Manifestations à Nouméa : indépendantistes et loyalistes réussissent leur pari

Les deux manifestations du samedi 13 avril 2024.
S'il est difficile de donner le nombre exact de manifestants de ce samedi, une chose est sûre, les militants des deux camps se sont mobilisés en nombre. Partisans du dégel du corps électoral et opposants ont réuni chacun 20 000 personnes selon la police. Les deux rassemblements se sont déroulés dans le calme.

Au cœur des deux manifestations organisées à Nouméa ce samedi 13 avril, le dégel du corps électoral. Alors que le Sénat a adopté en début de mois le projet de loi constitutionnelle visant à élargir la liste de ceux qui pourront voter lors des prochaines provinciales, chaque camp a mobilisé ses forces ce matin. 

Les Loyalistes et le Rassemblement, favorables au dégel, se sont rassemblés à la baie de la Moselle dès 8 heures, tandis que les indépendantistes, qui y sont opposés, se sont réunis à l'appel de la CCAT, la cellule de coordination des actions de terrain, sur la place des Cocotiers à peu près à la même heure.

Des milliers de manifestants mobilisés pour le dégel du corps électoral à Nouméa le samedi 13 avril

20 000 personnes dans chaque camp selon la police

Si les deux camps revendiquent chacun entre 30 et 40 000 personnes dans leur cortège, la police estime que les deux mobilisations ont attiré chacune aux alentours de 20 000 personnes. Une chose est sûre, les militants ont répondu présent, des deux côtés.

Le centre-ville, quadrillé par un important dispositif de forces de l'ordre, était interdit à la circulation automobile dans de nombreuses rues et les transports en commun avaient modifié leur parcours, voir interrompu purement et simplement leurs lignes. C'était notamment le cas pour le réseau de Carsud, qui dessert habituellement les communes du Grand Nouméa. Par conséquent, nombreux sont ceux qui ont rejoint leur lieu de rassemblement respectif à pied, drapeau bleu blanc rouge ou Kanaky en main.

Des manifestants mobilisés à l'appel de la CCAT contre le dégel du corps électoral le 13 avril à Nouméa

"On savait que ce rassemblement-là était important, on savait qu’il fallait qu’on soit là aujourd’hui pour dire qu’on est chez nous ici, qu’on veut le dégel du corps électoral, qu’on veut le vivre ensemble"

Sonia Backès, cheffe de file des Loyalistes

Le premier cortège à s'élancer, à 8h45, était celui des loyalistes. Les milliers de supporters du dégel du corps électoral se sont dirigés vers la place Bir Hakeim, où des prises de parole ont eu lieu, avant de revenir à la Moselle. "C’est la plus grande manifestation de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie", assurait ce matin le député de la deuxième circonscription, Nicolas Metzdorf, qui est par ailleurs le rapporteur de la réforme constitutionnelle concernant le dégel du corps électoral, à l’Assemblée nationale.

"On savait que ce rassemblement-là était important, on savait qu’il fallait qu’on soit là aujourd’hui pour dire qu’on est chez nous ici, qu’on veut le dégel du corps électoral, qu’on veut le vivre ensemble", a notamment déclaré Sonia Backès, la cheffe de files de loyalistes.

Vidéo : le reportage de Brigitte Whaap et Gaël Detcheverry.

©nouvellecaledonie

Nous sommes ici pour dénoncer le passage en force de l’État. On veut afficher nos couleurs et montrer qu’on existe.

Helène Lewene, manifestante de la CCAT.

Pendant ce temps les délégations indépendantistes se succédaient sur la place des Cocotiers, autour de la place de la Paix, où trône la statue représentant Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur se serrant la main. Un lieu qui n'a pas été choisi par hasard, comme le rappelle Thierry Kameremoin, membre de la CCAT : "Pourquoi la place de la Paix? C’est trois choses : un cadre institutionnel, la liberté pour les prisonniers de l’époque, les prisonniers politiques. Et puis ce qu’on a appelé à ce moment-là le désarmement du mouvement. Cela signifie qu’on fera autre chose. Avec d’autres modes d’expression que ceux que l’on a utilisés, mais plus jamais ce qu’on a pu faire à ce moment-là." "Nous sommes ici pour dénoncer le passage en force de l’État. On veut afficher nos couleurs et montrer qu’on existe", témoignait Hélène Lewene, manifestante de la CCAT.

Des coutumes étaient alors présentées aux représentants coutumiers de l'aire Drubea Kapumë par les délégations venues des quatre coins de la Grande Terre et des Îles, avant que des prises de parole ne ponctuent la matinée.

Vidéo : le reportage de Malia Noukouan et Cédric Michaut.

©nouvellecaledonie

Dans le calme et sans heurts

Les militants loyalistes se sont dispersés après leur retour à la Moselle, vers 10h30. La CCAT demandait alors l'autorisation de défiler à son tour, les deux cortèges ne risquant plus de se croiser. Car c'était une des craintes des forces de l'ordre, mobilisées toute la journée. Mais les deux rassemblements se sont déroulés dans le calme et sans heurts.

D'autres mobilisations étaient organisées à travers le pays en soutien à la CCAT. Elles ont réuni à chaque fois quelques dizaines de personnes, à Voh, à l'île des Pins, à Ouvéa et à Maré mais également à Bélep et Népoui.

Parcours législatif

Les militants indépendantistes se sont donc mis en marche dans l'après-midi pour rejoindre le Mwa Ka. Ils se sont dispersés dans le calme en début de soirée.

Le processus législatif pour élargir le corps électoral doit encore suivre son cours. Le projet de loi constitutionnelle sera soumis au vote de l'Assemblée nationale le 13 mai avant d'être présenté aux parlementaires réunis en Congrès, à Versailles, pour être définitivement adopté. À moins qu'un accord local n'intervienne. Dans ce cas le processus serait interrompu pour que de nouvelles dispositions soient étudiées. Les deux camps auront donc probablement l'occasion d'ici là de se mobiliser à nouveau et de comparer leurs forces.