Les volets de la Saintonge ne s’ouvriront bientôt plus à Arue. La maison construite en 1892 par le politicien Victor Raoulx, qui avait choisi un style colonial avec des matériaux venus de Louisiane, va être détruite car trop vétuste. L'exploitant de canne à sucre a toujours son mausolée dans la commune, mais la maison coloniale qui avait été rachetée 35 millions cfp par le maire d’Arue Jacky Teuira en 1978, va disparaître. "La mairie d'Arue est devenue un symbole au niveau de la commune, mais le fait également qu'elle ait été inaugurée par Valéry Giscard d'Estaing lors de sa venue en Polynésie a fait que cette mairie a un cachet particulier", disait en 1992 Boris Léontieff, alors maire d’Arue.
La Saintonge, il y a 30 ans, avait fière allure, mais le manque d’entretien a eu raison de ses jolies façades en bois. Les dernières expertises la condamnent. Selon Teura Iriti, maire d’Arue, "le rapport de 2018 disait déjà que ce n'était pas possible de rénover en l'état. Et là, [le rapport] de 2022 vient de confirmer que...", ce n'est pas possible de rénover ce bâtiment qui fait partie du patrimoine de la Polynésie. "On aurait bien voulu", ajoute la maire.
Lieu d’élections et lieu de travail pour de nombreux maires, la vieille dame d’Arue a aussi été le lieu de beaucoup de tournages, comme en septembre dernier, où elle a servi de décor pour une série portugaise. Son style unique en Polynésie a conquis les réalisateurs.
"Il n'y a pas besoin de la détruire, on peut simplement la consolider et travailler. Je rappelle que ce bâtiment est unique, il n'en reste quasiment presque plus", précise Léo Marais, conseiller municipal à Arue. "Notre mémoire n'est pas simplement constituée de nos tupuna, mais également de l'histoire coloniale de notre pays. Que fait-on des familles Raoulx, Malardé, puis Krainer qui ont habité dans cette maison ? Nous ne pouvons pas balayer d'un revers de main et dire que c'est un vestige de l'empire colonial, comme certains rageux continuent de le dire", ajoute Tepuanui Snow, conseiller municipal à Arue.
Les employés de longue date ont du mal à accepter sa disparition. "C'est une grande perte dans le sens où c'est quand même un bâtiment centenaire, c'est un bâtiment qui a toute une histoire, qui marque l'empreinte culturelle de la commune d'Arue", remarque Tehina Tuua employée de mairie depuis 18 ans.
Les soutènements en chêne de la bâtisse ont résisté à 130 années de passage et d’intempéries…sa disparition émeut la population et pas seulement celle d’Arue, qui veut croire qu’elle peut encore être sauvée.