Le FMI s'attend désormais à 2,8% de croissance au sein des pays de la zone euro, un sérieux ralentissement comparé aux 3,9% anticipés lors de ses précédentes prévisions en janvier et des 4,3% encore espérés lors de celles d'octobre. "Il s'agit d'une des révisions à la baisse les plus importantes de nos anticipations", a affirmé mardi le nouvel économiste en chef du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, à l'occasion de la publication des prévisions économiques de printemps intitulées "La guerre fait reculer la reprise mondiale".
"Les principaux canaux par lesquels la guerre en Ukraine et les sanctions économiques imposées à la Russie affectent l'économie de la zone euro sont la hausse mondiale des prix de l'énergie et la sécurité énergétique", a expliqué le FMI dans son rapport.
Le mois dernier, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) avait déjà dressé un constat proche, estimant que la croissance de la zone euro serait amputée d'environ 1,4 point et que l'inflation y augmenterait de 2,5 points sur un an si les effets de la guerre s'avéraient durables.
Inflation record
Près de deux mois après le début du conflit, la guerre en Ukraine, qui exige une "résolution pacifique" selon le FMI, maintient une pression élevée sur les prix: le pétrole demeure au-dessus de 100 dollars par baril après avoir tutoyé ses plus hauts historiques en mars, un mois au cours duquel le gaz, le blé, l'aluminium, le nickel et d'autres matières premières ont flambé à des records, menant l'inflation européenne au niveau inédit de 7,5%.
Tous les États ne souffriront pas de la même manière face au choc économique de la guerre, prévient toutefois le FMI mardi. Ceux disposant "d'un secteur manufacturier relativement important et d'une plus grande dépendance à l'énergie russe", et notamment au gaz et au nickel, subiront les effets les plus lourds, Allemagne en tête.
Déjà fragilisée par les perturbations des chaînes de production mondiales dans le sillage de la crise sanitaire en 2021, l'Allemagne voit sa prévision de croissance pour 2022 rabaissée à 2,1% par le FMI, un plongeon de 1,7 point comparé à ses prévisions de janvier. Le FMI prévoit toutefois, en 2023, un léger mieux pour la zone euro dans son ensemble à 2,3% (-0,2 point).
Effets de la guerre
La France va elle aussi subir l'effet de souffle de la guerre avec un PIB en hausse de 2,9% cette année, soit 0,6 point de moins que lors des prévisions de janvier, et 1,4% en 2023 (-0,4 point). Les effets de la guerre sur l'économie européenne pourraient même s'aggraver, estime Pierre-Olivier Gourinchas, par exemple si les sanctions économiques occidentales devaient se durcir encore contre Moscou.
"Il y aurait alors une réduction plus forte encore de l'activité économique en zone euro, de l'ordre de 3% d'ici à la fin 2023", affirme-t-il. Cela pourrait mettre "la Banque centrale européenne dans une situation assez difficile car on aurait un ralentissement de la croissance beaucoup plus fort en zone euro qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni avec une inflation qui n'est pas négligeable", a-t-il ajouté.
Sur une note plus positive, l'économiste a souligné que les pays de la zone euro disposaient de "réserves budgétaires pouvant être déployées si l'activité venait à ralentir, au-delà des soutiens aux ménages à revenus faibles qui sont directement affectés par l'augmentation des prix".
Océanie
Dans le Pacifique-Sud, le FMI s’attend à une croissance de 4,2 % en Australie, de 2,7 % en Nouvelle-Zélande, de 6,8 % aux Fidji, de 4,8 % en Papouasie-Nouvelle-Guinée, de 3 % pour Tuvalu, de 2,2 % pour le Vanuatu. Seules les îles Salomon verraient leur PIB réel baisser de 4 % en 2022. Le FMI n’a pas communiqué de prévisions concernant la Nouvelle-Calédonie.
Toutefois, le FMI s'attend à ce que les coûts économiques de la guerre en Ukraine, mais aussi les tensions autour de Taïwan et de la péninsule coréenne, se propagent à travers les marchés des matières premières, le commerce et, dans une moindre mesure, les liens financiers. "La hausse des prix des carburants et des denrées alimentaires a déjà un impact mondial" poursuit le rapport.
Horizon 2025
Au-delà de 2023, la croissance mondiale devrait, elle, chuter à environ 3,3 % à moyen terme. Les hausses des prix des matières premières induites par la guerre et l'élargissement des pressions sur les prix ont conduit à des projections d'inflation de 5,7 % dans les économies avancées et de 8,7 % dans les économies émergentes et en développement pour 2022, soit 1,8 et 2,8 points de pourcentage de plus que prévu en janvier dernier.
Les efforts multilatéraux pour répondre à la crise humanitaire, prévenir une nouvelle fragmentation économique, maintenir la liquidité mondiale, gérer le surendettement, lutter contre le changement climatique et mettre fin à la pandémie sont donc essentiels.