Le blanchiment de capitaux en Nouvelle-Calédonie, une pratique sous surveillance

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Le blanchiment de capitaux, vaste sujet en Nouvelle-Calédonie mais mal connu. Qu'il s'agisse de fraude fiscale ou d'utilisation de chèques cassés, de telles opérations sont surveillées de près par des organismes formés à cet effet.

Le blanchiment de capitaux, quésaco ? Selon l’article 324-1 du Code pénal, le procédé permet de réintroduire dans l’économie légale des fonds d’origine délictuelle ou criminelle. Une infraction pénale punie par cinq ans de prison et 44 millions CFP d’amende. En Calédonie, le blanchiment de capitaux se manifeste par des fraudes fiscales, l’utilisation importante d’espèces et le recours fréquent aux chèques cassés. Par "cassé", on veut dire qu'un client fait un chèque à un commerçant et que celui-ci donne en retour de l'argent liquide, quitte à prendre une commission.

"De 2018 à 2021, au moins 24 432 chèques échangés"

Un article des Nouvelles calédoniennes paru en 2022 décrit un système bancaire parallèle alimenté par des chèques cassés. D'après ce dossier, "de 2018 à 2021, au moins 24 432 chèques ont été échangés dans des commerces alimentaires du pays". Soit presque deux milliards de francs CFP encaissés de manière illicite sur les comptes des gérants.

Avocat au barreau de Nouméa, Me Martin Calmet pointe un écueil propre à la Calédonie : la part importante des règlements en espèce. "La traçabilité en ligne avec ces paiements en liquide pose difficulté. C'est pour ça qu'aujourd'hui, les autorités judiciaires sont particulièrement alertes par rapport à ça et les intermédiaires qui vont pouvoir intervenir dans ce process, en lien entre l'encaissement de l'argent liquide et l'utilisation, vont être de plus en plus formés à alerter les autorités judiciaires".

En Nouvelle-Calédonie, les lanceurs d’alerte existent, notamment les quatre banques présentes sur le Caillou : 

  • la Banque calédonienne d’investissement ;
  • la Société générale calédonienne ;
  • la BNP-Paribas 
  • et la Banque de Nouvelle-Calédonie. 

Des établissements encadrés par la BCE (Banque centrale européenne) ou l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution).  

Quand l'OPT est sanctionné

L’Office des postes et télécommunications fournit des services financiers. Du 2 au 13 décembre 2019, cet établissement public a fait l’objet d’une mission de vérification par l’inspection générale des finances. Plus de 70 griefs sont retenus à son encontre. L’OPT est sanctionné au niveau administratif par une amende d'environ dix-huit millions. La classification des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme est jugée lacunaire. Notamment sur les paiements par carte Visa, dont le volume a pourtant été multiplié par 2,5 entre 2014 et 2018. Et certains pays, dont la Nouvelle-Zélande et l’Australie, n’étaient pas mentionnés lors du risque géographique, alors même que l’Office connaissait leur exposition au risque terroriste. 

L'Office "s'est doté d'outils" et met à jour ses fichiers

"On s'est doté d'outils qui vont nous permettre de répondre à nos obligations de surveillance en matière de LCB-FT" (lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), souligne Sarah Gay, directrice des services bancaires de l’OPT. "Egalement un chantier lié à la connaissance client. On met à jour nos dossiers clients à travers la récupération de justificatifs - de domicile, de revenus, d'identité. C'est un travail long, qui prend du temps, puisqu'on a plus de 100 000 clients." 

Des clients "pas nécessairement habitués à ce type de démarche. Ils n'ont pas l'habitude qu'on leur demande ces justificatifs. Mais pour autant, à force d'accompagnement, de suivi, de communication, on arrive aujourd'hui à leur faire prendre conscience qu'on n'est pas là pour les embêter et que tout ça, on le fait pour pouvoir continuer notre activité."

Ex-directeur de Tracfin

Le blanchiment de capitaux en Calédonie, un dossier pris très au sérieux par le parquet général. A sa tête depuis cette année, on trouve Bruno Dalles… L’ancien directeur de Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy.