Ouverture exceptionnelle du camp Brun, le pire du bagne calédonien

Le 10 septembre 2023, pour le Mois du patrimoine, Manu Cormier présente le camp Brun à un groupe de visiteurs.
Le Mois du patrimoine, l’occasion de découvrir des lieux exceptionnels. Ce week-end des 9 et 10 septembre, l’association Marguerite a guidé les visiteurs à travers l’un des sites les plus sinistres du bagne calédonien. A la limite de Boulouparis et de La Foa, le camp Brun était dédié aux forçats jugés les plus rebelles. Il y a peu encore, ses vestiges étaient ensevelis sous la végétation.

Une visite rarissime. Le Mois du patrimoine a ouvert cette année, à des dizaines de curieux, un site de la Grande terre à la fois connu et méconnu. Samedi 9 et dimanche 10 septembre, groupe après groupe, ils ont arpenté ce qu’il reste du camp Brun. Un lieu-dit indiqué sur la RT1, dans le Nord de Boulouparis. Et pourtant fermé la plupart du temps, du moins pour le moment. "Ça faisait plus de vingt-cinq ans que le site n’avait plus été ouvert au public", souligne le guide, Manu Cormier.

Surnom, "l'abattoir"

Les visiteurs du week-end ont marché dans les pas de ce conteur hors pair. Devant les restes des bâtiments et les panneaux d'information, l'ex-président de l'association Marguerite a décrit un lieu de souffrances inimaginables, au point d’être surnommé le "camp de l’abattoir". Le bénévole a raconté la vocation disciplinaire de ce centre pénitentiaire. Les heures quotidiennes de travaux forcés pour aménager le territoire. Le régime alimentaire restreint au minimum. La "barre de justice" pour fixer les fers aux pieds durant la nuit. Les détenus poussés au désespoir au point de s'infliger des infections voire des mutilations... 

Les vestiges ont été en partie défrichés avant cette série de visites.

"C’est l’histoire du pays"

Une heure trente qui dépeint en profondeur un pan du passé calédonien. "C’est l’histoire du pays. C’est pour ça que j’ai ‘trainé’ ma petite-fille", explique Rose-May en éclatant de rire. Une participante qui se sent concernée. "J’ai quatre ancêtres bagnards. On en parle. On l’accepte, en tout cas. [Avec] mes grands-parents, il n’en était pas question, d’aborder le sujet. Un jour, j’ai posé une question à ma grand-mère maternelle quand j’étais encore petite, j’avais dû entendre ça à l’école. Je lui ai dit : ‘Qu’est-ce que c’est qu’un bagnard ?’ Elle m’a dit : ‘Ne prononce jamais ce mot-là.’

Défriché

Pour faire encore progresser la reconnaissance du bagne, les membres de l'association Marguerite, lauréate du budget participatif de la province Sud, se sont relevés les manches. Il a notamment fallu défricher, à la force du poignet, une partie de la végétation couvrant les ruines. “La sauvegarde de ces sites historiques liés au bagne est importante, répète Manu Cormier, puisqu'il y a aujourd’hui une volonté affichée des politiques, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, de demander et voir un jour le bagne calédonien classé au patrimoine mondial de l’Unesco.”

De 1887 à 1895

Le camp a été établi en 1887 sur la propriété du colon Gratien Brun. Il a été fermé en 1895, quand le gouverneur Feillet a mis en pratique la volonté de "fermer le robinet d’eau sale". Puis a été laissé à l'abandon. En 2007, le terrain a été racheté par la province et classé monument historique. Aujourd'hui, on y voit les restes des dortoirs pour les condamnés, des cachots, de la prison collective, d'un escalier ou encore des puits. Mais attention, le camp Brun est fermé au public en dehors des visites organisées par l’association Marguerite. Elle espère pouvoir y faire venir bientôt les scolaires.

Vue générale du centre disciplinaire.