L’Australie : pionnière dans la sécurité routière

Le Victoria fut le premier état au monde à imposer la ceinture de sécurité, en 1970; puis les radars fixes, dès 1985; ou encore les éthylotests antidémarrages, dès 2003.

Ces mesures ont ensuite été adoptées par les autres états et territoires de l'île-continent. Grâce à toutes ces innovations, l'Australie était l'un des pays au monde qui avait les meilleures statistiques routières. Mais la mortalité repart à la hausse depuis 2014. 

Entre janvier 2015 et janvier 2016, 1199 personnes ont été tuées sur les routes, soit une augmentation de 3.4% par rapport à l’année précédente.

L’Australie a longtemps caracolé dans le peloton de tête du classement établi chaque année par l’OCDE via l’IRTAD, son groupe d’analyse de la sécurité routière mondiale. Il classe chaque année 40 pays en fonction de leurs performances. « L’Australie a eu de très bonne statistiques pendant des décennies, et se classait toujours dans le top 10, explique Teresa Senserrick, psychologue du développement et professeure au centre de sécurité routière de l’université de la Nouvelle-Galles du Sud. Mais ces dernières années, nous avons chuté dans le classement, à la 17ème, 18ème, 19ème place, pas très loin de la France. »
 

Une mortalité routière qui repart à la hausse

En Australie, la mortalité routière a atteint un creux historique en 2014, mais depuis, elle est repartie à la hausse.  Entre janvier 2015 et janvier 2016, 1199 personnes ont été tuées sur les routes, soit une augmentation de 3.4% par rapport à l’année précédente (source: Bureau of Infrastructure, Transport and Regional Economics (BITRE), Australian government). Sur la même période, le taux de mortalité annuel est de 5 pour 100 000 – en augmentation de 2% par rapport à janvier 2014-janvier 2015.
Ce taux est 4 fois plus élevé que la moyenne nationale dans le Territoire du Nord.
 

Nouvelle initiative pour relancer le mouvement à la baisse

Il semble que l’effet des mesures-chocs de sécurité routière se soit estompé. « Elles ont provoqué une chute de la mortalité (-50% depuis 1990 dans tout le pays, NDLR), mais après il faut une nouvelle grande initiative pour relancer le mouvement de baisse », estime Teresa Senserrick. Les 18-20 ans ont toujours un taux de mortalité routière de 9.3 pour 100 000, beaucoup plus élevé que la moyenne.
« Les jeunes représentent environ 7 à 8% de la totalité des conducteurs, mais 20% des tués sur les routes en Australie, donc pour eux le risque est le plus élevé », souligne Teresa Senserrick.
 

Système de conduite australien

Le système est obligatoire, et ressemble de la conduite accompagnée (facultative) en France. Dans le Victoria, un candidat au permis doit faire 120 heures de conduite sur 12 mois, dans les autres états, une centaine d’heures (à comparer aux 35h de conduite en moyenne avant d’avoir son permis, en France). Il doit être supervisé par un conducteur chevronné. Les Australiens n’apprennent pas avec un moniteur d’auto-école. 

Permis probatoire
Une fois leur premier examen passé, ils entrent dans la période du permis probatoire. C’est là que l’Australie se différencie du système français. « La période la plus risquée dans la vie d’un jeune conducteur, c’est quand il commence à rouler tout seul. Ce système de permis progressif est la mesure la plus efficace que nous ayons mise en place pour aider les jeunes conducteurs, et qui est quasiment unique au monde. Mais évidemment, cela ne marche que s’ils passent leur permis et rentrent dans le système... », rappelle Teresa Senserrick.

Un arsenal d'interdits
En Australie le permis probatoire est assorti de tout un arsenal d’interdits. Pendant la première année, les jeunes Australiens doivent afficher un macaron P1 rouge à l’arrière de leur voiture. Ils ne peuvent conduire que pour se rendre au travail ou à la fac et chez le médecin. Et ils n’ont pas le droit: 

  • De boire de l’alcool
  • D’utiliser leur smartphone dans la voiture,
  • De conduire entre 23h et 5h du matin,
  • D’accepter plus d’un passager âgé de 16 à 22 ans (dans le Victoria)
Examen de perception des dangers
Ensuite, ils doivent passer un examen de perception des dangers, qui se déroule sur ordinateur – c’est un peu comme un jeu vidéo, le candidat doit toucher l’écran pour intervenir dans des situations accidentogènes.

