La crise sanitaire mondiale du Covid-19 a entrainé un "contre-choc" énergétique, mais pas de crise alimentaire, ont déclaré les économistes de Cyclope, à l’occasion de la parution de l’édition 2020 du rapport mondial des matières premières. Le nickel a souffert mais il devrait rebondir.
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L'or, le riz, le blé, le fer et le palladium en hausse, mais une trentaine d'autres matières premières qui dévissent avec le pétrole, comme l’aluminium et le platine. Deux autres matières premières s’en sortent plutôt bien, le cuivre et le nickel: l'épidémie de coronavirus a provoqué un "contre-choc" énergétique, mais pour l'heure pas de crise alimentaire, selon un rapport paru mardi.
Même si les prix négatifs du pétrole n'ont duré "que le temps d'une soirée", à la fin avril "nombre de bruts dans le monde valaient moins de 10 dollars le baril: un "contre-choc énergétique" résume-t-il.
Le pétrole a entraîné dans sa chute les biocarburants comme l'éthanol brésilien et donc le maïs et le sucre qui servent à le produire, ajoute le Cyclope.
Yves Jegourel a aussi fait valoir qu'entre le 1er janvier et le début juin, c'est le palladium et surtout le minerai de fer, dont l’Australie est le premier exportateur mondial, qui a le plus progressé, dépassant même la performance de l’or, le métal jaune. Le palladium a bénéficié de la fermeture des mines en Afrique du sud avec le confinement, le minerai de fer ainsi que le nickel étant soutenu notamment par une activité sidérurgique "plus ferme qu'anticipé" en Chine dans la production d’acier inoxydable dont ils sont des composants essentiels.
Rapport Cyclope & Nickel : résumé de la présentation d'Yves Jegourel devant la presse économique
"En 2019 et malgré une importante volatilité, le nickel a connu une bien meilleure fortune que la plupart des autres métaux de base. Le "métal du diable" a en effet vu son cours annuel moyen progresser par rapport à 2018, échappant ainsi à une morosité due aux faibles performances d’un secteur manufacturier lui même pénalisé par la poursuite de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Un événement majeur allait être à l’origine de cette dynamique haussière. L’Indonésie, premier producteur et deuxième exportateur mondial, annonçait en effet fin août que l’embargo sur ses exportations de minerai entrerait en vigueur
dès le 1er janvier 2020 et non en 2022 comme cela avait été initialement prévu. La raison d’une telle décision était simple : il s’agissait d’accélérer le développement de l’industrie métallurgique nationale en favorisant notamment la production et l’exportation de fonte de nickel. Une frénésie de métal s’est alors emparée du marché et a poussé les cours à un plus haut niveau en cinq ans, à plus de $ 18 500/t sur le London Metal Exchange (LME). Les fondamentaux ont néanmoins repris leur droit à partir de l’automne et les cours sont, peu ou prou, revenus à leur niveau de début d’année. Largement dépendant de la demande d’acier inoxydable, et donc de la Chine, le marché du nickel a de plus été très rudement éprouvé par la pandémie de Covid-19 sur les premiers mois de l’année 2020. Répondant à l’essor des véhicules électriques, la montée en puissance de l’offre de sulfate de nickel a, elle, continué d’être au coeur des stratégies des principaux producteurs, tandis que la réduction des coûts unitaires de production demeurait la norme dans un contexte de concurrence accrue largement alimentée par les exportateurs indonésiens."
Le nickel ne s’en sort pas si mal
Sa performance est en baisse de 9 % depuis le début de l’année, à cause de la récession économique et des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, mais il conserve une hausse limitée de 10 % depuis juin 2019. L’intérêt des investisseurs est dû, principalement, à la croissance attendue des véhicules électriques. "Quels sont les trois grands producteurs occidentaux de nickel ? Le Canada, la Nouvelle-Calédonie et l’Australie. Pour gagner la bataille des batteries pour les véhicules électriques, sans dépendre de la Chine, nous avons besoin des minerais et des métaux de ces trois pays," avait déjà précisé à Outre-mer La 1ere Philippe Chalmin, économiste et enseignant à l'université Paris-Dauphine, qui coordonne le rapport Cyclope.Indicateur
Au total, l'indicateur Cyclope Global produit par le Cyclope, bible annuelle des marchés mondiaux des matières premières, de l'ananas au zirconium en passant par le cacao, le brut, le coton, le beurre ou le cuivre, a baissé de 42% pendant la crise du confinement, entre le début de l'année et la fin avril, mais seulement de 10% si l'on exclut le pétrole.Le cours du GNL s'effondre
L'énergie, au sens le plus large, aura été la "principale victime" de la crise: "la chute des prix du gaz naturel, (qui est envisagé pour l’alimentation de la future usine de Doniambo en Nouvelle-Calédonie ndlr), a été tout aussi spectaculaire que celle du pétrole, et dans le sillage, le charbon, malgré le maintien des importations chinoises, a connu un net recul", note le rapport, qui en est à sa 34e édition.
