Des policiers municipaux mis en cause dans une course-poursuite à Moorea

Que s’est-il passé à Moorea, ce week-end, lorsqu’une dizaine de policiers, en civil, ont poursuivi un détenu en permission et sa fille qui se sont réfugiés dans une maison ? Les muto’i n’auraient, selon les témoins sur place, pas hésité à entrer et frapper les occupants.

Située juste en face du quai des ferries de Vaiare, à Moorea, la cour des Tehaavi porte encore les stigmates de l’intrusion de ce week-end. Samedi, juste avant le dernier ferry pour Tahiti, un homme arrive en courant avec sa fille et leur demande de l’aide. Poursuivi par une dizaine d’hommes, il se réfugie avec sa fille dans la buanderie de la maison. "Le gars s’est caché ici avec sa petite derrière lui, montre Poerava. Mon mari et son beau-frère se sont interposés pour les protéger. Ils [ndlr : les poursuivants] ont continué à avancer, pendant que mon mari et mon beau-frère étaient en train de les repousser."

Dans leur cour, la famille Tehaavi préparait un barbecue. Selon Émilie, une riveraine encore surprise par la rapidité et la violence des évènements, les poursuivants auraient alors lancé des cailloux ramassés sur le chemin et utilisé les jouets des enfants laissés dans la cour comme projectile. "Il y en a qui étaient alcoolisés, sûre, parce qu’ils sentaient l’alcool, raconte Poerava. Il y en avait deux ou trois qui ne lâchaient pas. Les autres leur disaient "on rentre, il y a le bateau, faut pas rester, calmez-vous". Mon mari a été étranglé et il a reçu des coups, donc ça a cassé la barrière, la moto et le vélo ont été jetés sur le gars, ça a atterri par terre […] à force d’essayer de les retenir, ils se sont tapés aussi dessus entre eux. Ils étaient vraiment en colère. C’était pas évident de leur dire de partir d’ici, on a essayé de les calmer, il n’y avait rien à faire…Entre chez ma belle-sœur et moi, il y a 7 mineurs. Ça les a choqué, ils ont eu peur. Mes beaux-frères ont attrapé les enfants pour les mettre dans la maison". 

Ces riverains ne le savent pas encore à ce moment-là, mais il s’agit de policiers municipaux en civil, de retour d’une sortie privée sur Moorea. "C’est quand les policiers municipaux de Moorea sont arrivés que l’un a dit "hey, on se connaît ! On est muto’i.’" Certains poursuivants parviennent à rentrer à Tahiti par le dernier bateau. Les autres seront récupérés en bateau privé plus tard dans la soirée. Quant aux membres de la famille Tehaavi, ils se voient prescrire 1 à 2 jours d’ITT.  Cinq plaintes sont déposées contre les muto’i.

Le motif de la course-poursuite encore flou

 

L’homme poursuivi est un détenu en permission pour le week-end avec sa fille. Sa mère venait de les déposer au quai de Vaiare pour aller au manège sur Tahiti, lorsque la situation s’envenime avec les muto’i en civil. "L’un des hommes a dit "hey, mais je te reconnais, toi ! Ne me regarde pas comme ça !"" La bagarre aurait alors commencé devant la porte d’embarquement, "quand le muto’i est tombé, cinq ou six autres sont venus, ils ont "assaut’" mon fils, comme on dit. Sa fille courait autour de lui, elle avait peur. […] Ils m’ont dit "nous, on est muto’i assermentés, vous, vous n’êtes rien". Je ne voudrais pas que cela porte préjudice à mon fils…S’ils avaient des altercations avant, moi, je m’en fiche, mais pas venir comme ça devant ma petite-fille. J’espère que la justice va faire son affaire…C’est honteux. Ma petite-fille est traumatisée."

Du côté la police municipale de Papeete, au moins trois muto’i sont mis en cause. "Des agents irréprochables, des bons gars" répète-t-on à la mairie. L’un d’eux s’est vu prescrire 5 jours d’ITT. Quant au motif de la course-poursuite, il reste flou. Les muto’i assurent que c’est lorsque l’un d’eux a retiré son sac pour payer son billet qu’il aurait reçu un coup. "J’avoue que c’est surprenant, assure Patrick Bordet, adjoint en charge de la police municipale et de la sécurité à Papeete. Je ne veux pas excuser qui que ce soit, mais de ce que j’ai pu apprendre ce matin, je fais confiance à mes agents et laissons l’enquête se poursuivre. Elle nous dira qui a raison et qui a tort."

Pour l’heure, la justice ne parle pas de violences policières, car les agents n’étaient pas en service. Une enquête est ouverte pour violences volontaires.