Des insectes pour nourrir les animaux d’élevage

Des insectes pour nourrir les animaux d’élevage
Jade Tetohu, dans le cadre d’une thèse, travaille sur la maîtrise du cycle de la mouche BSF. L’objectif ? Produire des larves qui entreront dans l’alimentation de poules pondeuses ou crevettes d’élevage. En parallèle, la production de larves valorisera des matières comme les déchets alimentaires ou les déchets de poisson.

À terme, c’est un programme de type économie circulaire qui verra le jour grâce aux travaux de Jade Tetohu. Celle-ci effectue une thèse sur la valorisation industrielle du procédé de production de larves de BSF pour recycler et valoriser les bio déchets.

Cette thèse a été lancée dans le cadre d’un partenariat public-privé en 2020. Elle est portée par Technival, l’Institut Louis Malardé (ILM) et la délégation à la recherche. Elle vise trois axes. D’abord, Jade Tetohu doit maîtriser la domestication de Hermetica illucens, la mouche BSF (Black Soldier Fly ou mouche soldat noire). « L’idée étant d’obtenir une colonie de reproducteurs capable de produire des œufs et donc des larves en continue, de manière suffisante et constante pour approvisionner un élevage. » Le deuxième axe est celui de la bioconversion. Il s’agit, là, d’identifier des sources de matières organiques à valoriser. Le dernier axe est celui de la valorisation : comment transformer les larves et les inclure dans l’alimentation d’animaux d’élevage en Polynésie ?

Si des progrès significatifs ont été faits du côté de la domestication de l’insecte, Jade Tetohu constate encore « pas mal de variabilités ». L’Institut Louis Malardé réalise des aménagements dans ses locaux de Paea. Un laboratoire relai va être construit. Il accueillera une zone d’élevage spécifique pour les BSF. « L’environnement y sera mieux contrôlé », décrit Jade Tetohu. Dans l’attente, une collaboration a vu le jour avec la société néocalédonienne Neofly. Cette dernière, membre de la FrenchTech Nouvelle-Calédonie, développe un modèle de production de matières premières novatrices destinées à l’alimentation animale et la fertilisation. Les matières premières sont produites grâce à la bioconversion par les insectes de déchets organiques agro-industriels et agricoles. « Nous pouvons ainsi partager nos expériences. »

Concernant la bioconversion du projet polynésien, en démarrant ses travaux, Jade Tetohu s’est intéressée au tourteau de coprah. « C’est d’ailleurs ce qui a tout déclenché », raconte Arii-Nui Prout de Technival. « L’Huilerie de Tahiti cherchait un moyen de valoriser ses tourteaux, nous avons réfléchi à des solutions pour eux. » Le gisement n’est plus aussi copieux qu’à l’origine. Il sert aujourd’hui d’aliments aux cochons. « Je me suis donc tournée vers les déchets alimentaires de cantines industrielles et déchets de poisson du port de pêche. » Le gisement de chacun d’eux est estimé à 1 500 tonnes par an. La doctorante étudie en détail la composition des larves en fonction des substrats sélectionnés car « selon les repas qu’elles

font, les larves ne présentent pas le même profil nutritionnel ». Les résultats sont encourageants.

Enfin, Jade Tetohu a étendu les filières d’intérêt pour ses larves. Elle a envisagé en premier lieu d’intégrer les larves au menu des poules pondeuses. Elle s’oriente maintenant en plus vers la filière crevette (des tests d’appétences auront lieu début 2023) et l’élevage de moustiques de l’ILM actuellement nourris à la farine de foie de bœuf.

La farine ou l’huile de BSF se présente comme une alternative à fort potentiel. Ni l’un, ni l’autre ne pourront constituer un repas complet « mais elles réduiront l’usage d’aliments industriels », affirme Jade Tetohu. Dans un contexte insulaire, cela fait sens car un tel projet aura un impact sur la gestion de ce qui est considéré comme déchets, sur l’importation de nourriture animale, sur la qualité de l’alimentation donnée aux animaux d’élevage.

Technival devrait mettre en place un pilote de production de larves et de transformation de ces larves en farine ou huile en 2023. Il est prévu que la société s’implante à Faratea sur la zone biomarine. Jade Tetohu, quant à elle, soutiendra sa thèse en février 2024.