Invité café de notre matinale radio, Antony Géros, président de l'assemblée de Polynésie s'est attaqué à un problème qui touche tous les Polynésiens : la cherté de la vie.
Face à une inflation persistante et un coût de la vie particulièrement élevé, l’assemblée de la Polynésie organise un colloque les mercredi 20 et jeudi 21 mars pour réfléchir aux solutions à mettre en place. Cette initiative vise à rassembler élus, acteurs économiques, syndicats et représentants de la société civile pour tenter d’alléger le fardeau financier des ménages polynésiens.
35 % plus élevé qu’en Métropole
Car le constat est sans appel : vivre en Polynésie coûte environ 35 % plus cher qu’en France métropolitaine, un chiffre qui grimpe encore dans les archipels éloignés. Cette cherté s’explique par plusieurs facteurs :
Le coût des importations : la majorité des produits de consommation sont importés, subissant des frais de transport et des taxes qui font grimper leur prix.
Des marges commerciales élevées : comme l’a souligné une enquête de la Direction générale des affaires économiques (DGAE), certains produits connaissent une augmentation allant jusqu’à 647 % entre le prix d’achat à l’importation et le prix final en magasin. "C’est inacceptable", s’indigne Antony Géros, qui plaide pour un meilleur contrôle des prix et une régulation des marges.
Un marché peu concurrentiel : la concentration des acteurs économiques et la faible concurrence limitent la baisse des prix.
Des salaires insuffisants : les revenus des ménages ne suivent pas la hausse des prix, ce qui accentue le sentiment de précarité.
Anthony Géros insiste sur la gravité de la situation. En effet "nous devons absolument revoir notre modèle économique et trouver des solutions adaptées à notre contexte local. Nos citoyens peinent à se loger, à se nourrir et à se déplacer. C'est une réalité que nous ne pouvons plus ignorer", dit-il
Solutions envisagées
Lors de ce colloque, plusieurs pistes seront discutées, notamment la révision du dispositif des Produits de Première Nécessité (PPN). Le président du Pays, Moetai Brotherson, a récemment qualifié ce système d’inéquitable et propose de le remplacer progressivement par la carte"fa'atupu", destinée aux ménages les plus précaires qui bénéficiaient jusqu'à peu de bons alimentaires.
Anthony Géros nuance cependant cette approche : "il faut bien sûr aider les plus démunis, mais nous devons aussi penser aux familles qui ne touchent pas beaucoup et qui ne bénéficient d’aucune aide. Peut-être faut-il élargir les dispositifs de soutien".
Le renforcement du contrôle des marges et des prix est également sur la table. L’une des propositions du colloque sera probablement d’imposer une transparence accrue sur la formation des prix et de mieux réguler les abus constatés. "Il va falloir effectivement mettre des mesures pour revisiter tout ça et essayer de replanifier, de reniveler tout ça de manière à ce que la cherté de la vie soit un mauvais souvenir"
Enfin, une réflexion est menée sur l’importance de renforcer la production locale pour réduire la dépendance aux importations. En clair, de promouvoir l'autonomie alimentaire. Relancer l’agriculture et la pêche pourrait permettre aux Polynésiens d’accéder à des produits locaux moins chers et plus frais.
S'inspirer des pays du Pacifique
L’événement ne se limite pas aux acteurs locaux. Plusieurs experts et représentants d’autres territoires du Pacifique (Nouvelle-Zélande, Australie, Fidji, Papouasie-Nouvelle-Guinée) participeront aux échanges, afin de partager leurs expériences et les stratégies mises en place chez eux pour contenir la vie chère. "Nous devons nous inspirer des solutions trouvées ailleurs. Nos voisins du Pacifique rencontrent les mêmes difficultés, et certains ont déjà testé des approches intéressantes", rappelle Anthony Géros.
Vers une proposition de loi ?
L’objectif final du colloque est d'aboutir à des mesures concrètes. À l’issue des deux jours de débats, une liste de dix propositions sera soumise à l’Assemblée pour être transformée, pourquoi pas, en projet de loi ou en délibération.
Mais la mise en œuvre ne sera pas immédiate. "Sur le papier, nous pouvons rédiger une loi en quelques jours. Mais dans la réalité, il faut discuter avec les partenaires économiques, négocier et éviter les effets pervers", souligne Anthony Géros.