Les trafiquants rivalisent d’ingéniosité pour dissimuler de la drogue et déjouer la vigilance des autorités. D’après nos informations, les douaniers de Nouvelle-Calédonie, aidés ensuite par les enquêteurs de la direction territoriale de la police nationale (DTPN), ont démantelé un réseau d’importation de cocaïne qui se développait depuis décembre 2021 à Nouméa.
L’affaire commence par un contrôle de routine des douaniers au centre de traitement postal de l’OPT, à la mi-avril. Equipés de moyens de surveillance et de détection à la pointe depuis plusieurs mois, les agents, spécialement formés à ces techniques d’interception, sont attirés par un colis suspect en provenance d’Argelès-sur-Mer, en Métropole. Le paquet est délicatement ouvert. A l’intérieur, des confiseries et un banal pot de Nutella dans lequel une partie de la pâte à tartiner a été retirée pour y dissimuler un caillou de cocaïne de près de 160 grammes.
Les autorités décident alors de laisser partir le colis et d’attendre que le destinataire le récupère. Aux aguets pendant plusieurs jours, les douaniers passent à l’action lorsqu’un homme se présente à une agence OPT de Nouméa pour récupérer le fameux colis. Le piège s’est refermé sur lui-même. Menottes aux poignets, il est conduit en rétention douanière pour être interrogé.
Jusqu’à 30 000 francs le gramme
Toujours sous la direction du parquet de Nouméa, les policiers nationaux prennent la suite du dossier et multiplient les investigations pour tenter de remonter la piste de ce qui apparait assez vite comme un réseau bien organisé. Trois suspects sont interpellés. Leurs domiciles, perquisitionnés - du cannabis et plus de 500 000 francs en billets sont saisis. Et le contenu de leurs téléphones portables, exploité.
L’enquête a ainsi permis d’établir que le trafic était organisé depuis la Métropole vers la Nouvelle-Calédonie. Interrogé par la rédaction, le procureur de la République Yves Dupas confirme l’information. Précisant que "le colis était adressé à un individu domicilié à Nouméa qui se chargeait de récupérer la drogue et de l’entreposer dans les locaux d’une entreprise avant de l’écouler".
Auditionnés en garde à vue, les trois suspects ont reconnu que la poudre blanche devait être coupée avant d’être revendue jusqu’à 30 000 francs le gramme à des consommateurs calédoniens. En quelques mois, douze colis ont ainsi été envoyés de Métropole et réceptionnés à Nouméa.
Un "mécanisme de blanchiment"
Les enquêteurs ont surtout mis au jour "un mécanisme de blanchiment" puisque "les sommes d’argent provenant de la vente de la drogue étaient injectées dans l’activité de la société au sein de laquelle était stockée la drogue, avec la complicité du gérant qui payait certains de ses fournisseurs ou s’octroyait un salaire", détaille le procureur de la République. Le fournisseur de la cocaïne, domicilié en Métropole, "recevait également des sommes présentées sous forme de salaires".
Une fois les trois suspects déférés au palais de justice, le parquet a décidé de les convoquer dans le cadre d’une comparution à délai différé. Ils seront jugés la semaine prochaine devant le tribunal correctionnel de Nouméa. Dans l’attente du procès, celui qui apparait comme l’organisateur principal de ce trafic, un chef d’entreprise d’une cinquantaine d’années, a été placé en détention provisoire au Camp-Est.
Condamné en 2021 pour fraude fiscale, il a formulé une demande de mise en liberté qui a été refusée par la cour d’appel de Nouméa. C’est donc entouré d’une escorte policière qu’il sera traduit devant la justice. Les trois trafiquants présumés risquent une peine de dix ans de prison et une forte amende douanière.
Multiplication des saisies
"Les douaniers ont réalisé un excellent travail de détection et de suivi dans le cadre de la procédure de ‘livraison surveillée’. Une enquête riche et de qualité a ensuite été menée par les policiers pour faire la lumière sur cette organisation", salue le procureur Yves Dupas.
Ce n’est pas la première fois que les douaniers interceptent des colis bourrés de drogue. Les trafiquants ont toujours privilégié la voie postale pour acheminer la marchandise jusqu’ici, espérant qu’elle passe inaperçue dans le flux quotidien du fret postal. Le phénomène semble prendre de l’ampleur depuis quelque temps : entre 2021 et 2022, les saisies de drogues de synthèse ont été multipliées par dix par les douaniers.
Dernièrement, en février, un kilo de cocaïne quasi-pure avait été découvert caché dans une enceinte portable et intercepté par les douaniers. La plus importante saisie jamais réalisée sur le Caillou.