C’est ce qu’on appelle une vocation précoce: dès ses quatre ans, Linda harcèle ses parents pour qu’ils l’inscrivent à la "danse volante". C’est-à-dire la danse classique, qu’elle pratiquera jusqu’à tenter, à l’âge de neuf ans, une audition à l’opéra lors de vacances à Paris. En grandissant Linda s’attachera méthodiquement à entretenir cette passion, quitte à partir à Montpellier dès le lycée pour se former, et plus tard compiler des expériences de natures différentes : hip-hop, avec la compagnie de Najib Guerfi, pendant trois ans avec Sthan Kabar-Louët, ou collaborant avec Richard Digoué…
Propulsée bien jeune dans le décor de plusieurs villes du monde, c’est à Bruxelles en 2008 que Linda éprouvera une révélation. Elle reste profondément attachée aux habitants et à la culture si riche d’un petit pays adepte d’autodérision, partagé entre deux entités flamande (néerlandophone) et wallonne (francophone), garant d’une "ouverture sur la danse du Nord. Ça a été superbe d’être au milieu de toute cette poésie de l’art contemporain."
Après l’obtention d’un diplôme d’artiste spécialisée en milieu thérapeutique, Linda est engagée par l’association le Pont des Arts, pour laquelle avec cinq autres artistes de différentes disciplines (conte, musique, magie…) elle visite les chambres des enfants malades à l’hôpital. Le leitmotiv : proposer, sans jamais s’imposer. "C’est assez étonnant mais on est très contents quand il dit ‘non’ ! Parce que c’est une grande forme de libre-arbitre qui revient, dans un lieu où l’enfant est très vulnérable et souvent dérangé pour une piqûre, un soin, une visite… En tout cas pour les psys avec qui on discutait, c’était très positif. Voilà quelque chose qui n’a rien à voir avec le métier d’artiste !"
Une carrière calédonienne
À cause d’une blessure, Linda a dû laisser un moment la danse de côté. Elle y est revenue, notamment lors de sessions d’initiation qu’elle donne auprès de très jeunes publics, mais aussi par la chorégraphie, avec la présentation de son spectacle Merci pour les tomates, début juin au théâtre de l’Île… L’occasion de travailler, avec le musicien Sacha Terrat, la bande-son dans laquelle sont convoquées des ambiances musicales cosmopolites et des allusions autobiographiques via des mémos vocaux.
Cette définition d’une identité plurielle, en mouvement, puise du côté de la Bosnie, à Sarajevo où Linda a pu se rendre pour rencontrer une partie de sa famille (lien également abordé par son père Nicolas dans son roman les Heures italiques). Mais aussi de Lifou : "les tout premiers rythmes que j’ai entendus devaient être pendant les fêtes des mariages ; l’église n’était pas loin, donc les chants… Les premiers sons que j’ai eus étaient la langue drehu, avec le français de mes parents bien sûr. C’est là que j’ai évolué jusqu’à mes trois-quatre ans."
En 2010, Linda présente au centre Tjibaou son premier solo, intitulé… "Duo avec un moustique", dans le cadre du festival des Arts mélanésiens. "Dans ma lettre de motivation j’ai osé dire que je me sentais Mélanésienne puisque que je suis née en Mélanésie !" Au fond, rien de bien étonnant pour une artiste à la croisée des influences, qui emploie sa liberté d’expression et de création à défier les carcans identitaires.