Un trafic de cocaïne avec recours à une "mule" démantelé en Nouvelle-Calédonie

Information retentissante, ce jeudi soir. Le procureur révèle le démantèlement d'un réseau qui a permis de faire entrer en Nouvelle-Calédonie de la cocaïne sous forme liquide, en provenance des Pays-bas. Transportée par un passager, elle était retransformée, raconte-t-il, et revendue à des consommateurs entre le Mont-Dore et Nouméa. Une femme et deux hommes ont été placés en détention en attendant leur procès début décembre. Un quatrième est sous contrôle judiciaire.

Pas tous les jours, qu'il est question de cocaïne liquide dans un fait divers calédonien. Ni de mule. Comprenez, un voyageur qui transporte sur lui de la drogue pour la faire entrer dans le pays. En l'occurrence de la cocaïne importée des Pays-Bas, puis revendue à des consommateurs au Mont-Dore et à Nouméa. C'est pourtant l'histoire que raconte le procureur dans un communiqué diffusé ce jeudi soir. Yves Dupas y annonce le démantèlement d'un réseau de trafic de drogue. Le résultat d'une enquête menée par la police nationale avec les douanes. 

L'information

12 mai 2023, la direction territoriale de la PN, et plus précisément son unité de lutte contre les stupéfiants, reçoit un renseignement. Il porte sur un trafic de cocaïne, importée d’Europe sous forme liquide, par un couple domicilié au Mont-Dore. Des habitants susceptibles de pouvoir fournir une vingtaine de consommateurs, de manière régulière et depuis plusieurs années.

La surveillance et les écoutes

Toujours d'après le récit du procureur, les investigations menées à travers "de multiples opérations de surveillance physique et d’interceptions téléphoniques" permettent "d’établir la participation centrale du couple. Une femme âgée de 61 ans et son concubin, âgé de 48 ans, consommateurs l’un et l’autre principalement de cocaïne, qui, pour financer leur consommation ancienne et importante, se livraient à des reventes au sein du réseau local développé entre le Mont-Dore et Nouméa."

La prise

19 octobre, cinq mois après, à l’aéroport international de la Tontouta. Contrôle des passagers en provenance de Paris. Les services des douanes examinent les bagages de la femme mise en cause dans l'enquête, et d’un homme de 40 ans. Celui-ci est "en possession d’un gramme de cocaïne dans ses vêtements". Il a aussi, dans ses bagages, une bouteille de vin blanc, poursuit Yves Dupas. Le liquide dégage une forte odeur d’ammoniac. Il se révèle "positif au dépistage de la cocaïne". Quant à la sexagénaire, elle "transportait in corpore une bombonne de 30 grammes de cocaïne et 5 parachutes d’héroïne (six grammes, destinés à sa consommation personnelle)".

Les interpellations

Après retenue douanière, placement en garde à vue des deux passagers. En parallèle, les enquêteurs interpellent et mettent également en garde à vue sept autres personnes. 

Il ressort de l’ensemble des actes d’enquête, notamment des auditions des mis en cause, que le couple domicilié  au Mont-Dore développait son trafic de cocaïne depuis juillet 2021, soit une période de deux années et demi, selon un mode opératoire bien établi.

Yves Dupas, procureur de la République

Le mode opératoire

La façon de procéder ? Elle, originaire de Belgique, se rend dans l’Hexagone en compagnie de l’homme âgé de 40 ans. Après un séjour à Amsterdam aux Pays-Bas, elle revient à Paris, le retrouve avant de prendre l’avion retour pour Nouméa, et lui remet la bouteille contenant la cocaïne. 

L’homme avait le rôle de mule, chargé du transport dans ses bagages de la cocaïne, en contrepartie d’une rémunération à hauteur d’un million de francs Pacifique par voyage, ses frais de transport étant aussi assurés par les commanditaires. Il recevait également quelques grammes de cocaïne pour sa consommation personnelle.

Yves Dupas

D'après le procureur, le concubin de la Mondorienne a également reconnu sa participation au trafic, et le recours à cette mule. "Il récupérait la bouteille comprenant une quantité estimée de 300 grammes de cocaïne sous forme liquide et se chargeait de sa transformation sous la forme solide, par un procédé d’évaporation en le chauffant dans une casserole."

L'argent

Le couple aurait admis avoir organisé au moins six voyages destiné à importer la drogue. Soit "une quantité totale de 1,8 kilogramme et un bénéfice total estimé à plus de huit millions de francs Pacifique. La cocaïne était revendue au prix de 30 000 francs par gramme."

Il s’agit d’une procédure significative, qui reflète un mode opératoire plutôt inédit sur le territoire. A savoir, en premier lieu, l’importation de la cocaïne sous forme liquide (procédé utilisé notamment en Europe, depuis quelques années, pour tenter d’échapper aux contrôles et mesures de dépistage ). Et en second lieu , le recours à une mule, pour assurer le transport moyennant une rémunération.

Yves Dupas

Le défèrement

22 octobre, le parquet défère quatre personnes "dans le cadre de la procédure de convocation à délai différé à l’audience correctionnelle du 5 décembre". Elle est assortie de réquisitions pour le placement en détention provisoire du couple à la tête du trafic, de l’homme assurant le transport et d’un autre "déjà mis en cause dans des faits d’acquisition de cocaïne". L'incarcération "étant sollicitée jusqu’à leur comparution à l’audience". Le juge des libertés et de la détention rend une ordonnance dans le sens de ce placement au Camp-Est, en tout cas pour le couple et l’homme qui a fait la mule. Le quatrième mis en cause est, lui, mis sous contrôle judiciaire. 

Les chefs d'accusation

Ce n'est pas tout. "L’homme et la femme à la tête dudit trafic présentaient chacun des antécédents judiciaires anciens pour des faits similaires commis en 1999 et 2001. Quant au troisième auteur présumé, mis en cause en tant que mule, il n’a jamais été condamné par la justice." 

Les faits reprochés portant sur des délits d’acquisition, détention, transport, importation et offre ou cession de stupéfiants sont punis de la peine de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 7,5 millions d'euros. Par ailleurs, les délits douaniers de détention et d’importation de produits en contrebande sont également punis d’une amende douanière d’un montant conséquent.

Yves Dupas

"Dans le cadre de cette enquête et au titre des investigations patrimoniales conduites par le groupe interministériel de recherches de Nouméa", il a été saisi un compte bancaire du couple, 5 289 euros et une Jeep Cherokee. "D’autres réponses pénales ont été notifiées aux autres personnes mises en cause dans ce réseau, notamment pour des faits d’usage de stupéfiants (composition pénale, ordonnance pénale délictuelle, convocation en justice)." 

La collaboration des services

A la lumière de cette affaire plutôt exceptionnelle en Calédonie, le procureur de la République salue "la collaboration étroite entre les services de police et les douanes ayant abouti au démantèlement de ce réseau de trafic, au moyen de la mutualisation de leurs compétences et prérogatives spécifiques". Le parquet, conclut-il, "entend poursuivre avec détermination la lutte contre les trafics de stupéfiants, qui justifie un traitement judiciaire ferme au vu des enjeux majeurs, tant en matière de santé publique pour les Calédoniens, que par rapport à l'économie souterraine alimentée par ce type d’agissements délictueux".