En ce jour de la Toussaint, quelle réglementation pour extraire le sable et quel impact sur l'environnement ?

Extraction de sable blanc dans un coin secret du lagon de Taha’a.
À chaque Toussaint, les familles en profitent pour nettoyer les tombes de leurs défunts et souvent en décorant avec du sable blanc. La plupart vient de Taha’a. La réglementation pour l’extraire est stricte, mais cela n’empêche pas les extractions sauvages. Au risque d’impacter l’environnement marin.

C’est presque une tradition : dans les cimetières, il recouvre les tombes, symbole de propreté et de pureté. "Comme nos aînés ont toujours fait... Mettre du sable. On discute et on passe un peu plus de temps avec eux" confie un sexagénaire en plein nettoyage de sépulture.

Pour remonter la piste du sable blanc, il faut partir à 280 km de Tahiti : à Taha’a. Dans un endroit du lagon qu’ils veulent garder confidentiel, les forçats du sable travaillent depuis 6 heures du matin. À moitié en apnée, ils sautent sur leurs pelles pour extraire à la force des bras le précieux matériaux.

Arthur Neuffer, le capitaine de la barge, exerce ce métier depuis 20 ans, presque tous les jours de l’année.

Interdit sans dérogation

L’extraction de sable est interdite en Polynésie, sauf dérogation. Il faut une autorisation administrative pour en extraire, accordée pour un volume déterminé, contrôlé par des agents assermentés ou des drones.

À Taha’a et Raiatea, trois entreprises sont autorisées à extraire du sable blanc. Il servira comme matériaux de construction, pour réensabler certaines plages ou encore pour des aménagements sportifs ou paysagers.

Pour cette Toussaint, Moeani Amaru expédie 100m3 de sable blanc du lagon sur Tahiti.

Depuis l'année dernière on a eu des commandes. Cette année, cinq clients de Tahiti m'ont demandé de fournir en big bags.

Moeani Amaru – cheffe d’entreprise

L’extraction de sable est régie par le Code des mines. Qu’il soit de rivière ou de lagon, la loi est la même. Pourtant, chaque année, une dizaine d’entreprises peu scrupuleuses sont jugées pour des extractions sauvages, comme à Moorea ou Bora Bora. La dernière a été condamnée à payer 14 millions de francs pacifiques. "Un curage réalisé en dehors des règles de l'art peut avoir des conséquences très graves sur le milieu. Une rivière peut changer de lit, une plage peut disparaître. Donc il faut faire extrêmement attention à ce que l'on fait. La nature est complexe, il faut la respecter. Et c'est pour cela que nous faisons des prescriptions que les entreprises doivent suivre à la lettre" précise Jean-Alain Di Jorio, chef du GEGDP (Groupement étude et gestion du Domaine Public).

Un curage réalisé en dehors des règles de l'art peut avoir des conséquences très graves sur le milieu. Une rivière peut changer de lit, une plage peut disparaître.

Jean-Alain Di Jorio, chef du GEGDP

2500 m3 extraits chaque année

Chaque année, la direction de l’équipement autorise l’extraction de 2 500 m3 de sable blanc. Le ministère de l’environnement ne nous a pas permis d’interviewer la DIREN qui donne son avis pour chaque demande d’extraction. Impossible de savoir combien d’avis défavorables ont été rendus. Mais dans un mail, celle-ci précise : « De manière générale, la DIREN n’encourage pas ce genre de pratique car même lorsqu’elle est réalisée manuellement, l’extraction de sable récurrente a un impact direct sur le paysage et les habitats des espèces marines. De même, il est difficile d’évaluer la capacité du milieu à se recharger naturellement en sable. »

Vendu autour de 1 000 francs pacifiques le sac en bord de route, cette année encore, le sable blanc de Taha’a servira à embellir les tombes.

En attendant, le Pays dit travailler sur une réglementation plus protectrice des littoraux fragiles et des zones humides, voire sur la mise en place d’une police spéciale.