Et s’ils réussisent, pendant les 30 mois suivants, ils doivent alors afficher leur macaron de permis probatoire P2 (vert), qui leur impose les mêmes interdictions que le P1, à la seule différence qu’ils peuvent choisir les passagers  comme bon leur semble, et dans certains états, les jeunes conducteurs ont même le droit d’utiliser leur smartphone , mais sans le toucher une fois la voiture démarrée – donc pas de textos.

Le cas particulier des zones rurales et des villages aborigènes
Quand vous vivez à 200 km de la bourgade la plus proche, par exemple dans le Territoire du Nord, dans un village aborigène, obtenir votre permis de conduire se transforme en parcours du combattant.
Il n’y a pas d’inspecteur pour vous faire passer votre permis, ni de bureau pour vous délivrer une carte grise et votre permis de conduire. Les jeunes ne trouvent pas facilement un conducteur confirmé pour leur faire faire de la conduite accompagnée. Et souvent, ils n’ont pas de papiers d’identité pour prouver leur nom et adresse. Résultat: beaucoup conduisent sans permis.

Le Territoire du Nord a donc mis en place un programme pour aider les apprenants dans les zones rurales, entre autres pour leur trouver des accompagnants pour pratiquer.  La Nouvelle Galles-du-Sud aussi a conscience du problème, et assigne des travailleurs sociaux aux candidats au permis, avant tout pour les aider à le financer. Certains sont en effet criblés de dettes envers l’état, parce qu’ils n’ont pas payé leurs amendes depuis des années (pour avoir jeté une cigarette dans la rue, par ex.). Or dans tous les états et territoires australiens, à l’exception du Victoria, les autorités refusent de délivrer le permis à ceux qui n’ont pas payé toutes les amendes.
 

L’Australie, le pays de l’éthylotest anti-démarrage

En Australie, la limite légale de consommation d’alcool est la même qu’en France: 0.5 g par litre de sang.
Mais la grande différence, c’est que les jeunes conducteurs n’ont pas le droit de boire une seule goutte d’alcool. En France, ils peuvent boire un peu, la limite étant fixée à 0.2 g par litre de sang.
« Il faut vraiment leur imposer un taux d’alcoolémie de 0, parce que même une petite quantité d’alcool peut altérer le jugement d’un conducteur inexpérimenté. S’il a 0.2 g d’alcool dans le sang, le risque qu’il ait un accident est multiplié par 5 par rapport à un conducteur expérimenté », martèle Teresa Senserrick.

L'Etat du Victoria: l’alcootest anti-démarrage est obligatoire
Voilà pourquoi dans le Victoria, l’alcootest anti-démarrage est désormais obligatoire pendant 6 mois pour tous les conducteurs contrôlés avec 0.5g d’alcool par litre de sang ou plus, quand ils récupèrent leur permis (la Nouvelle Galles-du-Sud aussi a adopté le dispositif, en 2015). Les autorités du Victoria sont encore allées plus loin en 2015: les alcootests anti-démarrage sont désormais équipés de caméras, pour veiller à ce que les conducteurs ne trafiquent par leur alcotest – et fassent souffler quelqu’un d’autre, par exemple.

« Grâce à ces mesures, les conducteurs ivres sont désormais stigmatisés, constate Teresa Senserrick, et l’Australie est considérée comme un des pays au monde où les policiers sont le plus présents sur les routes pour faire respecter la loi. Et aussi, les Australiens acceptent facilement d’être contrôlés, ils sont plus tolérants, ils comprennent que c’est important. »
 

Le nouveau défi: les conducteurs drogués, de plus en plus nombreux

Leur proportion augmente, aussi tout simplement parce que les contrôles sont assez récents. Dans le Queensland en 2015, un tiers des conducteurs arrêtés parce qu’ils avaient consommé des produits interdits au volant, étaient sous l’influence de drogues - surtout l’ice, un type d’amphétamine.
Les 2/3 restants avaient trop d’alcool dans le sang. « En Nouvelle-Galles du Sud, surtout dans les zones rurales, quand les policiers contrôlent les conducteurs, le pourcentage de tests de dépistage de drogues positifs est vraiment assez élevé. Ça monte en flèche, et le pourcentage de conducteurs drogués dépassent maintenant largement celui des conducteurs ivres. »

L’Australie est l’un des pays au monde qui compte le plus de consommateurs d’ice
Leur nombre a triplé entre 2010 et 2015, pour atteindre 268 000, d’après le Medical Journal of Australia, soit plus d’1% de la population. Le gouvernement va investir 300 millions de dollars jusqu’en 2021 pour enrayer ce que tout le monde appelle en Australie une « épidémie d’ice ».