Un peu timide au premier abord, mais sûr de vouloir parler de son engagement associatif, Nicolas Saihuliwa dit "Nico" n'a pas hésité à se rendre utile depuis plusieurs semaines. "L'idée est venue des gens de ma famille, mon frère, ma belle-sœur et des amis. Ils se sont réveillés un matin et se sont rendus compte qu'il y avait des gens dans le besoin autour de chez eux, à Kaméré", raconte le jeune homme de 22 ans.
Dans ce quartier de Nouméa, le supermarché a brûlé et désormais, pour faire ses courses, il faut une voiture. "C'est vraiment loin, il y a plein de personnes âgées qui ont des difficultés à se déplacer, ils vivent seuls, ça, ça m'a un peu figé !" Sans se poser de questions, il quitte son appartement du 4e Km où il vit avec son père, pour rejoindre son frère à Kaméré afin de l'aider.
"Il ne faut pas oublier que, depuis les évènements, les gens ne vont pas bien. Ils ont besoin de réponses, on essaye de faire un pas en avant, pour rentrer dans ce côté psychologique. On apporte à manger et du réconfort", explique-t-il.
100 "poches" de dons alimentaires distribuées en deux semaines
Pour les dons alimentaires ou pour en bénéficier, le principe est simple : les personnes appellent pour déposer des dons. Et un autre numéro permet de récupérer les sacs remplis d'aliments (909-909). Deux véhicules de la famille et des amis de Nico s'occupent de la distribution tout au long de la journée dans les différents quartiers de Kaméré, Tindu et Ducos. Il fait également partie de l'association Solidarité presqu'île Ducos qui est déjà organisée pour le don alimentaire. En un peu plus de deux semaines, près de 100 "poches" ont été distribuées !
Une fois, pendant sa tournée journalière, Nico eu le "cœur pincé" par une mamie qui vit à Kaméré. "On est arrivé pour lui livrer sa poche d’alimentation, la mamie était en difficulté pour se déplacer. Son mari ne pouvait pas sortir, obligé de rester au lit. Mon grand frère a créé une atmosphère de détente et la grand-mère nous a avoué qu’elle avait un cancer. C’était la première livraison de la journée, j'étais plein d'énergie et en fait, ça a été très dur d'entendre ça."
Afin de faire connaître leurs actions, Nico a fait une vidéo qui a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux. "Ce qui m'a poussé à faire cette vidéo, c'est de dire aux gens que tous les jeunes Kanak ne foutent pas le bordel, il y en a qui veulent aussi s’en sortir, construire un beau pays." Egalement danseur de breakdance dans une troupe, Nico avoue avoir eu des moments "un peu chaud" quand il était au collège et au lycée. Mais grâce à la danse, il a su "retrouver un cadre". "Avec la Wolf family [la troupe de danse], j'ai pu construire ma zone de confort", confie-t-il.
"Les jeunes sont tous différents"
Au-delà de son action, il pousse un cri du cœur pour tous les jeunes : "On nous dit que c’est nous l’avenir du pays, mais on n’a jamais l’opportunité de le faire, on n’a jamais assez de temps pour se développer. Aussi, les jeunes sont tous différents, dans les façons de penser, d’agir, d’être !"
Le jeune homme se revendique comme Kanak-métis du côté de sa maman. "Nous, dans les quartiers populaires, on est déjà dans le vivre ensemble depuis des décennies. Mon voisin il est Wallisien. L'autre, Javanais, il y a aussi des Vanuatais…" Patenté dans l'événementiel, il va retourner travailler quand il le pourra. Mais il aimerait continuer d'œuvrer pour les quartiers : "Je ne pense pas pour moi, je pense au bonheur des autres. On va essayer de créer de nouveaux concepts, toujours gratuits", dévoile-t-il dans un sourire.
"Beaucoup de gens ont besoin de discuter"
Nico réfléchit à l'avenir constamment. Ils invitent les politiques des deux camps, indépendantistes et non-indépendantistes, à venir rencontrer les habitants des quartiers populaires. "Des familles ont besoin de réponses. Ils ne sont pas bien, ils ne sont pas tranquilles. Beaucoup de gens ont besoin de discuter." Mais Nico ne se sent "pas serein" quant au futur du pays : "Je vais reprendre mon travail mais il y a toujours le problème de notre pays. Il faut résoudre cette affaire". Aujourd'hui, une seule chose lui fait du bien : venir en aide aux autres.