Alors que l'hiver de la France et de l'Europe s'annonce plus froid que les précédents, la Polynésie est, elle, à l'abri d'une pénurie. C'est ce qu'assure le président-directeur général de Gaz de Tahiti, Georges Siu. L'approvisionnement du gaz en Polynésie et son prix n'est pas relié à celui d'Europe, mais une hausse est quand même constatée au fenua. Explications.
Est-ce qu'il y a un risque de pénurie de gaz en Polynésie ?
Georges Siu :
"Ce n'est pas le même gaz. Le gaz de Russie c'est du gaz naturel. Il se transporte par réseaux de pipelines de très gros diamètre et de fortes pressions. Ils traversent des villes entières, des pays entiers jusqu'en Allemagne et en France. Or, ce que nous consommons ici en Polynésie, c'est du butane et du propane, issus de gaz naturel à 70%, mais aussi de pétrole brut raffiné. Notre source d'approvisionnement c'est plutôt l'Australie. Ce pays a d'énormes gisements de gaz naturele.
Comment se déroule la chaîne d'approvisionnement depuis l'Australie jusqu'en Polynésie ?
GS : "Notre société a un contrat d'approvisionnement avec une société qui s'appelle Geogaz. C'est un trader mondial qui assure la disponibilité en gaz auprès de producteurs australiens. Ensuite à partir de l'Australie, nous avons deux navires qui approvisionnent toute l'Océanie : la Calédonie, les Fidji etc. Ce méthanier / butanier vient en Polynésie tous les 42 jours".
Quelle quantité de gaz est livrée tous les 42 jours ?
GS :« Ça dépend du produit. Nos livraisons sont de l'ordre de 600 à 900 tonnes. Pour l'année, nous avons une consommation de 10 000 tonnes, les deux produits confondus. Ce gaz est destiné à quelques industriels de Tahiti, il n'y en a pas beaucoup, et surtout aux particuliers. Toutes les bonbonnes de gaz qu'on voit circuler vont dans les foyers. »
Est-ce que c'est suffisant ?
GS : « Largement. Nous avons même la possibilité de répondre à des besoins de production de vapeur. L'avantage du gaz, c'est que c'est un combustible à faible teneur en carbone. La production du gaz n'émet pas non plus de particules, sinon on ne ferait pas la cuisine avec. »
Quelle est la tendance du prix du gaz en Polynésie ?
GS : « Nous avons plutôt constaté une stabilisation mais la tendance est quand même à la hausse. C'est le transport qui est le facteur prédominant puisque les produits pétroliers qui servent à propulser les navires sont très très coûteux et nous avons d'ailleurs constaté un prix du fret supérieur au prix du produit lors de la dernière livraison. Moi, de ma carrière en 46 ans, je n'avais jamais vu ça encore. »
Est-ce qu'il faut s'attendre à une nouvelle augmentation ?
GS : « Je vous avoue qu'une prochaine augmentation est nécessaire parce que le fonds de régulation qui nous permet de stabiliser le prix ne nous permet pas de couvrir toutes les augmentations de nos précédentes cargaisons. Pour moi le FRPH (fonds de régulation et de péréquation des hydrocarbures) n'est plus adapté. À un moment donné, le fonds s'épuise. Il faudra bien chercher quelque chose et il n'y a que les taxes.
Vous envisagez d'investir dans une nouvelle sphère de stockage...
GS : « Nous en tant qu'industriels, on voit les choses en termes d'approvisionnement et d'économies pour la collectivité polynésienne. Il faut savoir que la Polynésie est le dernier maillon de l'approvisionnement du Pacifique. Ce projet de construction de sphère de 5 500 mètres cube [...] pourrait recevoir la totalité d'une cargaison du navire et pour le futur pourquoi pas d'une production électrique. Le terminal pourrait ainsi assurer près de 24 000 tonnes de gaz par an ce qui nous donne une grande capacité. Mais à l'heure actuelle on a un matelas de réserve largement suffisant. Il ne faut pas s'inquiéter. »
Pourquoi est-ce que vous déconseillez de stocker le gaz à domicile ?
GS : « Le phénomène est le même en France et en Calédonie. Je pense que lors du confinement dernier les gens ont consigné beaucoup de bouteilles et qu'ils ont plus cuisiné à la maison. La demande s'est faite sentir et notre production a été quelque peu déstabilisée au niveau de la livraison. Je demande aux usagers de ne pas s'inquiéter de la disponibilité des bouteilles, mais plutôt de ramener les bouteilles qui traînent dans les garages et qui ne sont pas utiles. Nous sortons près de 3 000 bouteilles par jour. Nous avons un petit matelas de 6 à 7 000 bouteilles au centre. Soyez rassurés il y aura toujours des bouteilles et du gaz, mais si les bouteilles traînent dans les garages, le gaz ne peut pas aller dans les stations-service. »