VQuelle surprise de découvrir son papier toilette préféré désormais affiché à un prix bien plus élevé qu'à l'accoutumée ! Un client d'un supermarché de la côte ouest en a fait la désagréable expérience le week-end dernier, lui qui avait l'habitude d'acheter ce papier à la douceur si naturelle...
De 349 CFP le paquet de 6 rouleaux, le prix a bondi à 556 CFP, soit 60% de hausse en à peine un mois !
En avril, il avait pu quand même se faire rembourser la différence de 207 CFP puisque en rayon, le magasin avait continué à afficher le prix initial de 349 CFP alors que le prix scanné était déjà à 556 CFP. Et c'est en mai qu'il s'est vraiment rendu compte que le prix était pour l'instant fixé à 556 CFP.
Devant le fait accompli, le lendemain le client a alors joint par téléphone la direction du magasin pour connaître l'origine d'une telle hausse. Là, Miri lui répond, un peu gênée, que le magasin ne fait que suivre la nouvelle réglementation mise en place par la DGAE, la Direction des affaires économiques.
A savoir que depuis le 1er avril, le paquet de papier toilette de moins de 12 rouleaux n'est plus classé en PPN, produits de première nécessité. De fait la TVA de 16%, la taxe sociale de 1% et des marges libres s'appliquent désormais. Au-delà de 12 rouleaux et jusqu’à 36, le paquet reste encore en PPN ! Allez comprendre.
N'en croyant pas ses oreilles, le client appelle ensuite Tikipac, le grossiste qui fournit le fameux papier toilette auprès des revendeurs pour connaître réellement le prix de gros. Ingrid, responsable des commandes, ne lui donne aucun chiffre, secret professionnel oblige, mais lui précise également que la réglementation a changé depuis le 1er avril au sujet des PPN.
Un drôle de poisson d'avril un peu difficile à avaler pour le client d'autant que deux professionnels du secteur lui affirment la même chose.
Afin d'en avoir le cœur net, il finit par contacter la DGAE et tombe sur Teddy. Lequel lui confirme que la réglementation des PPN a effectivement changé depuis précisément le 31 mars 2023, en application de l’arrêté du conseil des ministres 489 CM du 23 mars 2023.
Sans réglementation, les marges explosent
Après une explication précise par cet ex-contrôleur, le client comprend mieux que des magasins usent d'une liberté retrouvée en vue d'appliquer leurs marges. Pas étonnant qu'ici et là, des consommateurs avisés constatent avec effarement que les prix de certains produits explosent littéralement. Et s'insurgent contre une telle pratique.
Malheureusement pour eux, la DGAE ne contrôle que les produits dont les prix sont réglementés : PPN et PGC (produits de grande consommation), le reste non, justement au nom du principe de la liberté des prix. Le cas du papier toilette en question en est l'illustration : depuis le 31 mars, son prix TTC inclut donc la TVA à 16%, la taxe sociale à 1% et les marges désormais sans plafond, soit au moins 43%, et non plus 20% quand ce produit était encore classé en PPN (cf le tableau).
Un cas pas du tout isolé. Comme le signale Irmine Tehei, de l’association de consommateurs Te Tia Ara, à propos de la volatilité des prix en fonction des jours de la semaine.
Ou encore Patrick Galenon, secrétaire général de la CSTP/FO, sur notre antenne radio le 3 mai : "si vous prenez le cas du punu puatoro, sans citer de marque qui vient de Nouvelle Zélande, [la boîte] était à 435 CFP en décembre 2021. En mars 2022, elle était à 635 CFP, c'est à dire 35% de marge, alors que la taxe [sociale à 1%] n'est arrivée qu'au mois d'avril !...Ce n'est pas la taxe qui fait l'inflation", avait-il déclaré.
L'inflation ne date pas d'hier en Polynésie qui, comme beaucoup de pays, a connu une hausse vertigineuse des prix et services après la crise COVID et la guerre en Ukraine. "Entre avril 2021 et avril 2023, l'indice des prix [établi par l'ISPF] est passé de 99,32 à 109,79", indique Teddy, ex-contrôleur à la DGAE, précisant que l'inflation a été de "10,54% en 2 ans".
Conséquences directes : des salaires qui augmentent légitimement à la suite de la hausse du coût de la vie (énergie, produits alimentaires, loyers...). Alors quand le gouvernement décide de déréglementer certains PPN, leurs prix ont davantage tendance à gonfler qu’à baisser.
Vraiment lutter contre la vie chère
Qui s'est rendu compte que "le prix du kilo d'oignons est passé de 120 CFP à 480 cfp, que celui des oranges importées oscille aujourd’hui entre 595 à 795 cfp alors qu'il était à 280 cfp il y a quelques années ?", poursuit Teddy qui remarque à juste titre que ces produits ne sont pas en pénurie !
S’attaquer à l'inflation et à la cherté de la vie, jeudi 11 mai toujours sur notre antenne radio, Heinui Le Caill, fraîchement élu du Tavini à l'assemblée de Polynésie, n'a pas hésité pas à dire que ce serait son cheval de bataille durant sa mandature de 5 ans. D'ailleurs pendant toute la campagne électorale des territoriales, que n'a-t-on pas entendu dire de la bouche des candidat(e)s que la lutte contre la vie chère était une priorité !
Pour y parvenir, quelques un(e)s ont même proposé que les PPN ne devraient être réservés qu'à une partie de la population, la plus nécessiteuse, au nom de la justice sociale. S'il part d'un bon sentiment, ce principe nécessite dans la pratique que les magasins appliquent un double affichage des prix pour un même produit. L’un pour les bénéficiaires des PPN, et l’autre pour ceux qui paient le prix fort. Une mesure forcément discriminatoire.
Dans ce cas, comment la DGAE pourrait intervenir puisqu’elle ne contrôle que les produits dont les prix sont réglementés, avec dans certains cas, des sanctions de 178 997 CFP par infraction constatée ?
Ecoutez le reportage sur le contrôle des prix par la DGAE :
Les regards se tournent aussi vers l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC), laquelle est censée faire respecter le jeu de la libre concurrence en Polynésie.
Mais ce serait plutôt aux consommateurs eux-mêmes et aux associations de défense des consommateurs de se montrer plus vigilants sur les prix et la qualité des produits. Ils peuvent en dénoncer les abus ou alors se tourner vers d'autres produits.
C'est bien connu, le magasin propose et le client dispose.