Les "expatriés métropolitains", une menace pour l'emploi local ?

Éliane Tevahitua, représentante Tavini à l’assemblée de Polynésie française
Dans une lettre adressée au Président du Pays, Éliane Tevahitua, représentante Tavini à l'assemblée de Polynésie, dénonce un "phénomène migratoire métropolitain" qui menace "l'accès de nos enfants au marché de l'emploi."

Le Tavini poursuit son combat pour l'emploi local. "Monsieur le Président, comment allez-vous expliquer que votre loi sur la promotion et la protection de l'emploi local, pourtant votée en juillet 2019 ne soit toujours pas opérante ?" : Edouard Fritch apportera peut-être une réponse à Éliane Tevahitua (qui signe la lettre) le 12 mai prochain, lors de la troisième séance de la session administrative à l’assemblée. La représentante Tavini n'hésite pas à recourir à des mots forts - tels que "immigration" - dans son argumentaire : 

"Monsieur le Président de la Polynésie française,

Les Polynésiens sont chaque jour les témoins impuissants d'un phénomène migratoire dont l'ampleur ne cesse de croître. Ce phénomène face auquel notre population nourrit les plus vives inquiétudes porte un nom : immigration.

Il suffira pour s'en convaincre d'observer ce phénomène à l'œuvre autour de nous, dans les files d'attente de nos supermarchés, dans les files des services de l'immigration de notre aéroport, dans les entreprises locales, dans nos mairies, etc.

Nous assistons, également sur les réseaux sociaux, à l’émergence de groupes d'entraide dont la vocation affichée est de promouvoir l'expatriation des métropolitains dans notre pays et de faciliter leur installation permanente au fenua. Ces groupes d'entraides, particulièrement nombreux et suivis, certains cumulent 35 000 abonnés, sont souvent administrés par des nouveaux arrivants et sont sans équivoque quant à leur finalité. L'un d'eux précise que : « ce groupe est créé pour les familles désireuses de changer de vie. Un nouveau départ... » quand un autre se nomme « aller simple pour le fenua ». Leur motivation est de quitter la France, leur pays natal devenu désormais invivable et de trouver ailleurs un emploi et de nouvelles opportunités.

Ce constat est confirmé par les données statistiques officielles publiées par l'ISPF. Ainsi, les données issues du recensement de 2017 confirment cette tendance migratoire haussière. Entre 2012 et 2017 indique l'Institut de la Statistique 12 000 personnes sont arrivées dans notre pays dont 10 000 habitaient auparavant en France métropolitaine. Cette tendance qui devrait être confirmée par les résultats du recensement de 2022, porterait à 20 000 le nombre de nouveaux expatriés en 10 ans, soit 2000 nouveaux arrivants métropolitains par an.

Face à ce constat les Polynésiens s'interrogent légitimement sur l'accès de leurs enfants au marché de l'emploi. Nos enfants auront-ils un emploi ? Nos enfants qui sont aujourd'hui formés dans les universités françaises et internationales seront-ils prioritaires lorsqu'ils reviendront exercer leurs compétences dans leur propre pays ?

Permettez-moi d'en douter M. le Président.

Comment expliquerez-vous à notre Peuple que votre gouvernement a validé l'embauche de deux expatriés aux postes de directeur généraux des filiales de l'OPT, ONATI et FARE RATA ? Comment expliquerez-vous aux Polynésiens que plus de la moitié des titulaires des brevets polynésiens de plongeur subaquatique soit détenue par des individus nés en métropole, c'est-à-dire hors de notre pays ?

Comment allez-vous expliquer à notre population que votre nouvelle ministre en charge de l'emploi local ait décidé d'aller débaucher à 20 000 km de notre pays à Paris, sa directrice de cabinet, une salariée de la compagnie AIR FRANCE quand dans le même temps vous procédiez à la nomination d'un délégué interministériel de l'emploi local ?

Enfin, Monsieur le Président comment allez-vous expliquer que votre loi sur la promotion et la protection de l'emploi local pourtant votée en juillet 2019 ne soit toujours pas opérante ? Pour quelles raisons la liste des emplois réservés aux Polynésiens n'est-elle toujours pas publiée au journal officiel, trois ans après le vote de la loi ?"