Attaque de requin sur un bodyboarder : les plongeurs réfutent le shark feeding

Archives. Un requin tigre.
Le syndicat des centres de plongée de Polynésie monte au créneau après l'attaque du bodyboarder samedi par un requin. Soupçonnés par certains surfeurs d’avoir pratiqué du shark feeding, les plongeurs disent ne pas être responsables de l’accident à Sapinus.

Samedi dernier, suite à l'attaque du bodyboarder à Sapinus par un requin, peut-être de type tigre, les amis du jeune homme blessé ont soupçonné les plongeurs qui fréquentent le spot de s'adonner au shark feeding afin d'attirer et d'observer les requins. "Ce n'est pas une surprise. On savait que cela allait arriver avec tous les bateaux qui arrivent depuis 2 ou 3 ans...Maintenant ils viennent aussi le soir...ce sont des bateaux de plongée...Les vieux pêcheurs nous disent que depuis qu'il y a ces bateaux, ils ont remarqué que les requins se rapprochent plus maintenant, il y a eu un changement.", avait ainsi remarqué Tuihani, un surfeur. 

Ces propos que nous avons relatés ont évidemment dérangé les plongeurs.

Pas de shark feeding depuis 4 ans

Lesquels ont réagi par le biais du Syndicat Polynésien des Centres de Plongée (SPCP). Dans un communiqué Thibault Gachon, président du SPCP, rappelle que "conformément au Code de l’environnement de la Polynésie française, les centres de plongée ne pratiquent en aucune manière le shark feeding, depuis plus de quatre ans. ...On crée du doute, on instille de la suspicion, alors que – et tous les plongeurs le confirment – aucun club de s’adonne au nourrissage".

Archives. Depuis plus de 4 ans, le shark feeding est interdit en Polynésie.

Interrogé par téléphone, Thibault Gachon précise encore qu'"en Polynésie, on n'a pas besoin d'attirer avec de la nourriture pour faire de belles plongées. Les plongées sont magnifiques, on est là pour observer. Il n'y a pas plus respectueux de l'environnement que les plongeurs...On peut s'interroger sur l'impact de la pêche, de l'impact du fait qu'il y a de plus de plus de tortues sur ces sites-là, et que les tortues sont l'un des repas préférés des requins tigre, les facteurs qui peuvent expliquer cet incident sont nombreux...Ne tombons pas dans la facilité de dire on désigne un coupable, on désigne une cause, alors que les éléments ne tiennent pas la route...le requin s'est trompé, il l'a attrapé et relâché, ça confirme le fait que les êtres humains ne sont pas une nourriture pour les requins".

Ecoutez-le :

Thibault Gachon

Eric Clua, spécialiste du comportement des requins dans le Pacifique et directeur de recherches au Criobe, n'est pas aussi catégorique que Thibault Gachon sur le fait que le requin qui a attaqué le bodyboarder "s'est trompé, il l'a attrapé et relâché, ça confirme le fait que les êtres humains ne sont pas une nourriture pour les requins".

Interrogé dimanche matin, Eric Clua a expliqué que "le requin peut se tromper en mordant la main du plongeur parce qu'il pense que c'est un morceau de thon, mais un requin tigre qui cherche à se nourrir sur un humain ne se trompe pas. Souvent on impute au feeding (nourrissage) le fait qu'il y ait ce type de morsure. Or ce n'est pas absolument pas le cas, les requins ne se trompent pas entre des têtes de thon qu'on leur donnait par exemple à la "vallée blanche" et un être humain. Ils ne vont jamais se tromper". 

Le requin doit avoir très faim

Le scientifique a précisé qu'il faut "qu'il y ait un concours de circonstances pour qu'un grand requin comme un parata ou un "tigre" ose attaquer un homme. Premièrement, l'animal doit être extrêmement audacieux, qu'il franchisse cette barrière, très difficile à franchir pour le requin, mais il faut aussi et surtout que ce requin ait très faim pour oser faire ça. 

Pourquoi ces requins-là ont faim ? Il faudrait plus regarder sur l'accès que ces requins-là peuvent avoir à leur nourriture habituelle, en l'occurrence les ressources générales comme les poissons. Un requin va mordre parce qu'il a faim, mais pas parce qu'on lui donne à manger".

Ecoutez-le :

Eric Cluat

Selon Eric Clua, l'attaque de ce week-end est inquiétante. "Il faut être honnête : on peut s'inquiéter parce que si on regarde les chiffres de Polynésie française, il n'y avait eu jusque très récemment de tentative de morsure ou de morsure de requin tigre sur l'homme localement. Sur les 70 dernières années, la première morsure d'un requin-tigre sur un être humain a eu lieu l'an dernier, en 2021 à Rikitea (Gambier) où un apnéiste travaillant dans une ferme perlière a été mordu, attaqué par un requin-tigre mais c'était surtout une morsure de prédation, c'est-à-dire que le requin voulait se nourrir sur l'homme. C'est rare, c'est la première fois qu'on voit ça. 

Depuis cette morsure, il y a eu une autre tentative de morsure d'un requin tigre sur un va'a, l'an dernier à Tahiti.

Archives. Un requin tigre en approche.

La morsure de ce week-end sur le surfeur est plutôt une tentative de morsure puisque le requin a loupé la jambe au dernier moment, et la mâchoire inférieure a provoqué une morsure de cisaillement, comme un coup de couteau, parce qu'il a effleuré la jambe. 

Mais cette tentative de morsure est inquiétante vu [qu'ici] le requin tigre ne s'en prenait jamais à l'homme."

Ecoutez-le :

Eric Cluat inquiétude

A la fin de son communiqué, le président du SPCP adresse "à ce jeune bodyboarder tous ses vœux de prompt rétablissement, [et] déplore que l’on cherche ainsi à opposer les usagers de la mer, qui partagent pourtant la même passion pour l’océan, et œuvrent chaque jour à sa préservation".