[DOSSIER] La réforme fiscale en Nouvelle-Calédonie 4/4 : la redevance minière

Acheminement de minerai extrait.
La réforme fiscale voulue par le 17e gouvernement calédonien prévoit bien de créer la fameuse redevance minière sur chaque tonne extraite ou exportée. Sommes-nous à l'abri d'une révolution en matière de fiscalité minière ?

Nouvelle-Calédonie la 1ère vous propose une série en quatre temps sur la fiscalité. Dernier volet : le retour de la redevance minière. Un dossier signé Bernard Lassauce.

Une redevance minière pour les communes, une taxe pour les produits miniers, pour le fonds nickel et les générations futures. A chaque fois, 1, 8 milliard pour les comptes publics... Les syndicats l’ont tellement rêvé qu’ils n’osent y croire.

On parle de la taxe à l'exportation depuis 2005. Les ressources ne sont pas ad vitam æternam. Il faut penser aux générations futures et à partir du nickel, développer la Nouvelle-Calédonie.

Milo Poaniewa, président de l'Usoenc

Exonérations à la pelle

Le secteur minier est plutôt habitué aux exonérations. Ainsi la mine, avec les défiscalisations de l’Etat pour l’Outre-mer, des exonérations de TGI (taxe générale à l'importation), des déductions fiscales ou le pacte de stabilisation. Les métallurgistes bénéficient aussi d’exonérations partielles d’IRVM (impôt sur le revenu des valeurs mobilières). Voire d’exonérations de tous les impôts pendant quinze ans, pour les usines de Vale et Vavouto.

Séverine Blaise, co-autrice de La Nouvelle-Calédonie face à son destin, a pu mesurer le champ étroit de la contribution du secteur en matière de fiscalité : "La contribution du secteur aux recettes fiscales en Nouvelle-Calédonie", pose-t-elle, "se fait essentiellement à travers l'impôt sur les sociétés, les droits afférents aux autorisations minières et à la redevance superficiaire, et enfin, les dividendes versés aux différentes sociétés de participation du territoire."

Cette contribution oscille en moyenne, selon les années, entre 2 et 4% du total des recettes fiscales.

Séverine Blaise, docteur en sciences économiques, maître de conférences à l'UNC

Peu de bénéfices tirés

Même si la "malédiction des producteurs de matières premières" est souvent mise en avant, rares sont les pays qui bénéficient aussi peu de leur rente minière.

Quand on regarde les pays qui ont des richesses minières, l'immense majorité ont des modalités de taxation de cette ressource. Pour une raison simple : on ne peut pas attribuer une rente à des exploitants miniers sans que la collectivité en prélève une partie, dès lors qu'il y a un appauvrissement de la collectivité en termes de richesses.

Jean-Pierre Lieb, expert en politique fiscale, avocat associé au cabinet Ernest & Young

Les mineurs ont un autre avis

Vu par le prisme des professionnels de la mine, le point de vue apparaît très différent. Le taux effectif d’imposition en Nouvelle-Calédonie serait de 51,6 % pour l’exportation de minerais et de 58,6 % pour la métallurgie. Le syndicat des industries minières souhaite tout remettre à plat. "L'idée première, de dire que les mineurs et les métallurgistes ne paient pas suffisamment de taxes en Nouvelle-Calédonie ? Si !", rétorque sa représentante, Sandra Manzanares. "Mais je pense que c'est une information méconnue. Faisons déjà un état des lieux de ce qui se passe au niveau de la fiscalité minière en Nouvelle-Calédonie."

Nous sommes d'accord pour la révision de cette fiscalité minière, parce qu'on trouve qu'elle est pertinente. Mais travaillons ensemble sur les modalités, sur les seuils, sur son application.

Sarah Manzanares, représentante du syndicat des industriels de la mine

Ces très bons résultats des maisons-mères

Certes, la métallurgie calédonienne connaît de sérieuses difficultés financières. Pourtant, les groupes qui la dirige ont affiché en 2021 des résultats exceptionnels. Glencore a réalisé un bénéfice net de près de 550 milliards de francs, et reversé la moitié à ses actionnaires. Trafigura a doublé ses bénéfices, pour un profit net de 330 milliards. Eramet a enregistré un résultat net de 36 milliards de francs. Le rendement visé par les deux taxes se monterait, au mieux, à 3,6 milliards…

L'objectif, évidemment, est d'augmenter les recettes fiscales. D'une part pour soulager le budget des différentes collectivités. Mais aussi pour préparer l'après nickel. Et diversifier l'économie, éventuellement grâce à la création d'un fonds pour les générations futures.

Séverine Blaise

Il y a aussi l'affectation. On parle [de] l'extraction, pour pouvoir alimenter les communes. Je ne suis pas contre, quand on voit plus de cent ans d'exploitation. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'il reste pour les communes, si ce n'est la pollution ?

Milo Poaniewa

Convaincre, et garantir

La nécessité d’affecter des fonds aux communes ou aux générations futures ne fait plus débat, semble-t-il. Il reste donc au législateur à trouver l’adhésion de toutes les parties. Et faire en sorte que le rendement espéré de ces taxes ne fonde pas devant les assauts des différents lobbies.

Retrouvez, ci-dessous, le reportage de Bernard Lassauce et Claude Lindor :

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