Se reconnecter à l’océan, nager dans les vagues, sentir le sel marin sur sa peau, ce moment qui peut sembler anodin, Toareia Izal l'a attendu durant quatorze ans. L'homme de 34 ans apprend en 2008 qu’un de ses reins est atrophié. S’ensuivront des années de dialyse. Puis en 2022, la bonne nouvelle arrive enfin, il peut recevoir un nouveau rein. Cela a changé sa vie.
« Je ne m'y attendais pas du tout. C'était un moment de joie, de doutes, de stress, confie Toareia. Depuis que je suis greffé, j'ai pu nager, c'est quelque chose que j'aime, ça me détend. Et surtout, passer des moments en famille. Parce que quand tu es branché tous les soirs sur ta machine, il y a ta petite famille qui est en train de manger... il y a des moments précieux que j'ai ratés. Donc ce n’était pas évident » avoue-t-il.
Je tiens à remercier toutes ces personnes qui font don de leur rein. Parce qu'aujourd'hui pour moi, c'est une seconde vie.
Toareia Izal - 34 ans, greffé du rein en 2022
Toareia mène une vie normale depuis trois ans grâce à ce nouveau rein.
71% de refus de don d'organe
En Polynésie, la population reste pourtant frileuse, face au manque d'information. En 2024, 71% de refus ont été enregistrés pour le don d'organes.
Avant son décès, la femme d'Alexandre Philbois avait affirmé vouloir donner ses organes. Sa volonté a été respectée le jour de sa mort en septembre 2015, après avoir succombé à un accident vasculaire cérébral. « Je sais que mon épouse a sauvé deux personnes disons, de la dialyse. Après y a le problème peut être du rejet, mais non. Parce que tout a été calculé par les médecins pour savoir s'ils étaient compatibles. Peut-être qu'au moment où je vous parle, y a un rein de ma femme qui est encore en vie dans le corps d’une personne que je ne connais pas » précise Alexandre, qui est aussi le vice-président de l’association Un Don de Vie.
Avec l’association « Un don de Vie », Alexandre encourage les familles à aborder le sujet du don d’organe, avant que survienne le décès d’un de leurs proches. Il leur explique : « On ne détériore pas le corps, pas n'importe comment. C'est fait vraiment médicalement. On vous restitue le corps, moi je sais que mon épouse, je n'ai rien vu. Elle est partie, on me l'a ramenée, j'ai fait ma veillée. On ne voit rien. »
Plus d'une centaine de patients en attente d'une greffe de rein
La liste pour espérer recevoir un don d'organe s'allonge au fil du temps. Actuellement en Polynésie, 120 patients sont dans l'attente d'une greffe de rein.
Dans le service de l'hôpital de Taaone dédié aux dialysés, les patients suivent un protocole lourd mais essentiel. Trois fois par semaine, 150 patients voient leur sang filtré dans une machine pendant quelques heures. Le fenua compte près de 600 personnes dialysées.
Marylène Teinauri est dialysée depuis neuf ans et elle encourage la cause : « C’est le moment de donner vos organes, parce qu'il y en a qui en ont besoin. S'ils peuvent profiter de vos organes, donner leurs vos organes. C'est la vie que vous donnez pour eux. Merci. »
Le don d'organe a désormais sa journée polynésienne, le 26 avril de chaque année. En plus de la journée mondiale du 17 octobre. Marie Andro, infirmière en réanimation et coordinatrice au don d’organe du CHPF, espère que cela fera bouger les choses. « Il y a des années où par exemple on a fait 16 greffes. L'année dernière malheureusement les chiffres sont très bas, on en a fait que trois. Trois donneurs décédés donc six greffes. Donc on espère que le taux va remonter » déclare l'infirmière.
La transplantation rénale demeure la seule greffe réalisable sur le territoire. Elle ne nécessite pas d’évacuation sanitaire. Depuis 2013, 166 personnes ont pu recevoir un rein en Polynésie française.