"Sana, le cristal qui consume"
Le documentaire "Sana, le cristal qui consume" suit le parcours de Vanina, André et "M" pour se défaire de leurs addictions à l'ice, aussi surnommée "sana". Pendant presque un an, Lucile Guichet-Tirao et Patita Savea ont recueilli leur parole et suivi leur combat.
L'ice est une drogue très addictive et la justice estime aujourd'hui que 10 000 Polynésiens en consomment. Une proportion très élevée rapportée au nombre d'habitants et ce, malgré son prix prohibitif (entre 250 000 et 500 000 F le gramme selon les périodes).
L'ice est arrivée il y a 20 ans sur le territoire et a bénéficié d'une image festive, "pas dormir".
Le documentaire questionne sur la prise en charge de ces toxicomanes amenés rapidement à voler et dealer pour pouvoir payer leur dose, entraînant violence et hallucinations sous l'effet du produit. Car la montée de la violence est systématique et inévitable, en raison à la fois du fort pouvoir addictif mais aussi des importants enjeux financiers.
Les trois personnages du documentaire, Vanina, André et "M" parlent avec beaucoup de lucidité de leur addiction. Mais faute de lit d'hospitalisation, c'est le système D qui prime pour se sevrer. Vanina raconte avoir été "sevrée à la dure", lors de son incarcération, avec le choc physique que cela a entraîné.
À sa sortie, elle s'est sentie seule et souffre du regard des autres, malgré son suivi une fois par mois avec un médecin du CCSAT.
André dit avoir arrêté il y a 6 ans, après un long séjour en prison et 11 passages au quartier disciplinaire qui ont fini par lui faire prendre conscience du mal qu'il reconnaît avoir fait à la société mais aussi qu'il s'est infligé à lui-même.
À sa sortie, il a choisi de s'installer au fond d'une vallée sans eau courante ni électricité. Son remède à lui pour "s'isoler de la société". Au fil du documentaire, nous le voyons partager des vidéos de la nature et délivrer des messages de prévention.
En se faisant connaître ainsi, il est de plus en plus sollicité pour intervenir auprès de jeunes.Enfin, le parcours de "M" semble plus fragile et plus chaotique. Après un passé très lourd, il peine à s'insérer dans le monde professionnel, notamment en raison de son dossier judiciaire et d'une addiction au cannabis qui subsiste.
Si des consultations hebdomadaires sont possibles au CPSA (Centre de Prevention et de Soin des Addictions, ex-CCSAT), faute de lit d'hospitalisation et de convalescence et faute de prévention, les toxicomanes et leurs familles se retrouvent livrés à eux-mêmes.
Pourtant, l'entourage joue un rôle déterminant dans le sevrage : s'il est important de couper totalement de ses fréquentations avec lesquelles on consommait le produit, le soutien des proches est également essentiel.
Difficile pourtant, lorsque le toxicomanes est en proie à des violences, des vols ou des hallucinations. Pour la justice, "les toxicomanes sont des malades qu'il faut soigner". Or, pour l'heure, la seule réponse qui existe est répressive.
Soirée débat
L'occasion d'en débattre juste après avec les invités de Maruki Dury : André qui apparaît dans le film, le procureur général près la Cour d'appel de Papeete, Thomas Pison, le docteur Romain Bourdoncle et la directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse Liliane Vallois.