Justice : la Calédonie n'aura pas de cour criminelle départementale

Plusieurs arguments ont été présentés pour appuyer la demande d'exemption : le manque de magistrats, l'absence de stocks d'affaires criminelles et la prise en compte des spécificités locales.
Exemptée, comme quatre autres territoires français, la Calédonie ne verra pas la mise en place d’une cour criminelle. Cette nouvelle juridiction instaurée au niveau national en 2023 doit permettre de réduire le délai de traitement des affaires en les confiant à des juges professionnels.

Les cours criminelles doivent permettre de désengorger les assises, en jugeant les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. "La Nouvelle-Calédonie n'est pas du tout dans la même situation que l'Hexagone concernant les stocks d'affaires criminelles à juger, confirme Bruno Dalles, le procureur général. Nous n'avons pas de stock qui ne puisse pas être résorbé dans l'année qui suit." En effet, le temps de procédure en Calédonie est relativement court par rapport à celui observé dans d'autres juridictions. Ainsi, dépasser ce que l'on appelle le "délai raisonnable", confine au déni de justice.

Pas assez de magistrats

"En plus, nous n'avons pas la ressource en magistrats professionnels, ajoute Bruno Dalles. C'est une petite cour d'appel : cela aurait posé problème pour composer le jury criminel. Il aurait fallu faire appel à des magistrats de Paris, ce qui n'aurait pas été considéré comme une progression de la justice, mais plutôt comme une régression." Cela impliquait de faire venir des juges pour quelques semaines d'audience, qui ne connaissent rien au contexte calédonien.

La cour d'assises fonctionne bien, avec des jurés populaires qui rendent des décisions au nom du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Bruno Dalles, procureur général

"Exception du Pacifique"

La cour criminelle écarte les jurés populaires, et c’est un autre argument pour contester cette réforme. Il y a une "exception du Pacifique" détaille Bruno Dalles, le procureur général. "L'organisation de la justice dans le Pacifique donne une place importante, et notamment en Nouvelle-Calédonie, aux jurés populaires. On a des assesseurs citoyens qui siègent devant les formations correctionnelles, pour juger les délits. Devant nos juridictions il existe des assesseurs coutumiers. Et donc l'exception de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie, c'est cette place particulière qui est donnée au droit local avec, même en matière pénale, une prise en compte des spécificités du territoire."

On juge des gens ordinaires, qui font des actes extraordinaires : qu'ils soient jugés par des gens ordinaires, c'est plutôt une bonne chose.

Frédéric de Greslan, bâtonnier du barreau de Nouméa

"Nous avons manifesté notre opposition, comme tous les avocats de France, à ce système de cour criminelle, rappelle Frédéric de Greslan, le bâtonnier du barreau de Nouméa. Donc on est très satisfaits qu'il ne soit pas mis en place. Les avocats sont attachés aux jurys populaires. On juge des faits, essentiellement. Tout le monde est à même de comprendre : pas besoin d'être juriste pour ça. Notre système est suffisant, pour ce qui nous occupe."

Extension de la dispense

Seule Mayotte faisait figure d'exception lors de la mise en place des cours criminelles. Aussi Nouméa et Papeete ont également demandé à être dispensées auprès du ministère de la Justice. Lors de sa visite sur le Caillou en juillet, Emmanuel Macron a été sensibilisé. Le ministre délégué chargé des Outre-mer, Philippe Vigier, a pris le relai. Les parlementaires ont été sollicités, et c'est un amendement à la Loi d'orientation et de programmation de la justice 2023-2027, qui permet d'élargir la dispense à Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Elle devrait être promulguée courant novembre.