PORTRAIT. Découvrez le destin peu commun de Jean-Maurice Sotirio, en quête d'Histoire

Ancien éducateur spécialisé, Jean-Maurice Sotirio, président de la Ligue contre le cancer et petit-fils de bagnard et d'engagé volontaire, a commencé il y a vingt ans une quête identitaire entre Bourail, l'Algérie et l'Indonésie.
De ses interventions dans les médias en tant que président de la Ligue contre le cancer, certains connaissent son sourire franc et sa voix posée. Jean-Maurice Sotirio est un homme engagé. Contre la maladie, mais également dans la quête de ses racines, multiples, douloureuses, comme celles de nombre de Calédoniens. Découvrez son portrait dans Destins peu communs.

Enfant d'une mère métisse arabe-kanak et d'un père indonésien, tous deux nés sur le Caillou, Jean-Maurice Sotirio est un mélange de la population calédonienne, dans ses gênes comme dans son histoire. " Nous avons été les enfants des déracinés, mais nous, nous sommes les enracinés ", explique le retraité de 63 ans. La quête de cette histoire, commune à tout un pays, ne lui est venue que sur le tard, vers la quarantaine. Jeune, il passe une enfance heureuse de Calédonien métisse, entre Bourail et Nouméa. " Être métisse n’était pas un problème. On parlait beaucoup chez nous. " Enfant, il se passionne pour le sport, comme son père. Mais alors que son papa était footballeur, " le terrain de la Vallée-du-Tir porte son nom ! ", Jean-Maurice Sotirio s'intéresse plutôt à la danse classique et devient élève de Serge Ivanovitch. Une passion qui lui est restée. " J’accompagne en ce moment la compagnie de Sthan Kabar-Louët, je suis trésorier et toujours fan de danse ! "  Un engagement dans la société civile qui a marqué sa vie. Alors qu’il débute, après son service militaire, des études de dessin industriel, il choisira finalement une carrière d'éducateur spécialisé. " Je pense que ce sont nos parents qui nous ont inculqué ça, l’entraide, le contact avec les gens. "

 

Des familles déracinées

Un jour, alors qu'il regarde le documentaire Les témoins de la mémoire, dédié aux déportés algériens en Nouvelle-Calédonie, une envie naît chez Jean-Maurice Sotirio. " Avec un cousin et une cousine, on s’est dit que ce serait bien que l’on fasse quelque chose, que l’on sache vraiment qui est qui et qui a fait quoi dans notre famille. " C’était il y a 20 ans. Depuis Jean-Maurice Sotirio a cherché ses origines du côté de l’Algérie, de l’Indonésie ou encore de Bourail. Au début, les trois cousins questionnent les anciens de la famille, le travail est simple. Mais plus le trio creuse, plus les douleurs ressortent. À l'époque de nos parents, on ne se disait pas facilement descendants de déporté. Lorsqu’on a sorti l'acte intégral de déportation du grand-père, il y a eu des réactions vives dans la famille. On a fait ressortir des incompréhensions qui nous concernent, mais qui en même temps ne nous concernent plus. " Il y a donc la quête du côté du grand-père maternel, qui a laissé deux enfants en Algérie. En 2006, le premier voyage à El Khroub (près de Constantine) de Jean-Maurice Sotirio permet la rencontre avec tous les descendants de ces deux fils abandonnés. " Ça a été un moment émouvant, triste et joyeux. Ce n’est pas déterrer les choses que de raconter cette histoire-là, c’est notre histoire commune. Le bagage du bagne reste très fort en Calédonie, l’expression de la douleur est parfois enfouie. "

 

S'engager et transmettre

Le travail est engagé également du côté paternel. Les deux grands-parents sont Indonésiens. En fouillant, Jean-Maurice Sotirio s’aperçoit que son papi est né en Nouvelle-Calédonie, « alors que j’avais toujours cru qu’il était né en Indonésie ! » Alors que la grand-mère reste sur le Caillou, le grand-père repart en Indonésie en laissant derrière lui le père de Jean-Maurice, alors âgé de cinq ans. Une déchirure difficile à évoquer. " Mon père a peu abordé le sujet avec nous. Cette douleur est transgénérationelle, je l’ai vécu à travers mes familles, même si cela ne m’a pas empêché de grandir. " Pour éviter une nouvelle transmission de la douleur, Jean-Maurice Sotirio répond aux questions et raconte l’histoire familiale. Un engagement qui se retrouve sur le terrain associatif. " Mes parents étaient dans l’associatif, c'était logique de poursuivre", souligne humblement le président de la Ligue contre le cancer. Une maladie qui a touché de près sa famille. " J'ai un frère et une sœur qui sont décédés d'un cancer. Aujourd'hui, je me demande : qu’est-ce qu’on peut apporter à la communauté calédonienne pour donner envie aux gens de changer d’attitude par rapport à cette maladie ? " Ce mois d’octobre est dédié à la sensibilisation contre le cancer. " Octobre Rose, c’est un moment clef, mais la sensibilisation, c’est tout le temps car souvent, on peut prévenir la maladie. Le cancer ramène aux basiques, à la douleur, à la tristesse, à la fin de vie, à l’incompréhension culturelle, c’est un combat collectif. Il faut reprendre sa santé en main. " Que ce soit dans son engagement associatif ou dans ses quêtes généalogiques, Jean-Maurice Sotirio souligne l’importance de parler et de transmettre, car " quand on sait d’où l’on vient, on sait où on va regarder ".

Découvrez cet épisode ainsi que tous les autres de Destins peu Communs, l'émission qui part à la rencontre de nos identités (diffusion en radio les mardis à 12h17 et rediffusé le dimanche à 12h20).