Les téléphones portables des collégiens, confisqués dès janvier 2025 à l'école. La ministre démissionnaire de l'Éducation nationale, Nicole Belloubet, a annoncé mardi renforcer la loi interdisant les téléphones portables dans l'enceinte des écoles et collèges.
Les élèves devront dès janvier 2025 déposer leur smartphone dans un casier au moment d'entrer dans l'établissement. 200 collèges en France testeront ce dispositif dès la rentrée.
"Les établissements qui le peuvent utiliseront du matériel déjà présent dans l'établissement (des casiers par exemple). Pour les autres, les conseils départementaux ont été sollicités afin de participer à l'achat de matériel (casiers dédiés, pochette anti-ondes, etc.) (...) L'Etat ne participe pas au financement de cette expérimentation."
Le ministère de l'Education nationale à franceinfo
La France interdit déjà dans sa loi l'utilisation des smartphones dans l'enceinte des écoles et collèges, mais il appartient aujourd'hui aux établissements de définir les modalités pratiques du respect de cette loi.
Améliorer le climat scolaire
En interdisant les téléphones portables au sein des collèges, le ministère espère "prévenir les violences en ligne, limiter l'exposition aux écrans et faire respecter les règles encadrant l'usage des outils numériques". Il souhaite notamment une "amélioration du climat scolaire" en limitant "le harcèlement en ligne" et la "diffusion d'images violentes" que permettent les smartphones ainsi qu'un effet sur les "résultats des élèves" en éliminant une source de distraction en classe.
Dans un rapport basé sur les résultats 2022 de l'enquête PISA (qui a évalué les compétences de jeunes de 15 ans en mathématiques, lecture et sciences dans 81 systèmes éducatifs) et des questionnaires adressés aux jeunes, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a rappelé en mai dernier les "opportunités éducatives" de l'environnement numérique mais aussi ses "risques".
Un rapport de l'OCDE
58% des élèves français déclarent ainsi avoir été distraits "pendant au moins quelques cours de mathématiques" par leurs écrans et 53% par l'appareil d'un autre jeune, contre respectivement 65% et 59% dans l'OCDE. Cette distraction "semble" avoir "un lien tangible" avec l'apprentissage, juge l'OCDE: les élèves distraits obtiennent "des résultats bien plus faibles".
Quelque 43 % des élèves français ont eux "déclaré se sentir nerveux ou anxieux lorsque leur téléphone n'était pas à proximité". Ce rapport ne tranche pas la question du bannissement des appareils des établissements scolaires mais observe qu'une "interdiction pure et simple des smartphones (...) est une mesure qui a des effets visibles" dans les pays où elle existe, même si cela dépend "dans une large mesure de la rigueur avec laquelle l'interdiction est appliquée".
Certains pays interdisent déjà les téléphones à l'école
La Nouvelle-Zélande a interdit depuis le 1er mai 2024 l’utilisation des smartphones dans le milieu scolaire. Les élèves doivent garder leur smartphone éteint dans leur sac ou leur casier pendant les heures de cours. Les parents peuvent contacter leurs enfants par l’intermédiaire du personnel de vie scolaire.
D’autres pays dans le monde ont mis en place des initiatives similaires à l’école. En Australie, le bannissement des smartphones s’étend à la quasi-totalité des établissements scolaires, englobant aussi bien le secteur public que les écoles privées.
Côté européen, les élèves sont priés de ne pas utiliser leur smartphone durant les heures de cours en France, au Portugal, en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et dans certaines régions d’Espagne. Toutefois, les mobiles sont autorisés pour des usages pédagogiques, sous la supervision des enseignants.
En février 2024, l’Italie a décidé que les smartphones et les tablettes ne devront plus être utilisés à des fins éducatives. Cette interdiction du téléphone portable à l’école concerne les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges du pays.
Aux États-Unis, la ville de Los Angeles, qui gère le deuxième plus grand district scolaire du pays, a décidé en juin dernier de bannir les téléphones portables dans les écoles publiques. Si c'est déjà le cas pour la Floride, des projets similaires sont en cours en Oklahoma, au Kansas, au Vermont, en Ohio, en Louisiane et en Pennsylvanie.
La recherche scientifique mitigée
De manière générale, la tendance est à l’interdiction systématique du smartphone dans les établissements scolaires. Un pays sur quatre dans le monde a adopté des lois interdisant l'utilisation des téléphones portables dans les salles de classe, selon l’édition 2023 du rapport de l'Unesco sur l'éducation dans le monde. L’organisation internationale souligne l'impact négatif de l'usage excessif des mobiles sur les capacités d’attention et d'apprentissage des élèves, en se basant sur les conclusions de récentes enquêtes de l’OCDE.
Cependant, si d'innombrables études ont été conduites pour mesurer les effets des écrans sur le comportement et les résultats scolaires des jeunes, la littérature scientifique s’est peu intéressée à l’efficacité présumée des politiques d’interdiction des téléphones portables à l’école. Marilyn Campbell et Elizabeth J Edwards de l’université de Queensland ont examiné les conclusions de 22 travaux de recherche sur le sujet. Elles en ont déduit que "les preuves en faveur de l'interdiction des téléphones portables dans les écoles sont faibles et peu concluantes", comme elles l’ont écrit dans un article publié sur le site The Conversation.
Mais Sara Abrahamsson, chercheuse à l’Institut Norvégien de santé publique, est parvenue à la conclusion inverse. Elle a constaté, entre autres, que les jeunes Norvégiennes qui fréquentent des établissements scolaires où l’utilisation des téléphones est prohibée ont moins besoin d’être suivies pour des troubles psychologiques que les autres. Elle a également établi un lien entre les résultats scolaires et les smartphones. De quoi pousser Sara Abrahamsson à affirmer que "l'interdiction des smartphones dans les salles de classe est un dispositif peu coûteux qui a des effets considérables sur la santé mentale et sur la réussite scolaire des élèves".