La contribution volontaire de retraite (CVR), c'est l'alternative à l'ITR, l'indemnité temporaire de retraite des agents publics de l'Etat en Polynésie française, qui devait être supprimée en 2028. Elle a été obtenue notamment grâce aux mobilisations organisées depuis avril 2023 par le syndicat UNSA de la fonction publique.
Luc Farré, le secrétaire général national du syndicat UNSA fonction publique, en mission pour 5 jours au Fenua revient sur l'objectif de ce déplacement et les perspectives pour l'éducation. Il répond aux questions de Miri Tumatariri.
Interview
Quel est le but de ce déplacement ?
Le principal but, c'est de rencontrer les agents publics, de pouvoir discuter et échanger avec eux, afin de bien comprendre les problématiques de la Polynésie. Parce qu’évidemment, lorsque je vais rencontrer le gouvernement ou ses membres, il faut que je puisse porter les revendications et les problématiques spécifiques de la Polynésie et des agents publiques, les fonctionnaires de l’Etat en Polynésie.
Au programme, beaucoup de rencontres et certaines annonces, puisque vous avez rencontré le nouveau gouvernement parisien. Quelles sont les dernières décisions ?
Malheureusement, la dernière décision nous fâche à l’UNSA. Elle est de baisser les indemnisations des agents, quand ils sont malades, de 10%. C’est une annonce contre productive. Nous espérons que le Parlement ne vote pas cette décision.
Une autre mauvaise nouvelle, c’est l’annonce, en 2025, d’aucune augmentation salariale. Et vous savez que l’inflation, les prix augmentant, cette problématique du pouvoir d’achat est fondamentale pour l’ensemble des agents, ici en Polynésie, mais ailleurs aussi.
On l’a vu ces derniers jours, vos propositions ont été suivies. Face à ces annonces, avez-vous des alternatives pour contrer ces mauvaises nouvelles ?
La première chose que nous faisons actuellement, c’est de faire pression sur le Parlement pour que ces modifications n’aient pas lieu. Maintenant, on est aussi conscient qu’il est nécessaire qu’il y ait un budget. Parce que sans budget, on ne pourra investir, on ne pourra pas faire fonctionner les services publics partout. Donc nous, nous disons aujourd’hui qu’il faut un budget.
Nous allons continuer à nous mobiliser pour infléchir ces décisions, ça, c’est dans l’immédiat. Et puis, vous parliez il y a quelques instants des choses qu’on a pu porter et qu’on a pu obtenir, en particulier ici, pour les fonctionnaires de l’Etat en Polynésie. C’est la question de la CVR, la contribution volontaire de retraite. Et nous avons pu faire avancer cette idée. Heureusement, c’était avant ces restrictions budgétaires.
Ça consiste en quoi concrètement (la CVR) ?
Concrètement, la CVR va permettre aux agents, qui jusque-là avaient bénéficié de l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite (qui est une somme d’argent versée au moment de la retraite), d’avoir une somme d’argent minimum plafonnée à 4.000 euros. En contrepartie ils doivent contribuer. C’est-à-dire payer un tout petit peu, par rapport aux indemnités qu’ils touchent ici, spécifiques à la Polynésie.
Ce qui fâche un peu aussi, ce sont ces jours de carence ?
Le jour de carence, c’était une mesure annoncée il y a peu. Et grâce à la mobilisation, à la grève qui a lieu le 5 décembre 2024 (et je sais qu’ici elle a été très suivie), nous avons gagné le fait que cette mesure ne soit pas appliquée, et heureusement, pour les agents malades. Parce qu’on ne choisit jamais d’être malade ou d’être accidenté.
Depuis hier, vous avez commencé certaines visites dans certains services. Ce vendredi 31 janvier, une rencontre est prévue avec le président du Pays, Moetai Brotherson. Que comptez-vous lui dire ?
Nous allons insister sur la nécessité de préserver ce lien important entre l’Hexagone et la Polynésie. Et puis, essayer de travailler ensemble pour que le service public soit, de façon le mieux possible, rendu partout sur toutes les îles habitées (74 sur 119, selon le recensement 2012-2017 de l'institut de la Statistique de la Polynésie française).
Avec un territoire aussi vaste, on le voit bien, on manque d’enseignants, aussi bien dans l’Hexagone qu’en Polynésie. Comment y remédier sans forcément faire appel à des personnes pas forcément aussi compétentes pour le métier ?
