PORTRAIT. Foire de Thio : Calixte Ourignat, un sculpteur dans le sillage des anciens

Calixte Ourignat, dans son atelier de sculpture à Thio.
Alors que Thio retrouve sa foire ce week-end des 22 et 23 juillet, gros plan sur des habitants qui participeront à la trente-quatrième édition. Au village culturel, le sculpteur Calixte Ourignat présentera des chambranles et des flèches faîtières, qu’il façonne avec passion depuis de nombreuses années. [1/3]

C'est un petit atelier en tôles, non loin du village de Thio, entouré de pieds de vanille, d'un poulailler et d'un parc à cochon. D'entrée, on repère Calixte Ourignat au bruit du marteau qui tape sur le ciseau à bois. Ici, tout ou presque est fait maison. Comme cette herminette, un outil en forme de hache, héritée des "vieux". "Les manches, c'est moi qui les ai faits. Mais les lames, c'était les anciens, quand ils étaient à la mine. Travailler avec ces vieux outils, ça me donne de la force et ça m'inspire."

Seule exception, ces quelques ciseaux achetés à Palau, en Micronésie. "J'en profite quand je voyage parce que c'est moins cher dans les autres pays." 

Calixte Ourignat a récupéré les lames en fer des anciens, qui travaillaient à la mine, et fabriqué des manches en bois.


Casse-têtes pour les mariages

Ce matin-là, Calixte Ourignat s'attèle à la fabrication d'un petit chambranle, cette sculpture "qui protège la case devant la maison". "C'est pour chasser le mauvais esprit. Les Mélanésiens, on est comme ça, plaisante-t-il. Il y a toujours les mauvais esprits." Pas besoin de croquis, il sculpte à l'inspiration. Comme ces motifs géométriques, qui représentent le clan de la mer, avec le vent et les filets à poissons.

Dans son atelier, les pièces s'accumulent à quelques jours de la Foire de Thio. Ici, des flèches faîtières pour son stand. Là, des casse-têtes pour le mariage de sa cousine, au mois d'août. "Dans la coutume, cela symbolise le guerrier. On essaie de refaire à la façon dont nos anciens faisaient les coutumes de mariage entre les clans". 

Fabrication d'un petit chambranle.


Une pirogue en construction

Les variétés de bois qu'il façonne sont multiples : du houp, du cœur de mimosa, du tamanou de montagne, aussi appelé "pera" en xâragùrè, la langue parlée à sa tribu natale de Borindi. Située à une quarantaine de kilomètres du village de Thio, elle fut longtemps très isolée. "Il n'y avait pas de route avant. Il y avait juste la pirogue", se souvient le sculpteur quinquagénaire. "Je suis le dernier à avoir construit une pirogue au milieu des années 1980 avec les anciens. Je suis parti avec eux au Festival des arts du Pacifique à Rarotonga", aux îles Cook.

Au musée de Thio, Calixte Ourignat s'est lancé dans la construction d'une pirogue, avec des élèves de la commune. Une tradition qu'il continue de transmettre, pour maintenir vivant le savoir-faire des anciens et laisser une trace. "C'est comme ça que je vois ma vie sur Terre." 

Un reportage en ambiance à écouter ici.