Australie : la publicité qui dérange

La publicité de la Fédération australienne de la viande crée la polémique.
Pour l'Australia Day, une publicité incite à manger de l'agneau. Mais la Fédération de la viande revisite la colonisation de l'Australie : une ambiance bon enfant, des Aborigènes accueillants autour d'un barbecue auquel se joint les vagues successives de colons. Le spot crée le malaise dans le pays.
Chaque année, la fédération de la viande et du bétail (Meat & Livestock Australia) diffuse un spot télévisé pour inciter les Australiens à manger de l’agneau le jour de la fête nationale (Australia Day), célébrée le 26 janvier, pour commémorer le débarquement de la première flotte de colons britanniques le 26 janvier 1788. Liée à l’épopée des colons-éleveurs, l’agneau au barbecue est devenu au fil des ans, un « plat patriotique », typiquement australien. Cette année, la publicité de Meat & Livestock Australia tente de revisiter l’histoire du pays en 3 minutes. Elle met en scène trois Aborigènes sur une plage déserte. « Nous sommes les premiers arrivés », se réjouit l’un d’entre eux, avant de demander à son compagnon d’allumer le barbecue.

Pendant que l’agneau grille, de plus en plus de gens s’invitent à la fête. Les marins hollandais, la Première flotte britannique, les explorateurs français, puis les colons allemands, chinois, puis les immigrés italiens, grecs, serbes, néo-zélandais, et enfin, les “boat-people”, un terme qui fait référence aux réfugiés récemment arrivés en Australie. Tous ces nouveaux arrivants sont présentés comme des clichés vivants – les Allemands apportent la bière, les Hollandais et les Français, leurs fromages respectifs, les Néo-Zélandais appellent tout le monde « bro », etc. La publicité se conclut sur un slogan multiculturaliste dit par une célèbre présentatrice d’émission de cuisine, d’origine malaisienne, Poh Ling Yeow: « mais nous sommes tous des boat-people! ».
 

 
Chaque année, la fédération de la viande et du bétail (Meat & Livestock Australia) diffuse un spot télévisé pour inciter les Australiens à manger de l’agneau le jour de la fête nationale (Australia Day), célébrée le 26 janvier, pour commémorer le débarquement de la Première flotte de colons britanniques le 26 janvier 1788. Lié à l’épopée des colons-éleveurs, l’agneau au barbecue est devenu au fil des ans, un « plat patriotique », typiquement australien. Cette année, la publicité de Meat & Livestock Australia tente de revisiter l’histoire du pays en 3 minutes. Elle met en scène trois Aborigènes sur une plage déserte. « Nous sommes les premiers arrivés », se réjouit l’un d’entre eux, avant de demander à son compagnon d’allumer le barbecue.
 
 

 Une brochette d’explorateurs, de colons et d’immigrés s’invitent au barbecue indigène

Pendant que l’agneau grille, de plus en plus de gens s’invitent à la fête. Les marins hollandais, la Première flotte britannique, les explorateurs français, puis les colons allemands, chinois, puis les immigrés italiens, grecs, serbes, néo-zélandais, et enfin, les “boat-people”, un terme qui fait référence aux réfugiés récemment arrivés en Australie. Tous ces nouveaux arrivants sont présentés comme des clichés vivants – les Allemands apportent la bière, les Hollandais et les Français, leurs fromages respectifs, les Néo-Zélandais appellent tout le monde « bro », etc. La publicité se conclut sur un slogan multiculturaliste dit par une célèbre présentatrice d’émission de cuisine, d’origine malaisienne, Poh Ling Yeow: « mais nous sommes tous des boat-people! ».
 
 

Une publicité sur Australia Day... qui ne cite pas Australia Day!

