. Roch Wamytan s'annonce encore reconduit dans cette fonction qu'il exerce depuis un peu plus de trois ans. "Au comité directeur de samedi, à La Conception, l'Union calédonienne a évoqué ma candidature. Je devrais en principe être candidat mardi à ma propre succession", a-t-il annoncé dimanche soir sur notre plateau. 

"Un accord de stabilité" avec l'Eveil océanien

Cette fois, les deux groupes indépendantistes au Congrès et l'EO ont formalisé un accord. "Parmi les partis politiques intéressés pour que nous puissions aller ensemble, pour agir et entamer les réformes qui n'ont pas été faites au cours des précédentes décennies, l'Eveil océanien s'est proposé de travailler avec nous. Les chefs de groupes se sont réunis et ils sont arrivés à cet accord", pose l'invité.  

Ce n'est pas un accord de gouvernance, c'est plus un accord de stabilité (…) pour pouvoir réformer. De façon à ce que le président du gouvernement et le président du Congrès, dans la gestion de nos deux institutions, aient une visibilité sur deux ans pour entamer ces réformes.

Roch Wamytan, élu UC-FLNKS et Nationalistes, président du Congrès

"Les textes nous permettent d'avoir des collaborateurs"

"Malheureusement, la droite non-indépendantiste qui a dominé la vie politique calédonienne n'a pas eu le courage politique de pouvoir réformer au fond", tacle-t-il au passage. Cela dit, l'accord avec l'Eveil océanien contient toute une série de contreparties. "Ces quelques recommandations sont sujet à discussion mais c'est dans le cours du temps que ces discussions viendront", réplique Roch Wamytan, en s'attardant sur l'exemple des crédits évoqués pour des collaborateurs. "Il faut que l'opinion sache que chaque année, le Congrès vote entre 25 et 30 millions pour la rémunération des postes de collaborateurs. Quand on a l'ambition de réformer un pays ou tout simplement de faire son travail en tant que membre du gouvernement, conseiller à la province ou au Congrès, les textes nous permettent d'avoir des collaborateurs."

De quoi constituer une majorité que des élus loyalistes qualifient de non-représentative du pays. "Ça c'est leur point de vue, rétorque l'invité. Nous, nous disons : non, nous avons une majorité qui a été légalement, juridiquement, constituée avec les élections de 2019."

L'Etat, critiqué mais "incontournable"

Vives critiques envers Paris pour sa gestion du processus de décolonisation, rejet du troisième référendum qui s'est tenu le 12 décembre 2021 : Roch Wamytan se voit demander quelles sont les relations actuelles des indépendantistes avec l'Etat. "C'est plus des relations institutionnelles", répond celui qui est un signataire de l'Accord de Nouméa. "Nous avons de temps en temps des demandes de communication téléphonique, avec le ministre Darmanin, avec le ministre Carenco. Ça ne va pas plus loin. Sinon, nous avons des relations normales, de nos deux institutions, avec l'Etat. [Il] est un partenaire incontournable dans l'application et la mise en œuvre de l'Accord de Nouméa, la fin de ce processus-là et ensuite pour l'avenir."

Nous souhaitons accéder à la pleine souveraineté. C'est un droit reconnu par les Nations unies, et par la constitution française (…) Il y a des modalités à trouver ensemble, dans le cadre de discussions, qui vont s'ouvrir avec notre colonisateur, en l'occurrence l'Etat français, et puis leurs clones locaux. Nous verrons, à l'issue, si nous sommes ou non satisfaits de la solution dans laquelle on va tendre. Pour nous, c'est l'accession du pays à la pleine souveraineté dans les années qui viennent.

Roch Wamytan quant au projet indépendantiste pour l'avenir de la Calédonie

Le sens des bilatérales

Sur cette question de l'après, "les différents partis politiques ont des choses à réfléchir, à travailler sur leur projet (…) et au moment où les discussions vont s'ouvrir officiellement, les uns et les autres iront à la table des discussions", déclare Roch Wamytan, mais en rappelant cette volonté au préalable d'"avoir une discussion avec l'Etat français." 

C'est quelque chose qui trouve tout son sens dans notre histoire : l'Etat est notre colonisateur. C'est tout à fait normal que nous, représentant le peuple kanak aujourd'hui, comme ça s'est passé en 1983, en 1988, en 1998, dans un premier temps, nous puissions discuter avec l'Etat. Et ensuite, évidemment qu'on ouvrira les discussions.

Roch Wamytan  

Un ministre le 12 septembre ?

Une visite de Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, est attendue au cours du mois. L'invité évoque la possible date du 12 septembre. "Pour le moment, nous ne savons pas quand est-ce qu'il va venir faire exactement ici (…) En tant que signataire et président du Congrès, je n'ai pas eu une information officielle annonçant sa venue en Calédonie." 

A propos de la ligne formulée samedi 

En ouverture du comité directeur extraordinaire tenu samedi par l'UC, son dirigeant Daniel Goa a campé une position très ferme quant à l'avenir institutionnel. "Quand on vient à des discussions aussi importantes que celle-là qui va déterminer l'avenir de notre pays, il est aussi important en amont que chaque groupe politique, notamment chaque grande famille politique, nous indépendantistes et ceux qui ne sont pas pour l'indépendance de la Calédonie, pose les choses sur la table (…) Nous, nous avons un projet. Le président Goa annoncé la ligne."

Comité des signataires à l'horizon

L'idée d'un comité des signataires à Paris est-elle totalement repoussée ? "Il va bien falloir organiser un comité des signataires, considère Roch Wamytan. Maintenant, c'est la bataille des calendriers (…) Il y a eu un calendrier arrêté par Sébastien Lecornu l'année dernière au mois de juin, lorsque nous étions à Paris. [Il] partait du 12 décembre 2021, jusqu'en juin 2023, avec un référendum de projet." Sauf que... Selon lui, "tout ça est caduc, à partir du moment où nous n'avons pas été entendus pour le troisième référendum, pour nous illégitime au niveau politique. Nous avons fait un recours auprès de la Cour internationale de justice, soutenu par les pays de la région. Ce qu'on fait pour avancer ensemble dans cette direction va nous amener à un moment donné vers un comité des signataires." 

Et d'opposer un autre calendrier. "Le président du gouvernement l'a annoncé à sa déclaration de politique générale, le 21 novembre dernier : le calendrier du gouvernement va jusqu'en 2024. Cet accord de stabilité signé avec l'Eveil océanien - dont je salue le courage et l'esprit de responsabilité - va jusqu'en 2024."

"Ce n'est pas l'arrivée des indépendantistes qui rend plus malheureux les gens"

Est-ce que les "petites gens" vivent mieux depuis que les indépendantistes sont aux affaires du pays, s'interroge un internaute ? "Les petites gens ont toujours des problème de vie, je pense que c'était pire avant. Avec la crise, ce n'est pas l'arrivée des indépendantistes (…) aux leviers des deux institutions qui rend plus malheureux les gens, ce n'est pas possible d'avoir cette analyse-là. (…) Les inégalités sont profondes, ici en Nouvelle-Calédonie, mais ça ne date pas de l'année dernière (…) et chacun a sa part de responsabilité."
 

On ne peut pas dire qu'en un an, nous allons réformer le pays. Il faut nous juger en 2024. Avec cet accord de stabilité, qui sera encore affiné, vous allez pouvoir nous juger. Mais nous nous engageons à ce que les petites gens soient plus heureux, plus satisfaits, de cette gestion indépendantiste au sein des deux institutions de la Nouvelle-Calédonie.

Roch Wamytan

Un entretien avec Thérèse Waïa à retrouver en entier :

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