Les paysages de son enfance évoquent les champs de blé ou de colza à perte de vue, dans un village de la région lyonnaise répondant au doux nom de Moidieu-Détourbe… Mais sur Lifou, Patricia Itrema s’est plutôt familiarisée avec les noix de coco dont elle tire une huile extra-vierge, le miel (son stage de fin d’études était déjà chez un apiculteur en France), la vanille, le santal, le tamanou, les fleurs de pötr et autres innombrables trésors issus de la luxuriante végétation tropicale ! Elle aspire à terme à lancer une gamme de cosmétiques et de maquillage.
Pour l’artisane à l’enthousiasme communicatif, les études dans l’agroalimentaire ont coulé de source. "J’ai appris à cuisiner avec ma maman depuis toute petite. Bizarrement, j’étais fascinée par ce qui se passait dans la poêle : par exemple quand on casse un œuf, pourquoi il devient blanc ! J’ai commencé à me renseigner pour savoir ce qu’il se passe à l’intérieur des aliments quand on les cuit, quand ils s’oxydent…"
Une Drehu d'adoption par son mariage
C’est sur les bords du lac Léman, en Suisse, que Patricia entame véritablement sa carrière : d’abord dans la ville francophone de Lausanne, dont elle apprécie "le cadre naturel mais aussi les gens autour. On prend plus le temps de vivre, un petit peu comme à Lifou ou à la campagne. J’ai besoin d’être entourée de gens plutôt calmes, apaisés..." Un environnement qui contraste avec son travail à l’aéroport international de Genève, en tant que responsable des approvisionnements pour une entreprise assurant la restauration des compagnies aériennes. C’est dans cette mosaïque interculturelle (avec près de 35 nationalités au sein des effectifs) qu’elle rencontre son futur époux Sylvain, originaire de Thuahaik (Lifou)…
Alors qu’ils accomplissent un tour du monde en 2014, elle est présentée pour la première fois à sa belle-famille, avant une installation sur le Caillou deux ans plus tard. "J’ai été très bien accueillie par sa famille, entourée [et] guidée dans la coutume. C’est tout un univers que je ne connaissais pas, très ritualisé. [...] Ce sont des choses intuitives parfois, mais qu’il faut aussi apprendre. L’idée c’est d’essayer de garder sa personnalité ; de s’intégrer tout en restant soi-même." La nécessité de reconnecter leurs deux jeunes enfants à la culture drehu et à la langue, ont incité la famille à "se jeter à l’eau" pour un retour sur Lifou début 2020.
Cette installation correspond également à la création de leur propre activité, liée initialement au tourisme de croisière. C’était sans compter sur l’irruption de la pandémie COVID, et la fermeture des frontières maritimes juste après la rentrée scolaire ! De ce fâcheux concours de circonstances, le couple tente de faire une opportunité pour rebondir. "Quand on passe et qu’on traverse Lifou, la plupart des choses sont cachées. Il y a toute une vie juste derrière les façades des maisons, apprécie Patricia. Il y a les champs, les gens sont souvent en autonomie, ont leurs propres cultures, sont travailleurs. C’est beaucoup à la débrouille. J’aime cette façon de voir la vie : je fais un petit peu de champ, je pêche, j’échange, je troque, je fais ma propre activité ou travaille à côté… Cette pluriactivité est très riche !"