Crise en Nouvelle-Calédonie : après la mort d’un jeune tué par balle à Kaméré, l’affaire classée sans suite

Tribunal de première instance de Nouméa.
Menacé à son domicile de Kaméré en juin, pendant les émeutes, un habitant avait tiré mortellement sur un jeune de 23 ans. Le parquet a conclu à la légitime défense.

Le bilan des émeutes en Nouvelle-Calédonie compte officiellement une quatorzième victime. Même si le décès remonte à plusieurs mois, les investigations des enquêteurs permettent de comprendre aujourd'hui les circonstances de ce drame.

Dans la nuit du 23 au 24 juin, un jeune homme âgé de 23 ans avait succombé à ses blessures, après plusieurs tirs par arme à feu dans le quartier de Kaméré, à Nouméa. Contrairement aux rumeurs qui avaient circulé sur les réseaux sociaux, ce décès "n’était ni le fait des forces de l’ordre, ni les suites de l’action d’une milice", souligne Yves Dupas, le procureur de la République, dans un communiqué envoyé ce vendredi soir. 

L'enquête s'est vite reportée sur un résident de la route de la Baie-des-dames, à Kaméré, qui a reconnu avoir tiré à cinq reprises sur des personnes introduites dans son domicile, pendant les émeutes. Six mois plus tard, le parquet vient de décider de classer sans suite cette procédure, "au motif qu’il s’agit d’une action de légitime défense", annonce le procureur.


Blessé au ventre

Ce soir-là, le propriétaire des lieux avait alerté la police de la présence d'"une trentaine d'individus qui se trouvaient autour de sa maison, en le menaçant de le tuer ainsi que sa famille et d'incendier son habitation", précise le ministère public. Cet habitant "qui se trouvait dans un état de grande panique", ajoute le communiqué, a fait usage d'une carabine 22 long rifle "pour repousser ses agresseurs".

Un jeune de 23 ans, qui se trouvait sur les lieux, a été blessé au bas-ventre. D'abord conduit au domicile de ses parents, il a ensuite été transporté au Médipôle, où il est décédé peu après 2 heures du matin.

Sa famille avait appelé les secours en raison de l'état de détresse respiratoire de leur fils. Mais l'autopsie a révélé que le jeune homme était décédé des suites d'une hémorragie "compatible avec une blessure provoquée par une arme à feu".


Maison incendiée

Or, le projectile extrait du corps "correspond au type de munitions et à l’arme utilisée par le propriétaire des lieux", indique le parquet. À son domicile, les enquêteurs avaient découvert trois étuis de calibre 22 LR dans deux chambres de la maison. L’arme utilisée a fait l'objet d'une expertise balistique.

Au cours des auditions, le propriétaire des lieux a expliqué avoir tiré cinq coups de feu "pour provoquer la fuite des assaillants dont trois d’entre eux s’étaient introduits dans l’une des chambres, menaçant directement sa famille et lui-même."

Le ministère public précise, qu'en plus des menaces, l'homme avait été visé par une grosse pierre et un pot de fleurs. Il a également déclaré avoir "tiré dans l’obscurité et plutôt en hauteur sans chercher à viser une personne, dans un contexte de crainte majeure pour leur vie". Son habitation a été incendiée six jours plus tard.

"Tuez-les tous"

Plusieurs témoignages, recueillis par les enquêteurs, et un enregistrement vidéo réalisé par les voisins semblent conforter la version de cet habitant de Kaméré. Selon le procureur, ils mettent en évidence un contexte de violences et de menaces très graves visant la famille des victimes. Des propos tels que "tuez-les tous, entrez dans les maisons, sortez les bâtards de blancs, tuez-les, tuez ce sale chien...", ont été proférés par les assaillants, selon le parquet.

Après plusieurs mois de procédure, le ministère public a estimé que la riposte du propriétaire des lieux était "proportionnée à la gravité de la menace pesant sur deux membres de sa famille et lui-même, vu le contexte avéré de péril de mort". Il estime par conséquent que "la responsabilité pénale de l’occupant des lieux ne peut être engagée pour les violences exercées dans ce contexte de légitime défense".

Le procureur précise que les parents du jeune homme décédé ont été informés de la décision de classement sans suite et qu'elle leur a été "expliqué[e]". 


Un mineur poursuivi pour violences

Parallèlement à cette procédure, une autre enquête a été ouverte concernant les violences commises sur le propriétaire des lieux et sa famille, les menaces de mort, mais aussi le vol en réunion avec dégradation et l'incendie de la maison.

Un mineur de 17 ans, domicilié à la vallée des Colons, a été arrêté. Il a reconnu avoir participé à cette agression mais il nie avoir mis le feu au domicile. Il a également confirmé "que le jeune homme de 23 ans se trouvait bien avec lui et qu’après trois coups de feu tirés par l’occupant des lieux, les assaillants s’étaient enfuis", précise la justice. 

Ce mineur comparaîtra devant le tribunal pour enfants en janvier 2025. Il restera en détention provisoire jusqu’à la date de l’audience. D'autres auteurs de cette scène de violence restent à identifier, précise le procureur de la République.