Cette publicité pour l’agneau à consommer le jour de la fête nationale réussit le tour de force de ne jamais citer “Australia Day”. L’expression est rejetée par une partie des Australiens, surtout indigènes, qui considèrent la commémoration de l’installation de la Première flotte britannique comme un jour de deuil. Australia Day est donc parfois appelé “Survival Day”, le jour de notre survie, ou “Invasion Day”, le jour de l’invasion. Cette année plus que jamais, la légitimité du choix du 26 janvier comme fête nationale est remise en cause, à commencer par le conseil municipal de Fremantle, près de Perth, en Australie occidentale, qui a décidé d’annuler le feu d’artifice du 26 janvier, et de le remplacer par une autre fête nationale qui n’ait pas de connotation colonialiste, le 28 janvier.

Meat & Livestock Australia a suivi la tendance, et son équipe de marketing a carrément décidé de ne pas du tout mentionner “Australia Day” dans la publicité. Une auto-censure assumée par Andrew Howie, le directeur marketing de Meat and Livestock Australia. « Nous sommes bien conscients qu’à cette époque de l’année, certains sujets culturels sont des sujets sensibles pour quelques communautés en Australie. Or l’une des valeurs de notre marque est justement d’inclure toutes les communautés. Et comme nous diffusons un slogan qui doit parler à tous les Australiens, nous devons prendre en compte les sensibilités culturelles des uns et des autres », a-t-il expliqué sur ABC. Meat & Livestock Australia explique avoir consulté plusieurs associations aborigènes tout au long de la création de ce film de pub, afin d’être sûr de ne pas heurter leur sensibilité.
 
 

« Utiliser la souffrance aborigène pour vendre de l'agneau, c'est blessant » 

Luke Pearson, le fondateur d’IndigenousX (un fil Twitter qui est animé chaque semaine par une personne différente – Aborigène ou indigène du Détroit de Torrès), s’est engagé publiquement pour la suppression de la fête nationale le 26 janvier et le choix d’une date alternative. Il n’a pas du tout apprécié le ton superficiel et humoristique de la publicité pour la viande d’agneau. « Cette pub revisite avec délectation l’histoire des 200 dernières années du pays, parce qu’apparemment, il ne se serait pas passé grand chose avant cela, qui vaille la peine d’être raconté », regrette-t-il, dans une tribune publiée sur le site du média public SBS.
 
Luke Pearson estime aussi que la pub efface sans vergogne des pans entiers de l’histoire du pays, en ce qui concerne la viande justement. « Je donnerais bien un point de bonus à cette pub pour sa précision historique, si elle avait osé dire que les Anglais injectaient le virus de la variole ou de la strychnine (un poison) dans la viande qu’ils offraient aux Aborigènes, mais j’imagine que préciser cela, distraierait les téléspectateurs de l’objectif essentiel de la pub: pousser les gens à croire que manger de la viande est un acte patriotique. » La journaliste aborigène Amy Mcquire, du peuple Darumbal, tire elle aussi à boulets rouges sur l’Australie caricaturale présentée par les marchands de viande. « Utiliser notre souffrance permanente liée à Australia Day pour faire un coup de marketing, c’est ce qu’il y a de plus blessant dans cette pub, s’indigne-t-elle sur ABC. Se servir de la souffrance aborigène pour vendre de l’agneau, surtout que des Aborigènes ont été massacrés parce qu’ils étaient accusés d’avoir volé des moutons… quelle ironie! Ça rend la pub encore plus écoeurante. »
 
 

Mais le concept de la pub plaît à beaucoup d'Australiens

Malgré ces quelques critiques au vitriol, beaucoup d’Australiens adhèrent au concept « rassembleur » de la publicité. Il a séduit des acteurs aborigènes, et toute une galerie de célébrités, de la médaillée olympique aborigène Cathy Freeman; au champion de rugby à XIII originaire du Détroit de Torrès, Wendell Sailor; en passant par le grand joueur de cricket Adam Gilchrist.  « Nous déclenchons des discussions. Nous n’avons pas l’intention d’intervenir dans ces discussions, mais nous jouons le rôle de catalysateur pour faire émerger ce débat, qui est déjà mené dans les foyers australiens, autour de la piscine ou du barbecue. Nous, on ne fait que donner une plus grande résonnance à ce débat, à l’échelle du pays », conclut Andrew Howie, le directeur marketing de Meat and Livestock Australia.