Province Sud : lumière sur une "très bonne santé financière"

Débat d'orientation budgétaire par l'assemblée provinciale Sud, le 9 novembre 2023. Suivra l'examen du budget primitif 2024.
Eclairer les élus sur le futur budget de la province Sud, avant de le voter, c’est le sens du débat qui s’est tenu à Nouméa jeudi 9 novembre. Si la situation financière de la collectivité apparaît rassurante, la conjoncture et les perspectives incitent à la prudence. Explications.

Voilà une séance budgétaire où il n’a pas été question de caisses vides. Le débat d’orientation budgétaire tenu jeudi 9 novembre en assemblée provinciale Sud a plutôt mis en lumière "une très bonne santé financière", selon l'expression de la majorité.

Une épargne "atypique"

Elle s'évalue grâce à une série d'indicateurs. Comme la notion d'épargne, qui mesure la capacité à dégager des ressources propres de fonctionnement. Descendue à 1,75 milliard en 2019, l'épargne de la province Sud est estimée, fin 2023, à quasiment neuf milliards de francs Pacifique, qualifiée d'"atypique", et nourrie par des rentrées fiscales exceptionnelles.

Une réserve conséquente à disposition

Autre ratio scruté, le fonds de roulement. Soit la réserve disponible pour financer les futurs investissements et couvrir les frais de gestion courante. Comme le règlement des factures aux entreprises. Alors qu'il était de trois jours en 2019, il devrait se maintenir fin 2023 à soixante jours de dépense. "La reconstitution du fonds de roulement nous permet de garder des délais de paiement optimisés, analyse la Maison bleue, et ainsi ne pas pénaliser le monde économique". Citons encore l'endettement, contenu et estimé à 22,43 milliards pour 2023 (contre 25 l'an dernier). Avec un taux d'endettement ramené de 52,5 % à 44,5 %.

Si la province en est là aujourd'hui, c'est parce qu'on a décidé de faire des économies en fonctionnement qui nous permettent de continuer à investir.

Sonia Backès, présidente de la province Sud 

Onze milliards d'investissement

“On a la satisfaction d'avoir réussi, grâce aux efforts de gestion, de maîtrise de la masse salariale, à pérenniser la capacité d'épargne”, se félicite ainsi l’exécutif, par exemple à travers Philippe Blaise. “La province a à peu près le même niveau de recettes de fonctionnement que le gouvernement. Mais aujourd'hui, elle est capable d'investir 13,7 milliards dans l'économie locale. 11 milliards en net si on enlève les remboursements d'emprunt. Ce qui fait de nous le principal opérateur, quasiment deux fois plus que le gouvernement, pour soutenir l'activité économique, les emplois du BTP et les aides pour les entreprises.”

"Au prix d'efforts considérables"

Le fruit "d’efforts considérables, pas toujours agréables pour les directions". Les recettes de fonctionnement 2023 sont estimées à 50,35 milliards (contre 47,86 milliards en 2022). Côté dépenses de fonctionnement, elles sont évaluées à 41,35 milliards, alors qu'elles étaient de 39,36 milliards en 2022. Car malgré les efforts, la masse salariale de la province Sud a grimpé de 2,7 %. Une croissance, expliquent les services, notamment liée à l'augmentation des cotisations à la Caisse locale de retraites et à celle du point d'indice pour les fonctionnaires. La part interventions et subventions marque aussi une hausse, de 4,8 %.

Le gouvernement critiqué pour "l'instabilité" de ses prévisions

La collectivité Nouvelle-Calédonie en général, et le gouvernement Mapou en particulier, ne sont pas épargnés, durant cette séance. "Théoriquement, on a des ratios qui sont très favorables, pose Sonia Backès. Sauf qu'en réalité, on a une instabilité très forte, d'une part des prévisions, d'autre part des versements, en fonction de la situation de la Nouvelle-Calédonie." 

Les ressources financières qui permettent à la province de faire fonctionner ses services proviennent en particulier des rentrées fiscales reventilées aux différentes collectivités. Et l'an dernier, le rendement a été bien meilleur que prévu. "Ces réajustements ont été faits au dernier moment, donc n'ont pas pu être transcrits dans le budget supplémentaire, déplore Philippe Blaise. Cette incapacité du gouvernement à nous donner des prévisions sur lesquelles nous pouvons construire un budget pénalise l'action provinciale. C’est de l’argent qui a été perdu pour l’exercice, pas que l’investissement, mais les aides au fonctionnement du monde associatif, de la recherche…"  

"Boulet au pied"

Sans surprise, la clef de répartition, qualifiée de "boulet au pied" revient dans les discussions. On rappelle que les dotations distribuées par la Nouvelle-Calédonie aux provinces ont été volontairement déséquilibrées, dans un but historique de rééquilibrage vers le Nord et les Îles. Le montant ne correspondait pas à la proportion d'habitants quand les deux-tiers des Calédoniens vivaient dans le Sud. La situation perdure alors qu'ils y sont désormais trois sur quatre, et c'est qualifié d'"injuste". Un délicat sujet mis sur la table par les non indépendantistes dans le cadre des discussions actuelles sur l'avenir institutionnel. "Il est temps que l'on puisse rééquilibrer le rééquilibrage", dixit Philippe Blaise. 
 

"Il faut être attentif", réagit Calédonie ensemble

Réaction de l'opposition à ce débat ? "Par rapport à d'autres collectivités, je pense notamment à la Nouvelle-Calédonie ou à nos comptes sociaux, la situation de la province Sud est bien meilleure", reconnaît Philippe Michel, le chef de groupe Calédonie ensemble. "Il n'empêche qu'il y a des sujets sur lesquels il faut être attentif.” En écho aux débats, il évoque pêle-mêle “la remontée des taux d’intérêt, l’impact de l’inflation mondiale sur le coût des matières premières, les augmentations de personnel, de charges salariales, auxquelles on va devoir faire face pour le sauvetage de la CLR [Caisse locale de retraites], l’augmentation du point d’indice [pour les fonctionnaires territoriaux]… Tout ça va réduire la marge de manœuvre de la province Sud.”

L'Éveil océanien "pas d'accord sur les orientations"

"La collectivité connaît une sécurité financière, par rapport à d'autres collectivités”, renchérit Petelo Sao, chef de groupe Eveil océanien. “Là où on n’est pas d’accord, c’est sur les orientations par rapport à ce budget. Il ne faut pas insister sur les difficultés, mais plutôt essayer de donner de l’espoir. En investissant, en donnant une ligne de conduite pour le milieu économique, de façon à redynamiser et faire la relance économique tant espérée." Un élu qui a évoqué les chantiers d'insertion et le sujet d'une rénovation urbaine. 

Synthèse par Stéphanie Chenais et Christian Favennec

©nouvellecaledonie