Pour la Chine, la Nouvelle-Calédonie représente un enjeu. Sur le plan économique, le nickel étant la richesse convoitée. C’est elle qui nous achète les deux tiers de notre matière première et exerce de fait une position dominante sur nos exportations. "Par rapport à notre ressource première qui est le nickel et au poids de la chine dans le marché mondiale, la Chine a une position extrêmement dominante en la matière" explique Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique.
Cette fragilité est soulignée par plusieurs instituts spécialisés en géopolitique et même en renseignement militaire comme l’a révélé le mois dernier ce rapport de l’IRSEM, l’institut de recherches stratégiques. Une situation que la presse nationale dans son ensemble n’a pas manqué de commenter. La Chine aurait bel et bien un œil sur la Nouvelle-Calédonie.
Selon les services de renseignements français, la chine soutient les indépendantistes kanaks. Le référendum qui aura lieu le 12 décembre en Nouvelle-Calédonie est l’occasion pour Pékin de placer ses pions via l’association sino-calédonienne financée par le Parti communisme chinois.
Une posssible influence controversée
Cette association amitié sino-calédonienne, aujourd’hui en sommeil, a bien effectué plusieurs missions en Chine et organisé en 2016 la venue d’une délégation chinoise en Nouvelle-Calédonie. Une visite très officielle où se sont pressé l’ensemble de nos élus et chefs d’entreprises.
Johanito Wamytan a été vice -président de cette association avant de devenir directeur de cabinet au Congrès. Il en défend le bilan. "Elle a permis à contribuer à l’obtention de la destination touristique agréée qui avait été demandée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Analyser que l’association d’amitié avec la chine est la porte ouverte de la Chine en cas d’indépendance ou qu’elle finance les campagnes indépendantistes, c’est du mensonge.", déclare-t-il.
Une influence à craindre
Les auteurs du rapport de l’IRSEM, l'Institut de Recherche Stratétique de l'Ecole Militaire, donnent par contre une autre lecture de la stratégie développée par Pékin. On peut lire qu’en France, elle cible aussi bien la fondation "prospective et innovation" de Jean-Pierre Raffarin que les indépendantistes Kanak. Selon l’IRSEM, la Chine fonctionne en noyautant l’économie, en se rapprochant des responsables tribaux et politiques parce que c’est la méthode la plus efficace et la moins visible.
C’est ce que les experts nomment le soft-power. "Quand on parle de soft-power, c’est financer des partis politiques, financer des thinks-tanks, financer des décideurs publics, de chercheurs, des leaders d’opinions pour réaliser une sorte de pression, d’influence tout simplement sur eux", expose Bastien Vandendick, analyste en relations internationales.
Pourtant c’est en toute transparence que le projet indépendantiste prône l’accession à la pleine souveraineté. En partenariat avec la France et le droit de choisir ses interdépendances. La Chine, comme d’autres nations du Pacifique étant régulièrement citée. Roch Wamytan déclarait sans détour au journal Le Monde : "Nous n’avons pas peur de la Chine. Elle ne nous gêne pas outre-mesure. On ne va pas faire comme si elle n’existait pas". Il n’en faut pas davantage pour que la question chinoise et le référendum ne se retrouvent désormais liés. Un terrain propice à l’expression de toutes les opinions et un terreau fertile aux questionnements géostratégiques qui en découleraient.
Sonia Backès déclarait, elle, qu’"il n’est pas raisonnablement concevable de nourrir une ambition française dans le Pacifique sans compter sur la Nouvelle-Calédonie" dans Le Monde.
D’après Philippe Gomès, député de la Nouvelle-Calédonie et membre de la commission des affaires étrangères, à partir du moment où une majorité de la population déciderait que la Nouvelle-Calédonie devienne indépendante, elle pourrait opter pour un partenariat avec la France mais aussi avec l’Australie ou la Chine. "On voit bien l’appétence chinoise pour les pays mélanésiens, pour les matières premières et notamment pour le nickel donc on se doute bien que demain la Chine sera présente pour proposer ses services mais à la sortie on sait que ces services, ça a un prix", clarifie-t-il.
On peut prendre en exemple le soutien à la filière nickel, 213 milliards ont été octroyés par l’état sous forme de prêts, de défiscalisations pour simplement maintenir nos usines à flot. Avec un créancier tel que la Chine, la facture aurait été plus élevée.
Retrouvez en vidéo ce dossier avec le reportage de Bernard Lassauce :
Un pays qui s'infiltre
Les experts de l’Irsem le confirment : "la Chine séduit et subjugue, puis infiltre et contraint". Un point de vue que dénoncent certains journaux d’opinion. La menace chinoise agitée comme un épouvantail. Ou pour d’autre une vision dantesque. Dans le journal Sputnik, on peut lire, "Ce sont nous, les Occidentaux, qui avons une vision déformée de ce que veut la Chine car on voudrait qu’elle agisse comme nous-mêmes, comme un État impérialiste."
Si la tutelle de la France apparait comme un rempart à toute ingérence étrangère, il faut regarder vers Papeete pour mesurer les effets de 20 années de rapprochement sino-polynésien. À une association d’amitié entre les peuples se sont ajouté un Institut Confucius, puis un consulat de Chine et quelques jumelages.
Sur le terrain économique, c’est un groupe qui rachète deux hôtels cinq étoiles, d’autres qui s’approprient le marché de la perliculture. Un projet pharaonique a été critiqué par le président Macron, un investissement de 150 milliards de francs pour une ferme aquacole gigantesque sur l’atoll de Hao. Posé au milieu des Tuamotu, à 1000 kilomètres de Papeete, Hao, a la particularité d’avoir abrité au temps des essais nucléaires une base aérienne de l’armée française, la plus longue piste d’atterrissage de la région. Une bonne géostratégie ?