Le Brésil souffre
Même si les prix négatifs du pétrole n'ont duré "que le temps d'une soirée", à la fin avril "nombre de bruts dans le monde valaient moins de 10 dollars le baril: un "contre-choc énergétique" résume-t-il.Le pétrole a entraîné dans sa chute les biocarburants comme l'éthanol brésilien et donc le maïs et le sucre qui servent à le produire, ajoute le Cyclope.
Contraste
La situation a été plus contrastée pour les autres produits alimentaires avec des prix en hausse pour le riz et le blé du fait de la crainte de manquer de la part de certains importateurs comme l'Egypte et l'Algérie, et de quelques exportateurs dans la mer Noire et en Asie. En revanche, les cours des viandes et des produits laitiers ont subi des pressions baissières. "Il y a dans la crise de 2020 nombre de caractéristiques qui renvoient non pas à 2008, mais à 1974", dans la foulée du premier choc pétrolier, ajoute le CyclOpe.Fin de la mondialisation heureuse
Alors que 1974 avait annoncé la fin des "Trente Glorieuses", "je me demande si 2020 n'aura pas annoncé la fin des Trente Glorieuses de la mondialisation heureuse" démarrées au début des années 1990, a poursuivi l'économiste Philippe Chalmin. "Il y a eu au début du confinement tout un discours sur un risque de crise alimentaire mondiale que franchement nous n'avons pas eue en dépit de quelques tensions sur le riz ou le blé", a ajouté M. Chalmin au cours d'une conférence de presse mardi. "La crise n'a pas eu tant d'impact que cela sur les commodités (les matières premières, ndlr) si ce n'est d'avoir mis en évidence certaines fragilités du monde du négoce international" a-t-il ajouté, en prédisant néanmoins "des perspectives particulièrement négatives" sur le marché mondial du maïs. La raison de cette fragilité est plutôt liée à la chute des cours du pétrole, et à la perte de débouchés des biocarburants: un tiers du maïs produit aux Etats-Unis sert à produire de l'éthanol, et les emblavements (surfaces semées en maïs) ont augmenté cette année, avec des récoltes qui s'annoncent importantes sauf sécheresse, a fait valoir l'économiste.Perspectives
Sur les "éléments structurants pour les mois à venir", Yves Jegourel, professeur de finance internationale à l'université de Bordeaux et également coordinateur du rapport, a prédit "une guerre de l'aluminium bas carbone", qui pourrait se traduire aussi dans les domaines de l'acier ou des engrais. En revanche, et malgré la crise du Covid-19, l’intérêt des investisseurs pour le nickel ne faiblit pas, en raison de son utilisation importante dans la fabrication des batteries pour les véhicules électriques.Yves Jegourel a aussi fait valoir qu'entre le 1er janvier et le début juin, c'est le palladium et surtout le minerai de fer, dont l’Australie est le premier exportateur mondial, qui a le plus progressé, dépassant même la performance de l’or, le métal jaune. Le palladium a bénéficié de la fermeture des mines en Afrique du sud avec le confinement, le minerai de fer ainsi que le nickel étant soutenu notamment par une activité sidérurgique "plus ferme qu'anticipé" en Chine dans la production d’acier inoxydable dont ils sont des composants essentiels.
Rapport Cyclope & Nickel : résumé de la présentation d'Yves Jegourel devant la presse économique
"En 2019 et malgré une importante volatilité, le nickel a connu une bien meilleure fortune que la plupart des autres métaux de base. Le "métal du diable" a en effet vu son cours annuel moyen progresser par rapport à 2018, échappant ainsi à une morosité due aux faibles performances d’un secteur manufacturier lui même pénalisé par la poursuite de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Un événement majeur allait être à l’origine de cette dynamique haussière. L’Indonésie, premier producteur et deuxième exportateur mondial, annonçait en effet fin août que l’embargo sur ses exportations de minerai entrerait en vigueur
dès le 1er janvier 2020 et non en 2022 comme cela avait été initialement prévu. La raison d’une telle décision était simple : il s’agissait d’accélérer le développement de l’industrie métallurgique nationale en favorisant notamment la production et l’exportation de fonte de nickel. Une frénésie de métal s’est alors emparée du marché et a poussé les cours à un plus haut niveau en cinq ans, à plus de $ 18 500/t sur le London Metal Exchange (LME). Les fondamentaux ont néanmoins repris leur droit à partir de l’automne et les cours sont, peu ou prou, revenus à leur niveau de début d’année. Largement dépendant de la demande d’acier inoxydable, et donc de la Chine, le marché du nickel a de plus été très rudement éprouvé par la pandémie de Covid-19 sur les premiers mois de l’année 2020. Répondant à l’essor des véhicules électriques, la montée en puissance de l’offre de sulfate de nickel a, elle, continué d’être au coeur des stratégies des principaux producteurs, tandis que la réduction des coûts unitaires de production demeurait la norme dans un contexte de concurrence accrue largement alimentée par les exportateurs indonésiens."