D’où l’importance de ne pas supprimer d’emploi. Dans le projet de budget de François Bayrou, enfin de Michel Barnier auparavant, il était prévu de supprimer 4.000 postes d’enseignants. Aujourd’hui, on ne supprimera pas ces 4.000 postes, c’est une bonne nouvelle.
Ce que je souhaite, c’est d’obtenir qu’il y ait moins ou pas de suppression ici, parce que nous avons besoin d’enseignants, dans toutes les écoles et en particulier dans les petites écoles. Je rappelle que parfois, le service public dans certaines îles, ce n’est que le professeur, ou l’instituteur.
Le nerf de la guerre, c’est l’argent. On en manque cruellement un peu partout. L’éducation, comme la fonction publique, ne peut plus se permettre de tailler. Vous avez quelques pistes à suggérer au gouvernement central mais aussi local ?
C’est un débat important. On voit bien que la question budgétaire est essentielle, donc de l’argent. À l’UNSA, nous disons qu’il faut peut-être se reposer la question de l’impôt. L’impôt, non pas de ceux qui sont les moins riches, mais ceux qui sont les plus riches.
Peut-être qu’il faut qu’on réfléchisse de nouveau à comment on utilise l’argent des impôts. Et en particulier, on peut s’interroger sur le fait de donner de l’argent à des entreprises, sans contrepartie. Ce ne sont que deux pistes que j’évoque.
À l’UNSA on est prêt au dialogue, à discuter, à négocier, c’est le fondement même de notre syndicalisme. Notre objectif c’est de défendre les agents, défendre le service public et la fonction publique.
Quel est votre levier justement ?
D’abord par une attitude de concertation, de discussion et de négociation. Et si, véritablement, cela ne fonctionne pas, alors nous appellerons à des mouvements de grève. Ce que nous n’hésitons d’ailleurs pas à faire, quand c’est nécessaire.
Des mouvements assez suivis en Polynésie ?
Et oui, parce que l’UNSA représente aujourd’hui, dans les fonctionnaires de l’Etat, 75%.
Et donc à partir de là, nous avons une force et je fais confiance à tous nos collègues Polynésiens pour savoir l’utiliser à bon escient.
Pendant ces 5 jours en Polynésie, quel est votre cheval de bataille dans les différents services ?
D’abord comprendre, pour pouvoir rapporter, rediscuter, porter les éléments nécessaires et les spécificités de la Polynésie. C’est d’abord et avant tout pour comprendre le vécu, le quotidien des agents, et leurs difficultés, mais aussi leurs réussites. Parmi ces réussites, il y a des réussites spécifiques à la Polynésie qui m’ont marqué pendant mon séjour. Comme le CJA, le centre des jeunes adolescents. Des jeunes qui ont décroché et qu’on va réussir, pour un certain nombre d’entre eux, à réinsérer dans le système éducatif, leur donner des perspectives d’avenir. Et ça, c’est une réussite du Pays.
Est-ce qu’il y a des questions qui revenaient régulièrement lorsque vous partez à la rencontre des agents ?
La principale, c’est cette question liée à la retraite. Parce qu’il y a une différence de rémunération entre le moment où on est actif et le moment où on passe à la retraite. Donc c’est un sujet fondamental. Nous essayons de le porter. Nous avons obtenu cette CVR (contribution volontaire de retraite) dont j’ai parlé plus tôt, alors qu’il n’y avait plus rien à partir de 2028. Et ça, c’est une victoire de l’UNSA et des agents, puisque nous avons porté, avec eux, cette possibilité.
La CVR est-elle vouée à disparaître au fur et à mesure ?
Cette CVR est utile. C’est une première étape et nous, nous continuerons à essayer d’argumenter pour obtenir mieux que ce système. Mais pour cela, il faut continuer à agir. Et c’est le fondement même du syndicalisme de l’UNSA.
Comment vous avez senti ce nouveau gouvernement parisien ?
J’ai rencontré le ministre de l’Action Publique et de la Fonction Publique, Laurent Marcangeli, et j’ai senti une volonté de discuter. Mais je suis aussi conscient qu’il y a un problème budgétaire. C’est pour cela qu’à l’UNSA Fonction Publique, nous portons l’idée de l'ouverture d’une négociation sur les carrières, sur les rémunérations, sur les parcours de carrière, sur la formation.
Pour obtenir des concessions ?
Pas forcément des concessions, mais ça signifie que si on veut se projeter, il faut construire l’avenir. Et si nous avons un problème ponctuel, il faut qu’aujourd’hui nous agissions, pour que demain soit meilleur pour l’ensemble des agents. Et ces négociations auxquelles j’appelle le gouvernement sont nécessaires pour y arriver.