La destitution d'Emmanuel Macron en marche ?

(à gauche photo Valérie Dubois / Hans Lucas) Paris, le 7 septembre 2024. Après la nomination de Michel Barnier a Matignon, les manifestants sont venus dénoncer le "coup de force" du Président Macron et son choix d un Premier ministre contraire aux résultats des législatives. (à droite photo Daniel Pier / NurPhoto / NurPhoto via AFP ) Le président français lors de la réception à l'Élysée avant l'ouverture des Jeux paralympiques de Paris 2024 le 28 août 2024.
Première étape franchie pour la proposition de destitution du président de la République. Le bureau de l'Assemblée nationale a jugé recevable la demande portée par La France Insoumise par 12 voix pour et 10 voix contre. Une procédure en forme de mission impossible ?

La demande de destitution d'Emmanuel Macron, portée par LFI, a obtenu le feu vert du bureau de l'Assemblée nationale mardi, une première étape saluée comme une victoire par les Insoumis, même si la procédure n'a presque aucune chance d'aboutir en l'état.Pas une voix n'a manqué à gauche : par 12 votes contre 10, la plus haute instance exécutive de la chambre basse a jugé recevable la proposition de résolution déposée par l'ensemble des députés Insoumis - et une poignée d'élus écologistes et communistes. Un score qui correspond exactement à la courte majorité détenue au sein du bureau par le Nouveau Front populaire, socialistes inclus. La position du groupe PS, longtemps indécise, n'a été tranchée que la veille au soir.

"Victoire" pour LFI

Opposée à cette démarche, la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet s'est émue dans un communiqué d'un "détournement de la règle de droit" que l'opposition a voulu selon elle "instrumentaliser à des fins purement politiques". La décision est pourtant acquise et entraîne la transmission du texte à la commission des lois de l'Assemblée, qui doit encore l'inscrire à son ordre du jour.

Acte de procédure aussitôt célébré comme une "victoire" par les députés LFI sur le réseau social X. Leur présidente Mathilde Panot s'est félicitée d'un "jour historique" marqué par cet "événement inédit dans la Ve République". Tout en profitant de l'occasion pour relayer à nouveau la pétition réclamant la destitution du chef de l'État, qui affiche à ce jour plus de 308 000 signatures au compteur. Et pour battre le rappel en prévision des manifestations prévues samedi contre un "gouvernement Macron-Barnier", à l'initiative d'organisations étudiantes et féministes. Avec l'espoir de faire mieux que les 110 000 à 300 000 personnes - selon la police ou les organisateurs - qui ont défilé le 7 septembre contre le "coup de force" du chef de l'État. "Il faut continuer (...) Macron doit partir", a résumé la vice-présidente LFI de l'Assemblée, Clémence Guetté.-

"Vouée à l'échec" pour le PS

La destitution semble néanmoins hautement improbable, peu d'autres parlementaires partageant l'idée qu'Emmanuel Macron a commis "un manquement grave au devoir de respect de la volonté exprimée par le suffrage universel" en refusant de nommer à Matignon Lucie Castets, candidate désignée par un Nouveau Front populaire, certes fort de 193 députés, mais loin de la majorité absolue de 289 sièges à l'Assemblée.

Hors LFI, l'écologiste Benjamin Lucas a salué un "sursaut de dignité du Parlement" face à un président de la République qui "a bafoué une élection qu'il a lui-même convoquée". Mais si les communistes voulaient que "le débat ait lieu", ils seront "sûrement majoritaires à ne pas voter la résolution", a indiqué leur représentant au bureau Stéphane Peu. Et les socialistes ont d'ores et déjà prévenu qu'ils voteront "unanimement" contre cette procédure qui risque selon eux de "donner une légitimité nouvelle" au chef de l'État car elle est "vouée à l'échec".

"Destabilisation" pour Renaissance

Constat basé sur les rapports de force en commission, où la gauche dans son ensemble est minoritaire, tout comme dans l'hémicycle où il faudrait de surcroît obtenir les deux tiers des suffrages. Idem au Sénat, où la droite est en position de force, puis in fine devant les deux chambres réunies en Haute cour. Un trou de souris qui supposerait notamment l'appui du Rassemblement national. Or, sa patronne Marine Le Pen a clairement fermé la porte, dénigrant une "manoeuvre d'enfumage" de "l'extrême gauche" pour "tenter de faire oublier ses multiples compromissions avec la macronie".

Dans le camp présidentiel, l'ex-Premier ministre et chef des députés Renaissance Gabriel Attal a déclaré lors de la réunion du bureau de l'Assemblée que "cette motion et ce débat (sont) une déclaration de guerre à nos institutions", qualifiant ses auteurs d'"agents de déstabilisation permanente". Le groupe Modem a aussi dénoncé une "tentative de déstabilisation" dans un communiqué, déplorant "un recours abusif" et "un dévoiement de la procédure parlementaire" qui "apparaît contraire à l'esprit comme à la lettre de notre Constitution".

Le reportage de Serge Massau d'Outremer la 1ère :

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