Vous n’avez pas pu ne pas le voir ou l’entendre : DJ Harmelo est un artiste très connu en Polynésie ; il était de tous les événements et sa carrière était bien lancée. Sapau, deck, appelez-là comme vous voulez, mais sa musique a déjà eu plus de trois millions d’écoutes sur Soundcloud. Le phénomène musical en Polynésie explose depuis plusieurs années. Armés de leur boombox, les jeunes envahissent terrains vagues, fonds de vallées, parkings ou boîtes de nuit pour danser en battle des pas de ‘ori tahiti, volontiers mixés à d'autre styles de danse, sur ces rythmes mixant électro, basses et sonorités traditionnelles. Difficile des les catégoriser d’ailleurs tant ces productions musicales sont relativement libres ; bien que très reconnaissables. En matière de musique sapau, il semble même qu’il y ait autant de "consommateurs" que de "créateurs" ! Tout le monde y va de son propre mix. Dès fois même du remix du mix remixé. Mais Keanu, 22 ans, n’entend pas se contenter de ce succès à l’échelle locale qu’il sait probablement éphémère. Les modes musicales sont comme le reste, elles finissent par s’essouffler si elles n’évoluent pas. Le jeune homme est donc parti en France, à Montpellier plus exactement. Il étudie à l’école "Dj network" pour se professionnaliser dans le monde du Djing, de l'animation à la production. Petite parenthèse qui fait peut être toute la différence : Keanu a 10 années d’études au Conservatoire à son actif. Solfège, piano et batterie. Un solide bagage donc pour ce musicien qui est loin d’être un amateur.
Deck, sapau : et si cette musique 100% made in fenua dépassait nos récifs ?
C’est le souhait de Keanu. "Le deck - ou sapau - est un style musical spécifique à la Polynésie qui est resté underground pendant de nombreuses années. Il a été popularisé par les Dj producteurs locaux il y a environ 3 ans, nous affirme-t-il. Ces sonorités ont un avenir certain à l’étranger, puisqu’elles ont été reprises par des Djs internationaux tels que Diplo et Major Lazer lors de leurs sets." Des petits moments de gloire restés néanmoins fortuits et confidentiels. Mais il y a quelques jours, dans un club de la région de Montpellier, Dj Harmelo a peut être allumé une mèche. Sa soirée, au rythme de la musique deck, a été un succès inouï ; "mémorable" même des dire des gérants.
"Je pense être le premier Dj Polynésien à avoir fait une tête d’affiche dans une discothèque en métropole pour une soirée deck", admet Keanu. Pour autant, cet événement musical n’est pas arrivé en claquant des doigts. "Lorsque je suis arrivé en France, je ne connaissais personne et personne ne me connaissait. J’ai dû recommencer à zéro, forcer les portes et convaincre les patrons de clubs de mes compétences. Ce n’était pas facile, car ici, la concurrence est rude, le niveau est très élevé, il y a des hiérarchies à respecter et de nouveaux codes. Je m’accroche et j’apprends tous les jours." Après quelques petits contrats par-ci par là, il parvient à décrocher une tête d’affiche au EKS club de Montpellier.
Proposer du deck à un public novice : un pari risqué
"Ce public aime le rap français, l’électro, le deep house… J’ai appris à travailler ces sonorités différentes pour moi. Puis, au fil de mes performances, j’ai constitué un public des îles du Pacifique, qui a tendance à se fidéliser. Durant la fameuse soirée du EKS club, le 28 mai dernier, quelques les îliens étaient bien présents et ont mis le feu ! Face à cette ambiance, les métropolitains étaient d’abord curieux puis rapidement, ils ont été pris par l’énergie incroyable soulevée par les îliens". La particularité du deck ? "C’est une musique qui invite à lâcher prise et inspire la joie."
Des émotions que ne connaissent pas de frontière, tout comme l’ambition de Dj Harmelo.
Et après ?
L’avenir nous le dira. Le prochain évènement de Dj Harmelo au EKS club de Montpellier est prévu le 18 juin 2022.
Puis sans doute en juillet à la Grande Motte, au célèbre Dune club, qui accueille les plus grands DJs internationaux. "J’ai signé pour un stage avec un possible contrat à la clé (…) Je souhaite devenir l’ambassadeur du deck à l’international. C’est pour cette raison que j’ai quitté le Fenua".