La reconnaissance d’entités naturelles comme personnalités juridiques ? La province des Îles réalise une première, au niveau national et en Outre-mer. Une étape jugée importante dans la protection de la biodiversité calédonienne, notamment des tortues marines ainsi que des requins. "Ces deux espèces vont bénéficier du statut d'entité naturelle juridique", détaille Victor David, chercheur en droit de l'environnement à l'IRD. "Avec des droits qui leurs sont reconnus. Avec des porte-paroles, puisqu'il faut des faces humaines pour plaider devant les tribunaux notamment, faire des opérations de restauration, etc. Ça va être testé sur ces deux espèces, et d'autres espèces, et des sites naturels également."
Une réflexion au long cours
Depuis 2011, la province des Iles, soutenue par l’Institut de recherches pour le développement, étudie les possibilités d’intégrer les droits de la nature dans son code de l’environnement. C’est chose faite avec la délibération adoptée en assemblée provinciale, le 29 juin. "L'inspiration, il y a douze ans, nous est venue de la Nouvelle-Zélande, où pour la première fois, un fleuve a été reconnu comme personne juridique par le gouvernement néo-zélandais en négociation avec les autorités maories, relate Victor David. C'est un peu ça qui a lancé cette idée de recherche. Les collègues, les élus, de la province des îles ont été tout de suite séduits par cette piste. Ils nous ont demandé d'étudier, d'approfondir et on a pris le temps qu'il fallait pour aboutir à la délibération votée la semaine dernière."
A l’image des revendications des peuples autochtones maoris, la société kanak conçoit son identité dans les éléments de l’environnement naturel. Des entités désormais réglementées sur les îles Loyauté.
Un sujet de Natacha Lassauce-Cognard
Ce que disent les textes
Extraits des articles de la délibération "droit du vivant" dans le code de l’environnement loyaltien :
- Article 110-3. "Le principe unitaire de vie qui signifie que l’homme appartient à l’environnement naturel qui l’entoure et conçoit son identité dans les éléments de cet environnement naturel constitue le principe fondateur de la société kanak. Afin de tenir compte de cette conception de la vie et de l’organisation sociale kanak, certains éléments de la Nature pourront se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires en vigueur."
- Article 242-16. "Sur le territoire de la province des îles Loyauté, en application du principe unitaire de vie édicté à l’article 110-3 et afin de tenir compte de la valeur coutumière dans la culture kanak, les éléments de la nature, espèces vivantes et sites naturels énumérés à l’article 242-17 se voient reconnaître la qualité d’entité naturelle sujet de droits. Des droits fondamentaux leur sont reconnus. Elles n’ont pas de devoirs. Ni les entités naturelles sujets de droit, ni leur porte-parole, ni la province des îles Loyauté ne peuvent être tenus responsables d’éventuels dommages qu’elles pourraient causer."
"Chaque entité naturelle sujet de droit dispose d’un intérêt à agir, exercé en son nom par le président de la province des îles Loyauté, par un ou plusieurs porte-paroles, conformément aux articles 242-22 et 242-23, par les associations agréées pour la protection de l’environnement et les groupements particuliers de droit local à vocation environnementale dont il est fait mention aux articles 124-1 à 124-3 du présent Code." - Article 242-17. "Les requins et les tortues marines sont des entités naturelles sujets de droit au sens de la présente section. D'autres éléments du vivant ainsi que des sites et monuments naturels pourront être reconnus comme entités naturelles sujets de droit par l'assemblée de la province des îles Loyauté au titre de la présente section, sur proposition d'autorités coutumières par acte coutumier, de GDPL à vocation environnementale ou à l'initiative du président de l'assemblée de province après avis des autorités coutumières."