Mont-Dore : un constructeur de bungalows condamné pour banqueroute, des victimes ruinées

Au tribunal correctionnel de Nouméa, le vendredi 14 avril 2023.
Un artisan a écopé d'un an de prison et d'une interdiction de gérer une entreprise pendant dix ans après avoir été reconnu coupable de banqueroute entre 2019 et 2021. Lésés, ses clients lui réclamaient un important préjudice.

Il a laissé derrière lui de nombreuses victimes dans le désarroi. Un chef d'entreprise, spécialisé dans la construction de bungalows au Mont-Dore, a été reconnu coupable de banqueroute entre 2019 et 2021 par le tribunal correctionnel de Nouméa, mardi. Et condamné à une peine d'un an de prison (dont la moitié avec sursis), une amende de 500 000 francs et une interdiction de gérer une société pour les dix prochaines années

La justice s'était intéressée à cet artisan et à ses difficultés de gérance après les plaintes à la gendarmerie d'au moins six personnes qui s'estimaient lésées. "Il a encaissé l'argent mais il n'a jamais terminé ma maison. Il a tout laissé en plan...", témoigne cette cliente particulièrement émue devant les magistrats. Elle raconte les galères qu'elle vit depuis qu'elle a décidé de confier la construction de cette maison en bois au prévenu : "Les fenêtres n'ont jamais été finies et du coup, ce n'est pas sécurisé chez moi. J'ai été cambriolée à deux reprises. Je lui ai versé beaucoup d'argent depuis 2019, je fais comment maintenant ?" 

"Les comptes de la société vidés à votre profit"

L'enquête de gendarmerie a permis de révéler que la société qu'il gérait avait été en état de cessation des paiements à partir d'avril 2019, avant qu'un jugement de liquidation judiciaire ne soit prononcé en octobre 2020. Son entreprise était alors en interdit bancaire... C'est à cette période que ses agissements délictueux semblent remonter. A certains clients, l'artisan demande le versement des acomptes directement sur son compte bancaire personnel. Pour d'autres, malgré le règlement de la facture, les délais de construction ne sont jamais honorés. 

"Il y a un mélange entre les comptes bancaires de votre société et votre activité de patente pour masquer vos difficultés de gérance. On aperçoit clairement qu'à ce moment-là, les comptes de la société sont vidés à votre profit, fait remarquer la présidente Lise Prenel. Il est interdit de vider l'actif d'une société pour son compte personnel. Les flux financiers sont très importants pour comprendre l'affaire : il y a au moins 28 millions de francs qui arrivent sur votre compte par des virements ou des remises de chèques de clients." 

Il conteste le délit de banqueroute

Nerveux à la barre, le chef d'entreprise conteste en bloc les accusations. "Ça fait vingt ans que je fais des bungalows. J'ai dû en construire 400 et tout le monde a été content de mes prestations, sauf 4-5 personnes qui sont malhonnêtes et qui me doivent de l'argent", se défend-il. Le délit de banqueroute pour lequel il comparaît "n'est absolument pas démontré, plaide Me Christelle Affoué. Il était persuadé d'agir dans son bon droit puisque les virements entre le compte de sa société et son compte personnel correspondaient à des prestations réalisées."

Une lecture du dossier qui ne convainc pas les clients. Ils se disent grugés par "un artisan qui utilise toutes les méthodes des escrocs et notamment l'arnaque à la boule de neige. C'est-à-dire qu'il finance les travaux d'un projet en vendant une nouvelle maison sur plan sans jamais les finir. Il ne dit jamais aux victimes que sa société est interdite bancaire, qu'elle est en liquidation et il promet monts et merveilles pour encaisser de l'argent", s'exaspère Me Frédéric de Greslan.

Les demandes des parties civiles rejetées

La procureure de la République Isabelle Fuhrer assure à son tour que le prévenu "a siphonné les comptes de la société pour la rendre insolvable. Et comme tous les escrocs, il a la capacité de noyer le poisson et d'avoir toujours raison".

"Il a laissé des victimes dans un grand désarroi. C'est une délinquance en col blanc qui cause des préjudices humains sans commune mesure avec la déliquance du quotidien", poursuit la magistrate.

"J'ai fait ça pour aboutir les projets de mes clients, pas pour m'enrichir. Je ne savais pas que c'était de la banqueroute. Aujourd'hui, je construis toujours des bungalows mais je vais m'arrêter, je suis fatigué", conclut l'artisan.

Le tribunal correctionnel de Nouméa a finalement suivi une partie des réquisitions de la procureure. Condamné, l'artisan effectuera sa peine en semi-liberté au Camp-Est. Les demandes indemnitaires des parties civiles ont, en revanche, été déclarées irrecevables.