Infatigable, le Cagou Pierre Fairbank a arraché la troisième place, jeudi 2 septembre, à Tokyo, lors de la finale du 800 m fauteuil T53. Il termine avec un chrono d'1 mn 39 sec 67, derrière le Thaïlandais Paeyo (1 mn 36 sec 07), qui explose le record paralympique et le Canadien Lakatos (1 mn 36 sec 32). Un exploit pour l'athlète de 50 ans, à la carrière prolifique, et qui se verrait bien faire encore quelques tours de pistes dans les stades olympiques. NC La 1ère a recueilli ses impressions au lendemain de sa performance.
NC la 1ère : Qu’avez-vous ressenti juste après avoir franchi la ligne d’arrivée ?
Pierre Fairbank : Une énorme joie, une fierté. J’y croyais, oui et non, parce que c’était tellement dur, il y avait tellement d’adversité. J’avais vraiment deux [adversaires] qui étaient très forts. Ils se cherchaient un peu. Du coup, il y a eu une petite confusion. Le Chinois en a profité pour partir. J’étais quatrième. Je me suis dit "allez", il faut que je revienne. Il a fallu vraiment se battre jusqu’au bout. J’ai vu que je grattais petit à petit, et dans la dernière ligne droite, j’ai espéré ne pas craquer et tout a fonctionné. En passant la ligne, j’ai même écarté les bras en vérifiant bien qu’il n’y avait personne qui remontait.
C’est une médaille que je voulais pour remercier tous ceux qui m’ont encouragé et soutenu dans le milieu sportif et toute la Calédonie, qui espérait cette médaille. C’était une immense joie de pouvoir leur donner ce plaisir-là.
Outre la tension de cette dernière finale, il pleuvait et la piste était détrempée. Etait-ce un stress supplémentaire ?
Oui, les conditions étaient difficiles. Quand on court sous la pluie, le fauteuil peut glisser. Je m’étais préparé un peu malgré le fait qu’il ne pleut pas trop en Calédonie. Dès qu’il pleuvait, je sortais pour essayer des gants un peu spéciaux pour la pluie. Je me suis adapté le jour J et ça l’a fait.
En 2000, un Pierre Fairbank bouclé et blondinet ramenait déjà des médailles des Jeux Paralympiques à Sydney. Vingt-et-un ans plus tard, vous êtes toujours présent au milieu des meilleurs mondiaux en course fauteuil. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
Je n’aurais jamais imaginé avoir une carrière aussi longue. C’est grâce au plaisir de faire ce sport, de le faire progresser et puis de le transmettre à d’autres. Le matériel et la manière de s’entraîner évoluent. J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. C’est ce qui fait que je continue et que je peux jouer encore le podium. C’est que du plaisir. C’est vrai que ça va s’arrêter un jour.
Tant que je peux le faire et que je peux redonner du plaisir aux gens qui me regardent et aux jeunes qui viennent au stade s’entraîner, ça me va.
Malgré une différence d'âge avec vos adversaires, vous parvenez quand même à terminer 3ème, derrière Lakatos, et Paeyo qui brise tous les records. Comment ça s'explique ?
C’est vrai que je suis un dinosaure dans la discipline. Je les ai eus à l’usure. Mais cette nouvelle génération qui arrive va de plus en plus vite. La médaille de bronze, il n’y a que celle-là qui était accessible. Honnêtement, le Thaïlandais et le Canadien, qui étaient à côté de moi à Rio, sont au-dessus du lot. Je ne vois pas comment je peux rivaliser avec. Chaque nouvelle génération progresse. Chez nous, il y a Nicolas Brignone qui va prendre la relève.
C’est la persévérance qui fait qu’on y arrive.
Qu’est-ce qui a changé dans l’entraînement pour pouvoir durer dans le temps et rivaliser avec des adversaires de plus en plus rapides ?
Avec Olivier Deniaud [ndlr : son entraineur], on a fait beaucoup de volume. Je passais de 15 km par jour à 20 ou 25 km pour pouvoir encaisser la demi-finale le matin et la finale le soir. Et ensuite, dans les derniers jours, on a fait plutôt de l’explosivité. Le corps ne comprend plus trop. Il garde des réserves et au moment du starter, [il] a l’énergie nécessaire. On a travaillé les départs, la vitesse au lancer, l’endurance à la vitesse… Car c’est bien beau de monter en vitesse mais il faut la maintenir. Ce sont des petits détails qui sont importants.
Toute la Calédonie rêve de vous voir à Paris en 2024. Comptez-vous repartir pour une septième olympiade ?
Je ne pense qu’aux vacances. Ça va être compliqué de donner tout de suite une réponse mais oui, la passion est toujours là donc, pourquoi pas. Ce sera sur une distance seulement, pas sur tout. De toute façon, il faut se qualifier.
Paris ? Il y a des étapes avant d’y arriver. Mais peut-être…
Ce serait sur le 800 m ou sur une autre distance ?
Surprise, je ne peux pas en dire plus. On verra en fonction de ma forme et des chronos surtout, ce sont eux qui parlent. Ce n’est pas qu’une question d’envie. Ce sera en fonction du matériel, aussi. Airbus prépare des fauteuils à l’équipe de France pour Paris 2024 et ils m’ont mis dans la boucle. Alors, pourquoi pas [y aller] si j’ai un matériel révolutionnaire et ultra-léger.