Un ensemble naturel, doté des mêmes droits qu'une personne, et capable de poursuivre en justice ses agresseurs, comme n'importe quel citoyen. C'est une réalité légale en Nouvelle-Zélande. Le parlement s'apprête à voter une loi pour faire du fleuve Whanganui une personne juridique.
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La Nouvelle-Zélande est l’un des premiers pays au monde à reconnaître le droit de la nature, après l’Équateur , qui a ouvert la marche en 2008, et modifié sa Constitution pour faire de la nature un sujet, et non plus un objet de droit.
Aotearoa (nom maori de la Nouvelle-Zélande) compte environ 4.544 millions de citoyens, plus 2:
- Te Urewera, l’un des 13 parcs nationaux, devenu personne juridique au même titre que vous et moi, grâce à une loi révolutionnaire votée en 2014 ;
- et bientôt, d’ici la fin de l’année: le fleuve Whanganui, le troisième cours d’eau le plus long du pays.
« La loi Te Urewera souligne le caractère ancien et durable de cet endroit, une forteresse naturelle qui est aussi un lieu d’histoire, avec des paysages empreints de mystère, d’aventure et de beauté lointaine », explique Jacinta Ruru, professeure en droit à l’université d’Otago, spécialisée en droit foncier maori.
Pour les Maoris Tūhoe, la tribu originaire et gardienne des terres de Te Urewera, le désormais ex-parc national constitue leur berceau spirituel. « Nous faisons partie de l’environnement et notre santé et bien-être en tant qu’humains se reflète dans la santé et le bien-être de notre environnement, et vice versa », résume la chercheuse maorie.
La loi a donc aboli le statut de parc national de Te Urewera. « Ni les Maoris, ni le gouvernement néo-zélandais ne possèdent ces terres, souligne Jacinta Ruru. C’est une personne à part entière, elle ne peut pas être la propriété de quelqu’un. (…) (Te Urewera) est un site qui a une valeur spirituelle et la loi le reconnaît, en termes maoris. Elle stipule que Te Urewera a son propre mana – sa propre autorité, et son propre mauri – sa propre force vitale, et sa propre identité intrinsèque. »
Légalement donc, le parc de Te Urewera a les mêmes droits qu’un citoyen. Le fleuve Whanganui (Te awa tupua, en maori) aura bientôt les mêmes. Lui aussi a une valeur spirituelle et historique importante pour les Maoris. Il trace son cours dans l’ouest de l’île du Nord. La loi est examinée actuellement par le parlement néo-zélandais, et d’après Jacinta Ruru, il est très probable qu’elle soit votée d’ici la fin 2016.
Quand le fleuve Whanganui déclenche une action judiciaire
Peut-on alors imaginer, à l’avenir, que le fleuve Whanganui porte plainte contre, par exemple, des agriculteurs, ou des mineurs, dont l’activité metterait en danger son écosystème?
« Les personnes juridiques naturlles peuvent être représentées devant un tribunal, acquiesce Jacinta Ruru. Mais évidemment elle ne peuvent pas parler, donc le gouvernement et nos tribus maories conviendront de qui est autorisé à être le porte-parole de ces espaces importants. »
Si la loi passe, les Maoris Whanganui et le gouvernement auront la conjointe responsabilité de représenter les intérêts du fleuve. « Notre gouvernement et les Néo-Zélandais se sont engagés à se réconcilier avec les Maoris, et ils ont reconnu qu’il y a eu, par le passé et encore aujourd’hui, des violations du traité de Waitangi signé en 1840 », expliquer la professeure de droit.
Dans ce traité, dont l’interprétation donne lieu à de multiples controverses, le Royaume-Uni garantit aux Maoris la propriété sur leurs terres, forêts, pêcheries et autres possessions.
Les Maoris Whanganui estiment que leur fleuve a été abîmé, en violation avec le traité de Waitangi. Ils n’ont en effet pas supporté que leur fleuve devienne une destination touristique à la fin du XIXème siècle (ce qui a particulièrement agacé les pêcheurs d’anguilles), puis en partie détourné pour aller alimenter une central hydraulique, dans les années 1970.
Le bien-être de ce fleuve est donc au centre du procès le plus long de l’histoire du pays ouvert dans les années 1930, d’après l’encyclopédie de la Nouvelle-Zélande. Et faire du fleuve une personne juridique permettrait d’instituer un régime de co-gestion entre l’état néo-zélandais et les Maoris et de mettre fin à la bataille juridique autour de l’interprétation du traité de Waitangi et la propriété foncière.
Notons que même si Whanganui devient citoyen néo-zélandais comme Te Urewera, les riverains auront toujours le droit d’utiliser l’eau, et les visiteurs de faire des excursions sur et autour du fleuve.
(Cet article est basé sur l'interview de Jacinta Ruru réalisée par Jonathan Green dans son émission Sunday Extra, sur ABC Radio National. )