C’est un prévenu connu du microcosme politique qui s'est présenté à la barre du tribunal correctionnel de Nouméa, ce mardi 25 octobre. Joël Carnicelli, 54 ans, et maire de la commune de Ouegoa de 2011 à 2014 (Union citoyenne), comparaissait dans une affaire de violences sous la menace d'une arme, sans incapacité de travail.
Il lui est reproché d’avoir menacé une amie de la famille et sa mère avec deux sabres dans chaque main, le 2 septembre dernier, au domicile familial.
Une personnalité "imprévisible"
Le prévenu est décrit par de nombreux membres de sa famille comme un homme « imprévisible », habitué aux hospitalisations psychiatriques (six, au total, depuis 2021) et instable psychologiquement. Un témoin évoque le fait que le prévenu ne prend pas son traitement médical, depuis sa dernière hospitalisation, l’an dernier.
Les incohérences du prévenu, dans ses déclarations, sont d’ailleurs mises en évidence par la juge, pendant l’audience. Les propos qu’il a tenus pendant sa garde à vue diffèrent de son témoignage, livré ce mardi matin, à la barre.
« Délire paranoïaque et paranoïde »
La ligne de défense de Joël Carnicelli est claire. Il ne voulait pas faire de mal à sa mère, affirme-t-il, avant d’expliquer que ce sont ses proches qui lui veulent du mal. « Tout le monde veut penser à ma place. Je veux vivre dans mon coin, sans pression », réclame le prévenu. Avant d’ajouter : « je veux aller vivre sur un îlot, je suis fière de mon indépendance ».
Selon l’expertise psychiatrique, la personnalité du prévenu est complexe. Habitué à consommer du cannabis, le quinquagénaire souffre d’un trouble caractériel qui le rend colérique. Une psychose délirante aiguë, provoquée par des facteurs de stress, dû à la cohabitation familiale. Sa mère et son neveu apparaissent comme les principales cibles de sa colère. Sa mère, parce qu’elle vit à ses crochets, selon lui. Son neveu, parce qu’il vit avec l’ancienne concubine du prévenu.
Des antécédents judiciaires
Le casier judiciaire de l’ancien maire de Ouégoa présente cinq condamnations, dont une affaire de braconnage en 2014, sur le Diahot. Mais l’ancien édile n’a jamais été en détention jusque-là.
Le ministère public évoque les sept coups de sabre donnés par le prévenu lors des faits, en septembre. Et pointe du doigt le fait que le psychiatre ne décèle aujourd’hui aucune abolition du discernement. « C’est le milieu familial qui le fait disjoncter. Il y a un réel risque de violences au contact de ses proches », estime le magistrat. Le ministère public requiert douze mois de prison pour sanctionner les violences, dont six assortis d’un sursis probatoire de deux ans, sans aménagement de peine.
Une défense offensive
Du côté de la défense, on s’étonne des conclusions psychiatriques. « Le prévenu ne va pas bien, il s’est fait interner pour ça », rappelle son avocate Me Alexe-Sandra Vu. « Son esprit est embrumé, il souffre d’une pathologie sous-jacente, contrairement à ce que dit l’expertise psychiatrique. »
Si la défense s’accorde à dire qu’« il faut prévenir toute réitération de violences", elle estime que "le maintien en détention est rude et n’est pas une solution". Le prévenu, lui, en appelle « aux droits des hommes" et juge "intolérable d’être maintenu en prison ».
Après délibération, le tribunal reconnaît le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés, il suit les réquisitions du ministère public. Joël Carnicelli est condamné à 12 mois de prison, dont 6 assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, sans aménagement de peine.
Hommage après la mort d’une juge en Métropole
Hormis les comparutions immédiates, toutes les autres affaires qui devaient être jugées ce mardi, en correctionnelle, à Nouméa, ont été renvoyées à des dates ultérieures. Une manière, pour le président du tribunal, de marquer le coup, après le décès d’une magistrate en pleine audience, il y a une semaine.
Marie Truchet, 44 ans, a succombé à une crise cardiaque alors qu’elle présidait une audience en comparution immédiate à Nanterre, en banlieue parisienne. Cette juge était très investie dans les actions dénonçant le manque de magistrats dans sa juridiction. Une enquête en recherche des causes de la mort a été ouverte.
Ce 25 octobre, les deux principaux syndicats de la magistrature ont lancé un appel national pour observer une minute de silence à la mémoire de leur collègue. L’ajournement de certaines affaires est laissé à la libre appréciation des présidents d’audience.