Incendie à Boulouparis : "On a pris un risque, et on assume", explique la Sécurité civile

La sécurité civile utilise des drones pour lutter contre les incendies.
Deux feux de brousse ont occupé les pompiers de vendredi 10 à dimanche 13 novembre. Les vents forts ont accéléré la propagation des incendies, notamment à Koumac, où 194 hectares ont brûlé. Mais dans le cas de celui de Boulouparis, considéré comme accidentel, des questions restent en suspens. La DSCGR a accepté de nous répondre.

Vendredi, le risque de feu de forêt était considéré comme élevé dans les communes de Boulouparis et La Foa. Pourtant, une formation de brûlage dirigé préventif et de feu tactique programmée par la DSCGR s'est tenue à Ouitchambo, à destination de pompiers professionnels et volontaires. C'est alors que le feu a échappé à leur contrôle, réduisant 110 hectares de brousses en cendres. Comment cela a-t-il pu se produire ?

Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile et de la gestion du risque : "Vendredi, nous étions dans une perspective de brûler une parcelle définie sur le secteur de Ouitchambo, avec les autorisations nécessaires. Donc le périmètre est défini, l'allumage a lieu et, malheureusement, le vent que l'on n'attendait pas s'est levé. Le feu s'est étendu, mais comme nous étions dans une situation de formation au brûlage dirigé, nous avions des moyens sur place. La réaction a été immédiate. ll a fallu se battre contre ce feu qui était important, mais nous avons fini par le contenir [NDLR avec le soutien des pompiers des casernes de Boulouparis et de La Foa].

Mon regret, c'est effectivement d'être sortis des limites que nous étions fixées. Mais pour atteindre l'objectif de disposer de gens qui sont capables de mettre en œuvre ces dispositifs très techniques, le chemin est semé d'embûches et de tâtonnements qu'il faudra bien finir par franchir."

On peut considérer que c'était une erreur d'appréciation, mais on a appris de cette erreur et on ne la reproduira plus, parce que va modifier encore notre façon d'apprendre ici en Nouvelle-Calédonie.

Général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Sécurité civile et de la gestion du risque

Vendredi 10 novembre, le risque de feu de forêt était "élevé" dans la commune de Boulouparis

Pourquoi organiser une formation en cette saison, où le risque de feu est important ?

Frédéric Marchi-Leccia : "On a sollicité le SDIS des Pyrénées-Orientales qui possède une véritable expérience dans ce domaine. Eux-mêmes sont confrontés à des feux compliqués dans les montagnes et les plaines, et ils ont développé ces techniques de brûlage dirigé et de feux tactiques. Donc, aujourd'hui ils font autorité, et c'est vers eux que nous nous sommes tournés pour absorber leurs connaissances.

L'objectif étant que, à terme, nous disposions de nos propres formateurs, pour répandre encore un peu plus cette culture. Aujourd'hui on est à la croisée des chemins : on n'a rien, on veut avoir de quoi se défendre, et donc je fais appel à ceux qui savent ou à ceux qui sont le plus en mesure de nous aider à monter en compétences.

Frédéric Marchi-Leccia

J'aurais aimé pouvoir dispenser cette formation très en amont de la saison des feux, en juillet et en août. Malheureusement, à cette même période, tous les formateurs dont on pouvait avoir besoin sont mobilisés sur les feux en Europe. Sinon je le faisais au mois d'avril, mais ça n'aurait eu aucun sens, car il a plu sans arrêt.

Mais je voulais quand même bénéficier de cet appui. Il faut absolument saisir cette chance et on a pris le risque, on a fait le pari de les faire venir là, en tout début de saison. Voilà pourquoi ça se passe maintenant et pas à une période plus propice."

Y a-t-il une particularité calédonienne que ne maîtrise pas le formateur qui vient de l’Hexagone ?

Frédéric Marchi-Leccia : "C'est le relief particulier du pays, son étendue, qui déroutent souvent les formateurs. Il y a aussi l’aérologie très particulière, liée au bord de mer, aux montagnes : le vent est capricieux ici, il faut le connaître. Il y a aussi certaines espèces végétales qui se comportent différemment. En revanche, les techniques mises en œuvre sont applicables partout : les précautions à prendre avant d'allumer, la préparation du périmètre, la manière dont on met le feu, dont les gens sont positionnés pour que le feu aille dans la direction que l’on attend…"

Nous formons des professionnels et des volontaires, toujours dans l'esprit de disposer - dans tous les secteurs et pas simplement à Nouméa -, de gens qui sont en capacité de mettre ces dispositifs en œuvre. L’idée c’est d’avoir 60 à 80 pompiers entraînés à ces pratiques de brûlage dirigé préventif et de feu tactique.

Frédéric Marchi-Leccia

    

Vous dites que vous allez réfléchir à vos méthodes et les faire évoluer.

Frédéric Marchi-Leccia : "On peut aussi faire du brûlage dirigé sur simulateur. L'école des sapeurs-pompiers de Nouvelle-Calédonie dispose d'un appareil très sophistiqué. On peut effectivement simuler des mises à feu, avec des déplacements qui sont conditionnés aux décisions que prennent les stagiaires.

Par contre rien, absolument rien, ne remplacera le travail sur le terrain. On pourra faire des milliers de simulations, mais à aucun moment la personne ne se sentira vraiment au cœur de l'action avec la chaleur, le vent, l'inquiétude même qui pointe quand on met en place une procédure comme celle-ci. Il faut en passer par là. On ne peut pas simplement imaginer de tout faire en virtuel.

Et pour être plus prudents, on va travailler sur des parcelles plus petites, moins exposées, et surtout bien s'assurer que les conditions météo sont adaptées."