Trente-quatre ans après la disparition de Jean-Marie Tjibaou et Yeiwene Yeiwene, le travail de mémoire perdure

A Maré et Hienghène, des hommages sont rendus chaque année sur les tombes de Yeiwene Yeiwene et Jean-Marie Tjibaou.
Le 4 mai 1989, le président du FLNKS Jean-Marie Tjibaou et son bras droit Yeiwene Yeiwene étaient assassinés à Ouvéa, en pleine levée de deuil des dix-neuf militants indépendantistes d’Iaai, tués un an plus tôt, à la grotte de Gossanah. Une date gravée dans le marbre, encore commémorée aujourd’hui à Hienghène et Maré, fiefs des deux leaders indépendantistes.

Jour de deuil et de commémoration en ce jeudi 4 mai. Il y a 34 ans, jour pour jour, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwene Yeiwene étaient abattus à Ouvéa par Djubelly Wea, un militant indépendantiste opposé aux accords passés avec les Loyalistes, après plus de quatre ans d'affrontements qui ont secoué le pays. 

Jean-Marie Tjibaou, Yeiwene Yeiwene et Léopold Joredie, les trois leaders du FLNKS, étaient en déplacement à Iaai, pour la levée de deuil des dix-neuf militants indépendantistes, tués pendant l'assaut de la grotte de Gossanah, le 5 mai 1988, tout au nord de l'île. Une opération menée par l'armée française. 


Le FLKNS perd deux de ses leaders

En ce 4 mai 1989, un an après les événements d'Ouvéa, pendant lesquels quatre gendarmes et deux militaires ont également perdu la vie, la tention est encore palpable, à Iaai. L'état-major du FLNKS sait que sa sécurité est menacée.   

Ces craintes sont confirmées quand, vers 17h30, Djubelly Wea, originaire de la tribu de Gossanah et militant du Fulk (Front uni de libération kanak), sort son arme et tire sur Jean-Marie Tjibaou et Yeiwene Yeiwene. 

Djubelly Wea est aussitôt abattu à son tour par Daniel Fisdiepas, le garde du corps personnel de Jean-Marie Tjibaou, sauvant ainsi Léopold Joredie d'une mort probable. Le FLNKS perd le même jour son président et son vice-président. Un tournant dans la vie politique du pays. 


Messe à Hienghène

Plusieurs décennies après ce drame, le travail de mémoire se perpétue, chaque année. A Hienghène, la tribu de Tiendanite célèbre une messe ce jeudi matin, à la chapelle, suivie de temps de parole et d’une petite exposition retraçant cette période troublée.  

Joël Tjibaou est le fils benjamin du leader indépendantiste. Il avait 13 ans le jour du drame. Une date synonyme de "tristesse". "Quand on est enfant, on n'imagine pas cela. On pense que nos parents sont éternels"

Au-delà du cercle familal et politique, ces célébrations sont importantes aussi pour le pays, estime Joël Tjibaou. "C'est l'occasion de se remémorer que le temps lui a donné raison. Le pays est aujourd'hui en période de paix, malgré les échéances politiques". 


Dépôt de gerbe à Maré

Commémoration également à Maré, île natale de Yeiwene Yeiwene, où une gerbe est traditionnellement déposée sur la tombe du lieutenant de Jean-Marie Tjibaou, qui se trouve à Nidenod, dans la baie de Tadine. 

Damien Yeiwene, son frère, se souvient de ce 4 mai 1989, avec beaucoup d’émotion. "On m'a appelé pour m'annoncer qu'il avait été blessé à Ouvéa, avec Jean-Marie. Ça a été un choc." 

C'est lui qui accompagnera son frère jusqu'à la morgue, une fois son corps rappatrié d'Iaai par hélicoptère. "C'est comme si c'était hier. Je revois encore toute la scène."

Ce travail de mémoire, Damien Yeiwene s'en est fait un devoir, pour prolonger l'héritage de son frère Yeweine Yeiwene. "Il poussait les jeunes kanak à se former. Surtout les jeunes pilotes dont il s'occupait. Maintenant, on a plein de pilotes, garçons, filles... Mais à l'époque, les gens n'osaient pas. Ils pensaient qu'ils n'en étaient pas capables". 

A Maré, cette 34ème commémoration est aussi marquée par la disparition de Noël Guanere, le président du comité du souvenir du 4 mai, décédé début avril. "Nous avons tous une pensée pour lui et pour le travail de mémoire qu'il a accompli depuis toutes ces années", salue Damien Yeiwene.