Le site internet "intelligenceonline.fr" a révélé l’affaire. Dans cet article du 15 septembre, on apprend que des salariés de l’entité calédonienne du groupe Erys, société de gardiennage et de sécurité en charge du site industriel de Goro, sont signalés par le CNAPS, le conseil national des activités privées de sécurité. Les raisons de ce signalement : des cartes professionnelles expirées ou non valides.
Une enquête et un dépôt de plainte
Suite à ce signalement, une enquête préliminaire de la gendarmerie nationale est ouverte pour "faux, usage de faux et utilisation de faux documents". En parallèle, le Groupe Erys dépose plainte "pour tromperie et fausse déclaration". Contacté par voie numérique, Alexis Arif, le directeur exécutif du groupe Erys(3), souligne que "son entreprise ne peut être tenue responsable des infractions commises par ces individus". Et de rajouter que cet incident est dû à "deux personnes sans scrupules et dont la faute n’incombe qu’à elles-mêmes".
Le 25 août, soit un jour après l’audition d’autres agents employés, le CNAPS renouvelle à la filiale calédonienne l’autorisation d’exercer sur le site de Goro.
Une autorisation qui peut surprendre puisque comme le rappelle, le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas, "l’enquête est toujours en cours. Elle fera l’objet dans les prochaines semaines d’une analyse du parquet de manière à vérifier si l’infraction d’emploi d’agent de sécurité sans carte professionnelles est, ou non, caractérisée."
Le haut-commissariat de la République explique quant à lui que "le CNAPS, le service français de police administrative n’a pas vocation à commenter un dossier en cours d’instruction".
Des ordres qui font polémique
L’affaire ne s’arrête pas là, des échanges confidentiels du Groupe Erys Sécurité NC, en témoignent. Lors des exactions commises sur le site industriel de Goro à la fin de l’année 2020, le groupe Erys fait appel à un renfort de 80 personnes. Des anciens militaires et légionnaires, en majorité. Lors de leur séjour en NC, leur supérieur leur communique ces ordres :
"À cet effet, vous allez profiter de vos patrouilles pour vous équiper. Pierres, gourdins, bâtons, etc. Matraques pour ceux qui en ont. Ce que je vous dis là n’est pas autorisé… Je pars du principe que vous êtes tous capables d’agir avec sang-froid et discernement, dans le cadre de la légitime défense… En tant que responsable de cette team, je préfère mille fois assumer d’aller en garde à vue et de justifier devant les juges mes décisions et les actes de mes hommes, plutôt que d’avoir un de vous au tas."
Un ancien agent dénonce
Contacté pour ce reportage, un ancien agent du groupe (qui souhaite conserver son anonymat), pointe du doigt son employeur. Selon lui, le groupe Erys, sous traitant de l’usine de Goro, a des choses à se reprocher.
"Nous, on a fait remonter les infos en disant que c'était illégal, on n'a pas le droit de s'armer. Ensuite, il y a eu plein de choses qui ont été faites, genre, dans les messages, un des chefs d'équipe nous annonçait qu'ils avaient magouillé plus ou moins un MAC-APS (Maintien et actualisation des compétences agent de sécurité) sur un jour, sachant que le MAC-APS c'était sur quatre jours. Le MAC-APS, c'est une remise à niveau des connaissances qui est obligatoire pour pouvoir prétendre à la validation de notre carte pro".
Toujours selon notre interlocuteur, parmi les personnes recrutées fin 2020-début 2021, nombre d’entre elles ne possédaient pas de cartes professionnelles à jour. Pour se protéger, le groupe Erys aurait créé en juin 2021 des avenants aux contrats à durée déterminée pour se couvrir lors de l’enquête de gendarmerie et de la procédure judiciaire.
" Il est illégal de vendre de la sécurité sous un contrat d'audit. Il y a des métiers comme la protection rapprochée qui est un métier exclusif, seule une entreprise de protection rapprochée peut vendre de la protection rapprochée. Une entreprise de sécu peut vendre de la sécurité mais ne peut pas vendre d'agents de protection rapprochée. Il y a des règles, et en fait les règles ne s'appliquent pas pour Erys".
Contactée par voie numérique, la direction ne souhaite pas se prononcer sur ces accusations.
Le reportage de Natacha Lassauce-Cognard, Laura Schintu et Hélène Grimault