Avec compte-rendu télé
L'accusé est condamné à sept ans d'emprisonnement, sans mandat de dépôt. Voilà ce qui a été annoncé aux assises peu avant midi, mardi 21 novembre. Après deux jours de procès et près de trois ans d’attente, Jean-Louis Parage et ses proches sont soulagés. Le sexagénaire est reconnu coupable de coups mortels avec arme à feu. Et non pas de meurtre.
Faits requalifiés
Les faits, requalifiés par le jury, sont synonymes de diminution du quantum de la peine. "On est extrêmement heureux, satisfaits de la décision, extrêmement soulagés", réagit Me Martin Calmet pour la défense. "La cour a entendu l'argumentaire qu'on a soulevé, a suivi les réquisitions de l'avocat général, ce que nous avons demandé." Il est plutôt rare que l’avocat de la défense et l’avocat général s’entendent sur une condamnation. Le ministère public, Yves Dupas, a requis sept ans de prison, sans incarcération immédiate et mandat de dépôt, avec confiscation des armes de chasse. Le jury a suivi.
"Des regrets sincères"
La personnalité de cet homme décrit comme calme, honnête, protecteur, sans le moindre antécédent judiciaire, a sans doute entraîné la clémence des jurés. "Ce qui a fait la différence, c'est le comportement de mon client, estime l'avocat. Il y a parfois des gens qui revendiquent les actes qu'ils commettent." Alors que là, "vous avez des regrets qui étaient sincères, un comportement irréprochable pendant toute cette audience et le sentiment d'avoir enlevé une vie qui était insupportable pour lui".
"Ce n'est pas assez"
Le père de la victime, lui, confie son incompréhension. A ses yeux, la peine prononcée envers l'accusé n’est pas suffisamment lourde. "Sept ans, ce n'est pas assez pour ce qu'il a fait. Ils disent qu'il a tiré involontairement mais il a tiré quand même. Il a tué mon fils." Durant les deux jours de procès, il n’a cessé de dénoncé les mauvaises fréquentations de son fils l’ayant entraîné dans la délinquance.
Retour sur les réquisitions
Ainsi se termine une affaire très délicate. L’avocat général avait débuté ses réquisitions, au début de la journée, en détaillant la complexité du dossier lorsque s’est ouverte l’information judiciaire, en février 2021. Un millier de personnes s'étaient réunies devant le tribunal de Nouméa pour soutenir l’accusé. Les réseaux sociaux s’affolaient, laissant entendre qu’il s’agissait d’un meurtre à caractère racial. Et soulignant la responsabilité de l’Etat, quant à une défaillance de la justice dans le traitement de la délinquance.
Rappel du droit
Aux assises, le ministère public a rappelé que le droit français rejette toute organisation d’autodéfense, ou le fait de se faire justice soi-même. Il a souligné que le taux d’incarcération en Nouvelle-Calédonie s’avère deux fois plus important que dans l’Hexagone : un taux de 240 détenus pour 100 000 habitants, contre 125 détenus pour 100 000 habitants.
Plutôt des coups mortels
Dans ses réquisitions, le ministère public a insisté sur trois points qu’il estimait essentiels pour la condamnation : la culpabilité, la responsabilité pénale et l’appréciation de la peine. Selon Yves Dupas, la responsabilité pénale est totale. Mais le procureur de la République a requalifié les faits en coups mortels, des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Des faits aggravés par l’utilisation d’une arme à feu.
Pour ce crime, l’homme jugé depuis la veille à Nouméa encourait jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle. Mais l’avocat général, lui, a requis sept ans de prison, avec interdiction de détenir une arme pendant dix ans, sans incarcération immédiate et mandat de dépôt.
Un accusé à l’image du pays, a dit la défense
A suivi la plaidoirie de la défense. Maître Martin Calmet a débuté en décrivant la complexité de la Nouvelle-Calédonie et de ses habitants. Une terre riche en métissage et l’accusé est à l’image du pays, pour lui. L’avocat a regretté l’absence de conseil pour la partie civile. Il a souligné la justesse des réquisitions du ministère public. S’alignant sur la requalification des faits demandée par Yves Dupas, il a indiqué aux jurés que la justice n’est pas politique, médiatique ou symbolique.
Pas forcément de la prison
Pour l’avocat, la peine ne devait pas forcément être synonyme de prison. Après une heure quarante-cinq de réquisitions et de plaidoirie, c’est l’accusé qui a pris la parole en dernier. Il a confié que c’est très difficile pour lui de vivre avec ce drame. S’est excusé, il a ôté la vie d’un homme.
Dans cette affaire, Jean-Louis Parage va très probablement bénéficier d’un aménagement de peine. Pour rappel, il a déjà effectué deux ans et neuf mois de prison, avec assignation à domicile sous surveillance électronique. Les deux voleurs qui accompagnaient la victime le jour du drame ont, rappelons-le, été condamnés, pour vol et tentative de vol de voiture, à vingt-quatre mois de prison, dont six avec sursis probatoire.
Le compte-rendu de Natacha Lassauce-Cognard et Laura Schintu