"Pour ma part, je ne me sens pas concernée parce que je me protège", "on n’a pas trop d’informations donc on n’y prête plus trop attention", "notre génération ne pense pas à l’après. Ils s’en fichent, ils ne pensent qu’à profiter."
Ces témoignages de jeunes Calédoniens ont été recueillis à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, ce 1er décembre. Si une certaine distance face au virus de l'immunodéfience humaine (VIH) semble persister au sein de la jeunesse, pour Dominique Solia, présidente de l'association Solidarité sida NC, toutes les générations sont concernées. Le Dr Michel Jorda, médecin du Comité de promotion de la santé sexuelle, insiste également sur l'enjeu du dépistage en Calédonie. Tout deux invités du journal télévisé de NC la 1ère le samedi 30 novembre, ils répondaient aux questions de Natacha Lassauce-Cognard.
NC la 1ère : La pandémie du sida a commencé il y a quarante ans. Pourquoi cette maladie semble-t-elle encore méconnue ?
Dominique Solia, présidente de l’association Solidarité sida NC : La méconnaissance est probablement liée au manque de prévention. On voit bien que les jeunes ont des perceptions très différentes du VIH sida. Donc, il faut continuer la campagne pour que toutes les générations aient ces informations. Je pense aussi qu’on ressent un faux sentiment de sécurité du fait qu'on ne meurt plus du sida quand on prend son traitement.
Votre association existe depuis 1996, quel bilan tirez-vous de ces vingt-huit années passées ?
Il y a eu des avancées extrêmes. Tant au niveau de la prévention qu'au niveau des traitements. Les gouvernements successifs, les associations, les acteurs de terrain… On a tous travaillé ensemble pour monter des plans à moyen terme de lutte contre le sida, qui ont permis que l’épidémie soit contenue. Il est essentiel de poursuivre ce travail, pour que l'épidémie ne flambe pas, même si malheureusement tous les ingrédients sont réunis :de hauts niveaux d’IST, de l'alcoolisation et des violences sexuelles. Ce sont des facteurs qui facilitent la transmission.
Quelle est la priorité en termes de prévention ?
Aller se faire dépister, pour prendre soin de soi, se respecter et respecter les autres. Aujourd'hui, les personnes séropositives suivant un traitement ont une charge virale tellement minime qu'on dit qu'elle est indétectable, ils ne transmettent plus le VIH. Le risque que nous prenons dans notre sexualité, c’est lorsqu’on a des partenaires qui ne connaissent pas leur séropositivité.
Est-ce que le dépistage fait peur ?
Oui. Un des enjeux cruciaux, c'est le poids de la discrimination. Les personnes, par peur d'être jugées en cas de diagnostic positif, évitent le dépistage et vont même jusqu’à ignorer les risques. On doit travailler notre regard et c’est là qu’on est tous acteurs. Parce qu’on discrimine quand on n’a pas assez de connaissances, quand on a peur de la différence de l’autre. J'encourage tout le monde à se documenter. Et quand on commence à comprendre le VIH, l'autre devient moins inquiétant.
NC la 1ère : Depuis 1986 en Nouvelle-Calédonie, 540 cas de VIH ont été enregistrés par la direction des affaires sanitaires et sociales. Les activités de dépistage sont stables depuis six ans. Est-ce que tous les Calédoniens ont accès à ces dépistages ?
Dr Michel Jorda, médecin du Comité de promotion de la santé sexuelle : Oui. Dès qu’il y a un dispensaire on a accès aux dépistages anonymes et gratuits. Le problème, c'est la volonté. Ce qu'on n'arrive pas à faire, c'est motiver les gens pour qu'ils se fassent dépister. Il faut comprendre que, de nos jours, un séropositif traité n'est pas contagieux. La personne qui est contagieuse, c'est celle qui ne s'est pas fait dépister.
Depuis les années 80, les traitements antirétroviraux ont largement évolué. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
On a eu un changement complet. Dans les années 80, un traitement antirétroviral, c'était extrêmement compliqué. Une glacière avec soi, des heures précises, plusieurs produits à prendre, solides, liquides. Aujourd’hui, un séropositif traité va vivre, comme tout le monde, une vie normale. Il va avoir deux bilans de santé par an, ce qui n’est pas énorme. C'est beaucoup plus facile de vivre avec un VIH bien traité, dans de bonnes conditions, que de vivre avec un diabète.
Parle-t-on encore de trithérapie ?
Bien sûr, c'est même quelquefois des quadri ou des penta thérapies, mais elles sont toutes dans un seul comprimé, ça change la vie. Au lieu de prendre cinq, six produits toute la journée, ce qui était le cauchemar de l'époque, maintenant c'est un comprimé par jour et les effets secondaires sont moindres.